Oskar Hippe - Et notre drapeau est rouge27/10/20242024Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2024/10/une_243-c.jpg.484x700_q85_box-12%2C0%2C1370%2C1965_crop_detail.jpg

Oskar Hippe - Et notre drapeau est rouge

Les mémoires d’Oskar Hippe (1900-1990) sont le témoignage rare, du moins en français, d’un militant ouvrier ayant traversé la Révolution allemande et la fondation du Parti communiste, la lutte de l’Opposition de gauche, le nazisme et la guerre, puis les geôles staliniennes.

Douzième enfant d’une famille ouvrière, Hippe naît avec le 20ème siècle, au sud-est de l’Allemagne, près de Leipzig, en Saxe-Anhalt. Le pays est en plein essor industriel et le parti social-démocrate, le SPD, devient le plus important parti socialiste d’Europe. C’est par le biais de ses frères et sœurs qu’Oskar, ouvrier dès 14 ans dans une briqueterie, s’engage politiquement. En 1916, quand il part travailler à Berlin, sa sœur lui arrache la cravate aux couleurs nationales que lui ont achetée ses parents. Le 1er Mai 1916, il participe à la manifestation lors de laquelle Karl Liebknecht prononce le discours contre la guerre et le gouvernement, qui lui vaut d’être arrêté. Hippe est mobilisé, lit les Lettres de Spartacus et s’engage dans la révolution qui, le 9 novembre 1918, aboutit à la chute de l’Empire. Désormais militant au sein de la Ligue Spartacus puis du jeune Parti communiste allemand, il est chargé de construire une organisation de jeunesse dans sa région natale quand, le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés. À Halle, où il se trouve, les travailleurs sont vaincus par les Corps francs en mars de la même année, et Hippe est arrêté avec des dizaines d’autres. Il participe ensuite à la grève générale contre le putsch de Kapp en 1920, à l’insurrection de mars 1921, et assiste aux échecs successifs de la Révolution allemande. Il travaille comme mineur de charbon, avant de figurer sur les listes noires patronales.

Au sein du KPD qui se stalinise, les conflits font rage. Non sans faire des erreurs, Oskar milite au sein de l’Opposition de gauche, qui dénonce le cours sectaire de la Troisième période suivi au début des années 1930 par le KPD, qui renvoie dos à dos les nazis et les sociaux-démocrates comme deux dangers comparables pour la classe ouvrière. Progressivement, ceux qui suivent les orientations proposées par Trotsky sont écartés du KPD, mais ils continuent de s’adresser à ses militants et tentent en vain de redresser la ligne de leur parti.

En janvier 1933, Hitler est nommé chancelier. En février, avec l’Opposition de gauche de Charlottenburg, un quartier de Berlin, Hippe organise une réunion sur le thème « Hitler a gagné. Que faire ? », et il est arrêté une première fois. Une seconde suivra : il est torturé par les SA, ainsi que sa femme, Gertrud, qui en restera handicapée à vie. Après avoir passé deux ans en prison, Hippe est libéré au printemps de 1936. Il milite alors clandestinement à Berlin, vivant dans un cabanon de jardin où des réunions sont organisées. Malgré la répression, les trotskystes berlinois restent actifs et suivent les discussions et les textes de Trotsky dont, en septembre 1940, ils apprennent l’assassinat survenu le mois précédent. Pendant la guerre, Hippe, qui a été frappé d’« indignité militaire » par le régime, n’est pas mobilisé. Il travaille au ministère des Transports et mène, avec ses camarades, une activité politique clandestine. Ses mémoires racontent de façon très concrète comment il milite sous la dictature féroce du régime nazi.

La guerre finie, Berlin est détruite à 80 %. Hippe poursuit son activité syndicale et politique dans la zone d’occupation soviétique, jusqu’à ce qu’en 1948 il soit arrêté par le NKVD, la police politique russe. Pendant plus de sept mois, il est interrogé douze à seize heures par jour, généralement la nuit et de nouveau torturé. Il est condamné pour « propagande anti-soviétique » à quinze ans de prison et est incarcéré au pénitencier de Bautzen, au sud-est du pays, jusqu’à sa libération en 1955. Il part alors vivre à Berlin-Ouest. Conformément à une résolution de la Quatrième Internationale, les militants de son groupe, peu nombreux à avoir traversé le nazisme et la guerre, sont alors entrés au SPD afin d’y construire une aile gauche, où Hippe les rejoint.

À la fin des années 1970, il rédige cette autobiographie, qui présente de nombreuses qualités, à commencer par le récit des événements exceptionnels que Hippe a traversés en militant. Le livre va et vient entre sa vie personnelle, son activité et la grande histoire dans laquelle il est emporté, et où il cherche toujours à agir consciemment, en communiste révolutionnaire.

Et notre drapeau est rouge. Du Spartakusbund à la IVe Internationale a été publié pour la première fois en français en 1985 par La Brèche, édité par Rodolphe Prager, dans une traduction de Marie-Louise Roux, Didier Aviat et Johann Schögler. Épuisé depuis longtemps, il va prochainement reparaître aux éditions Les Bons Caractères.

 

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