Italie : le Parti communiste en quête d'un « nouveau cours01/04/19891989Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1989/04/24_0.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Italie : le Parti communiste en quête d'un « nouveau cours

Le Congrès du Parti Communiste Italien, qui s'est tenu à Rome du 18 au 22 mars, comportait pour le nouveau secrétaire général Achille Occhetto plusieurs enjeux. Le premier était de confirmer sa place à la tête du parti, une place toute neuve puisqu'il ne l'occupe que depuis juin 1988. Sur ce plan, tout s'est passé d'autant plus facilement que personne ne le contestait vraiment. Mais les autres enjeux étaient et restent plus délicats.

Car le problème essentiel des dirigeants du Parti Communiste Italien aujourd'hui est de donner un nouveau souffle à un parti qui piétine depuis des années aux portes du gouvernement et qui donne ces derniers temps de préoccupants signes de déclin.

L'inquietant bettino craxi

Le temps n'est plus en effet où le parti, qui fut celui de Berlinguer avant d'être celui d'Occhetto, semblait voler d'un succès électoral à un autre. Les élections européennes de 1984 intervenues justement au lendemain de la mort de Berlinguer avaient été celles du « sorpasso », du « dépassement », le Parti Communiste devenant avec 34,5 % des voix le premier parti italien. Mais ce score n'est plus qu'un souvenir et les voix communistes sont, depuis, en décrue régulière : 30,2% des voix aux élections régionales de 1985, et perte de l'administration de nombreuses régions ; 26,6 % des voix aux élections législatives de 1987 ; 22,8 % des voix aux élections administratives - partielles mais concernant tout de même 15 % des électeurs - de mai 1988.

Parallèlement, le Parti Socialiste de Bettino Craxi, qui avec quelques 10 % des voix a fait longtemps figure de parent pauvre à coté du Parti Communiste, réduit l'écart puisque, aux mêmes élections administratives de mai 1988, il obtenait 18,1 % des voix. Au contraire du PC, le Parti Socialiste de Craxi ne se voit opposer aucune exclusive pour participer aux gouvernements italiens. Craxi a même exercé pendant plusieurs années la présidence du conseil des ministres. Cela semble à la longue lui bénéficier, alors que la longue attente du PC dans l'opposition compromet sa crédibilité.

Craxi et le Parti Socialiste ne font d'ailleurs pas mystère de leurs intentions : « rééquilibrer » la gauche italienne, autrement dit réduire l'influence du PC au profit du PS. Cette prétention est d'autant plus inquiétante qu'elle semble être suivie d'effet, et que la France voisine offre l'exemple de la façon dont le Parti Communiste, malgré toutes ses tentatives de résistance, a pu être marginalisé de façon durable par le Parti Socialiste.

Le « nouveau cours » d'occhetto

C'est dire que le principal enjeu pour Occhetto, c'est d'ouvrir la voie du redressement pour le Parti Communiste Italien. C'est le but du « nouveau cours » politique que le secrétaire général a tenté de définir au cours de ce Congrès et qui a recueilli les suffrages des congressistes.

Sur le fond, ce cours n'a bien sûr rien de nouveau. Il n'est que la réaffirmation, encore un peu plus appuyée si possible, de la politique réformiste du Parti Communiste Italien. Celui-ci s'est affirmé prêt, depuis longtemps, à prendre sa place dans les gouvernements de la bourgeoisie. Il a multiplié les gestes, les déclarations dans ce sens, tenté de donner la démonstration de sa rupture complète avec son lointain passé révolutionnaire. Sur ce plan, le « nouveau cours » se devait d'en rajouter encore et c'est ce qu'a fait Occhetto... tout en faisant ce qu'il pouvait pour présenter comme nouvelle cette politique vieille comme le réformisme.

Car le problème du PC italien est en même temps de parvenir à affirmer une différence avec le parti réformiste qui participe au gouvernement et qui est son concurrent électoral direct : le Parti Socialiste. Mais c'est de moins en moins facile, justement, à mesure que le Parti Communiste jette par dessus bord tout ce qui pourrait rappeler son passé. Et c'est bien le problème des dirigeants du PC, depuis des années maintenant.

Cela dit, Occhetto estime sans doute que les circonstances pourraient être aujourd'hui, de ce point de vue, un peu plus favorables. En effet, Craxi et le Parti Socialiste ont dû accepter, tout en restant membres de la coalition gouvernementale, de rendre la présidence du Conseil à la Démocratie-Chrétienne. Les ministres socialistes sont de nouveau en position subalterne, à un moment où la situation économique semble devenir plus difficile que durant les deux ou trois dernières années et où le gouvernement s'engage dans de nouveaux plans d'austérité. Autant d'éléments qui pourraient favoriser relativement le Parti Communiste, seul parti d'opposition à gauche. C'est en tout cas le calcul que fait sans doute Occhetto, et dont les prochaines élections européennes, au mois de juin, donneront la première vérification.

Regler les comptes... avec 89 !

Le nouveau secrétaire général semble au moins doué d'une qualité indispensable dans le poste qu'il occupe : celle d'avoir la langue bien pendue et même un don certain pour la logomachie. Occhetto s'est en effet beaucoup dépensé, depuis qu'il occupe le secrétariat général, pour illustrer le « nouveau cours ».

Que le Parti Communiste Italien ait renoncé à toute transformation révolutionnaire de la société, c'est clair depuis bien longtemps. Non content de l'avoir démontré par sa pratique politique, il l'a à plusieurs reprises proclamé en toutes lettres. Ainsi, Berlinguer avait déjà affirmé fortement que, selon lui, « la force propulsive de la révolution d'Octobre était épuisée » et que la référence « communiste » remontant à la scission entre la deuxième et la troisième Internationale n'avait donc plus de sens : le Parti Communiste Italien devait se considérer selon lui comme partie intégrante de la « gauche européenne », quelque part du coté de la social-démocratie allemande, du parti travailliste anglais ou du Parti Socialiste français. Le congrès du printemps 1986, le premier congrès après la mort de Berlinguer, avait poursuivi dans cette voie.

Réaffirmer ces orientations en les faisant passer pour « nouvelles », c'est à cette gageure qu'était confronté Occhetto. Après Berlinguer qui avait dépassé la révolution russe, il se devait de faire mieux. Il l'a fait en dépassant... la révolution française !

Une de ses déclarations a fait quelque sensation : celle où Occhetto, répondant aux questions d'un journaliste de l'Espresso sur la révolution de 1789, déclarait que, sans doute, le Parti Communiste Italien se reconnaît « fils de ce grand acte de l'Histoire » . Mais c'était pour y mettre une condition : « que l'on s'arrête à la phase d'août 1789, à ce moment fondamental de la Révolution que fut la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » . Au-delà, la phase jacobine de la révolution est pour Occhetto celle « de l'auto-exaltation » « qui avait en elle les racines de l'autoritarisme » ! Et de conclure que, selon le Parti Communiste Italien, « l'ère des révolutions violentes est terminée, celle des révolutions non violentes s'est ouverte » , la non-violence étant désormais pour lui « une nouvelle et véritable acquisition théorique » .

Non-violent, fils de 89 jusqu'à la Déclaration des droits de l'homme mais guère plus loin, voilà qui situe Occhetto quelque part entre la bourgeoisie libérale et l'aristocratie éclairée !

Le « reformisme fort »

Ayant ainsi réglé ses comptes avec toute lointaine référence révolutionnaire de son parti, le « nouveau cours » d'Occhetto risquait de n'être guère exaltant. Et surtout, il risquait de ne le distinguer en rien de la politique du Parti Socialiste de Craxi. Occhetto a donc cherché un mot « nouveau » pour caractériser sa « politique nouvelle » : c'est le « réformisme fort ».

Le mot est là pour s'opposer au Parti Socialiste dont le réformisme, selon Occhetto, est évidemment « faible » ; le Parti Socialiste n'est-il pas au gouvernement depuis des années, sans que sa politique change quoi que ce soit au système ?

Le nouveau secrétaire général, poursuivant dans ce qu'il nomme sa « recherche », a tenté de préciser les contours de son réformisme. Il faut, selon le document qu'il a présenté au Congrès, « dépasser les différentes traditions du mouvement ouvrier » , car « les contradictions de notre époque ne peuvent être affrontées ni avec un repliement classiste fermé, ni hors du mouvement réel » . Selon lui, « la démocratie n'est pas une voie vers le socialisme mais la voie du socialisme » . Quant au marché capitaliste, il « a connu une extraordinaire expansion et se développera encore » et « la réponse nécessaire est une nouvelle grande politique démocratique capable d'interpréter, utiliser, réglementer la dynamique du marché » : c'est « une nouvelle frontière démocratique et progressiste à laquelle doit participer le mouvement ouvrier » et qui doit s'accompagner « de l'extension maximum de la démocratie ».

Pour qui ne verrait pas clairement quelle perspective se dessine ainsi et surtout en quoi ce verbiage se distingue de celui qu'emploient tous les partis sociaux-démocrates, qu'ils soient au pouvoir ou qu'ils aspirent à y être, Occhetto précise que ce « réformisme fort » est un réformisme qui est « une réponse positive aux nouveaux grands problèmes de la société italienne » et prend en compte par exemple : « la restructuration écologique de l'économie » et « le sens et la valeur de la différence sexuelle » .

C'est donc un hommage rendu aux sensibilités écologiste et féministe, auquel s'en ajoute tout de même un autre. Sans jamais utiliser le terme de « classe ouvrière », Occhetto rappelle que « la politique et les perspectives du PCI s'ancrent en permanence sur la centralité du travail et des travailleurs » . Mais c'est pour déclarer aussitôt que « les grandes nouveautés de notre époque imposent un bond qualitatif dans nos références idéologiques et dans notre lien social avec le travail et les travailleurs » ; ainsi, « mobilité, élasticité, flexibilité sont les nouveaux terrains sur lesquels se développent les conflits du travail et donc l'action syndicale » . Occhetto oublie seulement de préciser qu'il ne s'agit pas là des revendications ouvrières, mais des revendications patronales !

Faire piece a la concurrence du ps

Les véritables objectifs d'Occhetto sont bien sûr à chercher ailleurs que dans ce bavardage. Mais celui-ci les révèle tout de même à sa façon.

Aux références extérieures qu'avait invoquées Berlinguer - parti social-démocrate allemand, Labour Party britannique, PS français - , Occhetto en ajoute maintenant d'autres, qui vont de la politique réformatrice de Gorbatchev en URSS (dont les dirigeants du PC italien se vantent maintenant d'avoir été les précurseurs) à celle du Parti démocrate des États-Unis ! Il préfère aussi, lorsqu'il se rend à Paris, rendre visite au dirigeant du PS, Pierre Mauroy, plutôt qu'à son homologue « communiste », Georges Marchais, et a même parlé de demander son adhésion à l'Internationale Socialiste.

Mais il y a tout de même une référence que le Parti Communiste Italien ne peut pas invoquer : celle du Parti Socialiste... Italien ! Au contraire de celui-ci, le projet du PC italien, selon Occhetto, doit comporter un véritable « projet de changement ». Les terrains sur lesquels le Parti Communiste Italien cherchera à concurrencer le PS sont donc définis : ce seront ceux de l'écologie, du féminisme, du pacifisme, références dont il ne faut pas chercher les raisons ailleurs que dans les opportunités électorales du moment. Le terrain de classe n'est présent que par le biais des vagues références à la « centralité du travail ». Toutes choses qui font à vrai dire que le « réformisme fort » d'Occhetto, tout en cherchant à s'en distinguer, ressemble comme un frère au « réformisme faible » de Craxi, qui d'ailleurs se montre lui aussi tout à fait capable de faire vibrer la fibre écologiste, pacifiste ou féministe.

Occhetto a donc cherché aussi à reprendre l'initiative face au parti de Craxi. Dans les semaines qui ont précédé le Congrès, le PS avait proposé au PC de reconstruire d'ici l'échéance européenne de 1992 une « maison commune » avec le PS, autrement dit de mettre fin à cette existence séparée des deux partis qu'Occhetto affirme aujourd'hui dépassée. Reprenant la balle au bond, Occhetto a proposé de ne pas attendre si longtemps. Le Parti Socialiste a été appelé à abandonner l'alliance privilégiée avec la Démocratie Chrétienne pour lui opposer plutôt une alternative commune avec le PC. Au sein de cette sorte d' « union de la gauche », en somme, le « réformisme faible » du Parti Socialiste deviendrait aussitôt un « réformisme fort » .

L'hostilite de craxi

Les réactions du PS de Craxi au Congrès communiste ne se sont pas fait attendre ; elles ont été particulièrement mauvaises, Craxi dénonçant les « nouveautés » d'Occhetto comme autant de « vieilleries bien connues ». Il estime en effet n'avoir pas d'intérêt à un contrat avec le PC et encore moins à une fusion tant que le rapport de forces est encore favorable à ce dernier.

L'ennui pour Occhetto est que, si le PS peut se passer de l'alliance du PC, la réciproque n'est pas vraie. Si Craxi a été admis à exercer le poste de premier ministre de l'Italie tout en étant à la tête d'un parti bien plus faible électoralement que le PC, personne dans la bourgeoisie italienne et internationale n'envisage sérieusement, actuellement du moins, de confier un tel poste à un représentant du Parti Communiste Italien. Tout au plus pourrait-il être question de lui confier des ministères au sein d'une coalition largement dominée par le Parti Socialiste, comme on en a eu l'exemple en France.

La bourgeoisie italienne, tout comme ses homologues de France, d'Europe et d'ailleurs, sait très bien à quoi s'en tenir sur la politique des Partis Communistes. Elle sait très bien qu'ils n'ont depuis longtemps plus rien de révolutionnaire et n'aspirent qu'à être de loyaux gérants du capitalisme. Elle en a eu la preuve bien des fois, sans avoir besoin d'attendre les contorsions pseudo-théoriques d'un Berlinguer ou d'un Occhetto sur l'analyse de 1917 où même de 1789. Le problème n'est pas là pour elle.

Pour la bourgeoisie, quoi qu'ils disent et quoi qu'ils fassent, les Partis Communistes restent des corps étrangers dans son système politique. C'est leur passé qu'elle leur reproche, un passé que tous les Occhetto du monde peuvent renier cent fois, mais dont ils ne peuvent pas faire qu'il n'ait pas existé ! Cette méfiance découle de l'origine historique des Partis Communistes, des liens qu'ils en ont gardés avec la classe ouvrière, du fait que les hommes qui dirigent les Partis Communistes ont été formés dans un appareil qui même s'il n'est plus révolutionnaire reste néanmoins relativement autonome, et non dans le sérail où se forment les hommes politiques bourgeois. Autant de raisons qui font que la bourgeoisie continue à se méfier d'eux et ne veut pas les admettre dans le club des partis qui participent à part entière à la répartition et à l'alternance des postes gouvernementaux. Même si cela rend impossible toute véritable alternance au pouvoir et fait que les gouvernements italiens sont invariablement axés depuis 1945 sur le parti de la Démocratie-Chrétienne qui, d'un scandale à l'autre, n'en finit pas de s'user au pouvoir, sans même pouvoir se permettre de temps en temps une cure d'opposition régénératrice.

Car ce qui pose un problème particulier en Italie reste encore justement... la force relative du Parti Communiste. En France, un Mitterrand pouvait prendre des ministres communistes en 1981 comme otages d'une majorité parlementaire socialiste qui de toute façon ne dépendait pas d'eux. Mais Craxi en Italie, en homme politique bourgeois responsable à l'égard de sa classe, ne peut s'engager à former une coalition gouvernementale de gauche où, dans l'état actuel des rapports de force et du système électoral (la proportionnelle presque intégrale), les députés communistes auraient un rôle déterminant. Même s'il est évident que le Parti Communiste serait prêt à donner toutes les garanties possibles à Craxi, à lui laisser la présidence du conseil et à se contenter de postes subalternes par exemple, c'est Craxi qui ne peut envisager de former un gouvernement qui apparaîtrait de toute façon dépendant du bon vouloir du PC.

Voilà pourquoi toutes les « nouveautés » d'Occhetto ne se sont attirées que quelques sèches réponses de la part de Craxi. Selon celui-ci, la situation n'est pas encore mûre pour une alternative de gauche : il faut que le PC « évolue encore » sans qu'on comprenne très bien ce qu'il doit faire encore et si, après avoir renié la révolution de 1917 et les trois quarts de celle de 1789, il doit encore faire un effort...

En fait Craxi sait très bien ce que doit faire le PC, et cela ne se situe pas dans le domaine de la discussion sur les mérites respectifs de Robespierre et de Lénine. Craxi sait le préciser quand on le lui demande ; « évoluer encore », cela veut dire que le PC doit être « redimensionné », continuer à perdre des voix et des députés au profit du PS, jusqu'au jour où le rapport de forces en faveur de ce dernier sera incontestable.

Le « nouveau cours » d'Occhetto n'a donc guère plus de chances que l'ancien d'ouvrir au PCI les voies du gouvernement. De ce point de vue, la comparaison entre le PC italien et le PC français ne manque pas de saveur. Les dirigeants du Parti Communiste Italien tiennent à prendre leurs distances d'avec la politique de leur homologue français, le déclarent trop archaïque, trop crispé sur le passé, lui attribuent la responsabilité de son propre déclin, préfèrent serrer la main d'un Pierre Mauroy que d'un Georges Marchais et aiment faire étalage de toutes les « innovations » théoriques dont ils sont les auteurs et que le PCF n'aurait pas faites. Mais il n'y a sur le fond aucune différence réelle entre leur politique et celle du PCF, sinon dans le dosage des reniements et des déclarations réformistes des deux partis ; aucune différence en tout cas qui vaille d'être prise en compte par la bourgeoisie, sauf une : leur force relative. Et de ce point de vue, tout « novateur » qu'il apparaisse, c'est encore le Parti italien qui a du retard sur le PCF, parce qu'il a encore trop d'influence, trop de voix aux élections et trop de députés. Pour avoir droit à des ministres, ne serait-ce que dans la faible mesure où la bourgeoisie française l'a accepté pour le PCF de 1981 à 1984, il faudrait que le PCI décline encore beaucoup !

Occhetto, un succes... au congres

Mais en attendant, justement, Occhetto et les dirigeants du PC italien voudraient bien ne pas décliner. Comme il sait bien que son « nouveau cours » ne va pas lui ouvrir par miracle la voie des postes ministériels, Occhetto se contenterait sans doute qu'il lui permette, dans l'immédiat, d'enrayer la chute.

Il faudra attendre les prochaines échéances électorales, c'est-à-dire les élections européennes, pour savoir si le « nouveau cours » aura quelque résultat sur ce plan. En attendant, le nouveau secrétaire général devra se contenter du succès enregistré au Congrès lui-même. Un succès évidemment attendu, même s'il s'accompagne de développements plutôt imprévus. C'est ainsi qu'un certain nombre de représentants de la « droite » traditionnelle du parti, les « miglioristi » regroupés autour de Giorgio Napolitano, partisans d'un alignement ouvert sur le Parti Socialiste, n'ont même pas été réélus au Comité Central. A « gauche », si l'on peut dire, la sensibilité pro-soviétique incarnée par le sénateur Cossutta s'est trouvée isolée ; Occhetto n'a-t-il pas trouvé le moyen de faire référence à Gorbatchev lui-même et à ses réformes ?

Enfin, quelques propositions visant à illustrer le « nouveau cours » sont passées sans problème. Il en est ainsi de la suppression de la référence des statuts au « centralisme démocratique », réminiscence du passé communiste, et de... l'interdiction de fumer dans les réunions du parti, dont on imagine qu'elle a pour but d'illustrer combien celui-ci a désormais l'âme écologique !

Le rôle de secrétaire général du Parti Communiste Italien, celui des partis communistes occidentaux qui est le plus ouvertement social-démocrate, demande en tout cas désormais de savoir se livrer à des exercices d'acrobatie politique pour tenter d'exprimer à la fois des « sensibilités » écologiste, féministe, pacifiste, vaguement réformistes, sans oublier les quelques références au « monde du travail ».

un enjeu qui reste determinant : la presence dans la classe ouvriere

Cela n'empêche pas les dirigeants du Parti Communiste d'être conscients que le maintien de son influence dans la classe ouvrière est pour lui un enjeu d'importance. Les dirigeants du PC déplorent régulièrement la baisse du pourcentage des adhérents ouvriers, la baisse de leurs voix dans les quartiers ouvriers des grandes villes et rappellent la nécessité de porter toute son attention à l'implantation dans les entreprises. Ils ne répugnent même pas à souffler parfois sur le mécontentement, comme ils l'ont fait dès le lendemain de leur Congrès lorsqu'un décret du gouvernement socialo-démocrate-chrétien augmentant les dépenses de santé a soulevé une vague de protestations dans la classe ouvrière. Le PC lui-même a encouragé les multiples débrayages, quitte à apparaître en contradiction avec la CGIL - le syndicat qui lui est lié - dont le secrétaire général Bruno Trentin, lui-même membre du bureau politique du parti, condamnait les grèves de protestation comme des formes d'action « dépassées ».

Même si de tels accès revendicatifs font de moins en moins illusion, le Parti Communiste d'Occhetto, tout « réformiste fort » qu'il s'affirme, est donc encore bien loin d'avoir épuisé son influence, et même ses possibilités d'action au sein de la classe ouvrière.

Et au fond, cela reste sans doute, malgré tout, la principale « force » du réformisme du Parti Communiste Italien, même dans sa version Occhetto, et ce qui pourrait intéresser le plus un jour, en cas de crise sociale profonde par exemple, la bourgeoisie italienne : disposer d'un « parti réformiste fort »... contre la classe ouvrière !

le 26 avril 1989

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