Haïti : publications d'extrême-gauche à Haïti (extraits)01/12/19861986Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1986/12/5_0.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Haïti : publications d'extrême-gauche à Haïti (extraits)

Parmi les publications nouvelles diverses qui paraissent à Haïti, il semble en exister deux qui se revendiquent, par leur intitulé ou par le contenu de leur texte, du communisme révolutionnaire.

Une des deux s'intitule Presse Ouvrière. Dans un « Volume un, numéro spécial » daté d'octobre 1986 cette publication se présente comme l'organe de la Ligue Ouvrière Socialiste. Dans un texte « A nos lecteurs... » publié en première page, elle présente la Ligue Ouvrière Socialiste comme une « organisation de la classe ouvrière dont la responsabilité suprême est de rassembler les cadres et de préparer le fondement théorique et programmatique du « parti d'avant-garde » de la classe ouvrière ». Elle affirme par ailleurs qu'elle « se base sur la méthode du matérialisme dialectique et du programme marxiste, comme il a été développé par le communisme international sous la direction de Lénine et de Trotsky et du programme de transition de la Quatrième Internationale. »

Un article intitulé « Haïti, huit mois après » analyse « La désintégration politique et idéologique du Conseil national du Gouvernement » comme « Le résultat de la non-intégration, de l'isolement des masses populaires des affaires du pays. C'est aussi la conséquence de la vacillation de la petite bourgeoisie proprement dite. Et c'est la pierre angulaire de la révolution qui doit s'effectuer en Haïti » . Après avoir notamment affirmé « Le développernent de la science marxiste ne peut être que le résultat de la lutte contre la philosophie bourgeoise dans la classe ouvrière. Un tel avancement exige la création d'un parti révolutionnaire » , le texte s'en prend à « La redécouverte de la notion de « front populaire » avec toutes les forces réactionnaires mais anti-duvaliéristes » , qui « est une trahison de la lutte des masses dans le pays » .

Affirmant que « Les racines du duvaliérisme sont à déchouker une fois pour toutes et cela, au profit des masses » , cet article-bilan se termine sur cet appel :

« En conséquence, nous autres de la Ligue Ouvrière Socialiste (LOS), conscients de la complexité de la conjoncture et pour l'avancement de la lutte en faveur des masses, proposons à tous les ouvriers, paysans et aux jeunes de se ranger sous la bannière du programme MARXISTE de la Ligue Ouvrière Socialiste pour la construction du « Parti Travailliste.

A BAS LA JUNTE CIVILO-MILITAIRE DE DUVALIER.

POUR UN GOUVERNEMENT POPULAIRE SUR UNE BASE SOCIALISTE.

VIVE LA LIGUE OUVRIÈRE SOCIALISTE. »

L'autre publication s'intitule La voix des travailleurs. Elle est « éditée par le comité pour l'organisation d'un parti des travailleurs ».

Nous extrayons de l'article intitulé : « créer nous-mêmes notre propre démocratie » les passages suivants :

« Où en sommes-nous avant la grève générale et après les deux grandes manifestations de Port-au-Prince du 31 octobre et du 7 novembre ?

( ... ) Il est aujourd'hui évident que le mouvement du 7 février n'a, jusqu'à présent, rien apporté aux ouvriers ; aux paysans, aux chômeurs, aux exploités de ce pays, alors que c'est pourtant l'énergie des masses exploitées qui a abattu Duvalier.

(...) Il est clair que ce n'est pas le CNG qui nous donnera la démocratie. Mais les exploités en lutte peuvent créer leur propre démocratie. Dans de nombreux endroits, à Gonaïves, à Jérémie dans certains quartiers de Port-au-Prince, se sont constitués des comités de quartier et parfois, de ville. Il semble que dans certains endroits, ces comités ne se cantonnent pas aux problèmes du quartier, à l'hygiène ou à une vie associative, mais qu'ils attirent les éléments les plus combatifs qui prennent position sur les problèmes du moment, qui organisent les manifestations, etc. C'est une voie à suivre et à élargir. Ces comités qui se multiplient pourraient devenir l'organisation des masses exploitées en lutte.

Il faut que dans ces comités, les travailleurs les chômeurs en lutte puissent débattre démocratiquement de tous les problèmes politiques, qu'ils puissent entendre se confronter tous les arguments de tous les courants politiques. Il faut que les travailleurs, les chômeurs, les pauvres puissent discuter des solutions à apporter aux problèmes urgents, prendre et exécuter les décisions qui s'imposent : par exemple, comment faire respecter la liberté, comment se protéger collectivement contre l'arbitraire, contre les interventions des forces de répression, comment répartir les produits pour que chacun mange à sa faim...

(...) Il est clair que ce n'est pas le CNG qui protège la société contre les macoutes qui redeviennent actifs ou contre les exactions d'hommes armés, officiels ou officieux, de toutes sortes. Pour ce qui est des macoutes, il tolère la renaissance officielle du duvaliérisme et pour cause, puisque le CNG lui-même est composé de serviteurs de Duvalier. Et quant aux exactions, c'est l'armée qui est la principale responsable. Alors, il faut que les masses exploitées se protègent. Il faut qu'elles s'organisent pour cela, et qu'elles se donnent les moyens matériels pour se protéger centre les réactions des militaires, des macoutes, des bandits armés de toutes sortes : la seule solution, c'est le peuple en armes.

Il est clair aussi que le CNG ne donnera pas le pain à tout le monde. Pour cela, il faudra que les pauvres contrôlent la production et la répartition des richesses. Et il faudra confisquer les grandes propriétés foncières et les mettre à la disposition des paysans.

Aucun gouvernement au service des riches n'osera toucher aux riches. Pourtant, c'est indispensable ; il y va de la survie des classes exploitées » .

Un autre article, intitulé « Ne pas se tromper d'adversaire » commente les appels lancés par divers dirigeants de l'opposition à l'état-major des forces armées « pour qu'il intervienne contre les fusillades et les assassinats perpétrés par des militaires. C'est une façon » , y est-il dit, « de faire croire que l'agissement des soldats est ignoré de leurs supérieurs, qu'il s'agit d'exactions individuelles, et que c'est la direction de l'armée qui pourrait prendre la défense du peuple » .

L'article se conclut par l'affirmation que « Les soldats ne sont que des hommes de main, recrutés souvent parmi les pauvres. S'ils font du zèle pour exécuter les ordres de l'état-major, pour réprimer, il faut qu'ils sachent qu'ils auront tout à craindre de la haine des exploités. Mais il faut qu'ils sachent aussi que s'ils refusent de tirer sur les exploités, c'est-à-dire bien souvent leurs frères, leurs pères ou leurs cousins ouvriers, chômeurs ou paysans, alors ils trouveront auprès d'eux la fraternité qu'ils ne trouveront pas auprès de heurs colonels ou généraux qui les méprisent » .

Enfin, sous le titre. « Les pauvres ont besoin de leur propre parti pour diriger leurs luttes » un article, commençant par un commentaire des manifestations du 31 octobre et du 7 novembre, affirme notamment : « ( .. ) Au lendemain de ces manifestations, des organisations composées par des gens de la petite bourgeoisie ; issus des milieux de l'intelligentsia, des notables, ont tout naturellement pris la direction d'un mouvement qui n'en avait pas, et c'est tout aussi naturellement et avec l'assurance des gens habitués à décider et à diriger, qu'ils ont commencé à prendre des dispositions pour écarter de la direction des manifestants qui ne sont pas de leurs coteries. Des travailleurs, des jeunes chômeurs, des pauvres, un moment tolérés dans les réunions d'état-major, en sont aujourd'hui franchement écartés.

Ce sont les notables, l'intelligentsia, qui veulent parler et décider au nom de tous. Et s'ils peuvent se le permettre, c'est parce qu'ils font partie des gens cultivés de la société, de ceux qui, à la culture, ajoutent l'habitude de commander et de décider. mais ont-ils les mêmes perspectives que les pauvres ? Ceux-ci devraient-ils confier leur sort à cette direction qui cherche à se mettre en place ?

Bien sûr que non.

(...) Les pauvres ; qui savent par toute l'expérience de leur vie quotidienne, que rien ne leur a jamais été donné, qui n'ont quelque chose que par leurs efforts, leur travail, ne peuvent évidemment pas compter sur la bonne volonté et les bons sentiments des dirigeants des autres classes sociales.

(...) Les travailleurs, les pauvres ne peuvent compter que sur leur propre capacité à diriger leurs luttes. Pour cela, un parti leur est absolument nécessaire.

( ... ) Un parti révolutionnaire des travailleurs mettrait en évidence l'opposition irréductible d'intérêts entre les pauvres et les riches, même haïtiens ; par contre, il s'appuierait sur la communauté d'intérêts qui lie les pauvres, les exploités d'Haïti, au-delà des nationalités, des frontières, à ceux des USA, de Saint-Domingue, de la Jamaïque et de l'Amérique latine ( .. .) ».

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