Les revers du mouvement palestinien et les responsabilités politiques de l'OLP01/09/19821982Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1982/09/96.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Les revers du mouvement palestinien et les responsabilités politiques de l'OLP

La défaite subie à Beyrouth par le mouvement palestinien est sévère. Les combattants palestiniens ont été désarmés, dispersés aux quatre coins du monde arabe, sous l'oeil complice des grandes puissances, cependant que l'armée israélienne, pour parachever sa victoire, lâchait ses supplétifs contre les populations désarmées des camps palestiniens de Beyrouth.

Pourtant si les milices palestiniennes ont été vaincues, ce n'est faute ni de courage ni de détermination. Elles ont tenu tête (appuyées par les milices de la gauche libanaise) pendant plus de deux mois, face à l'armée la plus puissante du Moyen-Orient et probablement l'une des plus puissantes du monde. Les combattants ont résisté au blocus, au pilonnage de leurs bases et de leurs quartiers pendant des semaines. S'ils ont dû finalement reculer devant une armée infiniment supérieure en nombre et en moyens techniques, c'est qu'ils sont restés seuls. Les États arabes qui se prétendent pourtant les alliés de la cause palestinienne, n'ont même pas levé le petit doigt pour venir au secours des combattants palestiniens. A Beyrouth, les Palestiniens ont été acculés à un combat quasi-singulier par l'armée israélienne. Dans un tel combat le David palestinien ne pouvait gagner militairement face au Goliath israélien.

Mais pourquoi donc la résistance palestinienne est-elle restée seule ? Ou pour poser la question en d'autres termes, de quel côté l'OLP, direction politique du mouvement palestinien, a-t-elle cherché, dans le passé, des soutiens, si elle en a cherché ?

Toujours du côté des États arabes, des régimes en place, jamais du côté des masses opprimées par ces États.

Le mouvement palestinien avait d'immenses possibilités de gagner la confiance de millions d'opprimés des pays arabes qui regardaient avec sympathie son combat. Les masses palestiniennes que le sentiment de leur oppression nationale avait lancées dans le combat, ont la même langue, la même culture, les mêmes traditions que les populations des pays voisins. Les uns et les autres étaient opprimés, privés de tout droit, réduits à une vie misérable. Pour les uns, l'oppresseur était l'État d'Israël, représentant direct et défenseur des intérêts de l'impérialisme américain au Moyen-Orient. Pour les autres, l'oppresseur c'étaient les États arabes, des dictatures, le plus souvent mises en place ou soutenues par l'impérialisme américain. Par-delà les barrières des États tracées plus ou moins artificiellement par l'impérialisme il y a de cela quarante ou cinquante ans, l'exemple des feddayines qui se dressaient contre l'oppression et surtout semblaient se donner des organisations autonomes par rapport aux régimes en place, donnaient un exemple et suscitaient des espoirs.

Et la transformation du mouvement palestinien en un mouvement plus large qui même en restant sur le terrain du nationalisme, mais sur celui d'un nationalisme panarabe radical, aurait transformé la carte politique du Moyen-Orient, n'était pas seulement une possibilité théorique. Au moins à deux reprises, en Jordanie d'abord, au Liban ensuite, c'est très concrètement que l'OLP était confrontée à la question : allait-elle proposer une politique, allait-elle assumer la direction d'un mouvement dépassant le seul cadre palestinien.

Eh bien non, l'OLP n'était pas, ne se voulait pas une organisation révolutionnaire, pas même dans le cadre d'un nationalisme radical panarabe.

Son objectif n'a jamais été de bouleverser l'ordre établi ni renverser les institutions, même dans les régimes les plus réactionnaires du camp arabe. Les dirigeants de l'OLP, des nationalistes petits bourgeois, ont adopté le nationalisme le plus étriqué. Aux espoirs que soulevaient les feddayines, ils ont répondu en nationalistes palestiniens. Pour eux, le problème n'était pas que les opprimés des pays arabes se soulèvent contre la dictature régnant dans leur pays, mais uniquement d'abattre l'État d'Israël et de parvenir à la création d'un État palestinien. Ils ont fait le choix de compter sur le soutien financier, diplomatique, militaire des États arabes et non pas sur la lutte des pauvres des pays arabes. Ce choix, ils l'ont fait même si cela impliquait de collaborer avec des dictateurs haïs par leur population, la seule condition étant qu'ils soutiennent la lutte des Palestiniens.

Et le paradoxe de la situation au Moyen-Orient a fait que pour ne pas avoir osé dépasser le cadre étriqué du nationalisme palestinien, l'OLP s'est interdit de parvenir à son objectif même limité à ce seul cadre.

Au lieu d'user de son crédit auprès des masses arabes de la région pour les dresser contre leurs dirigeants, l'OLP s'en est servi pour contribuer à enchaîner ces masses derrière leurs oppresseurs.

Elle n'a guère été payée de retour. Et les combattants palestiniens ont pu constater non sans amertume qu'ils avaient été bel et bien lâchés dans le conflit libanais par les États arabes.

Et parallèlement, en considérant comme un seul bloc la population israélienne, en la classant d'office dans le camp du sionisme et de l'impérialisme américain, en niant le fait national juif, en prônant la destruction de l'État d'Israël, l'OLP s'est interdit toute possibilité de dissocier au moins une partie de la population d'Israël de ses dirigeants sionistes. Et le mouvement palestinien paye aujourd'hui l'incapacité de ses dirigeants à la fois à proposer une politique aux masses arabes pauvres de la région, et à s'adresser à la population juive.

L'olp attire les masses arabes mais se met a la remorque des états arabes

C'est la montée de la révolte parmi la population palestinienne des camps de réfugiés, consécutive à la défaite arabe de 1967, qui a donné réellement des troupes aux organisations de la résistance palestinienne. L'OLP n'a été ni le premier ni le seul mouvement de résistance armée en Palestine. La tradition remonte à l'époque du colonialisme britannique, dans les années 30, avant même la création de l'État d'Israël. Mais les premières organisations nationalistes palestiniennes ne se donnèrent pas d'autre direction que celle des dignitaires traditionnels, des féodaux qui appelèrent bien vite à déposer les armes dès qu'ils entrevirent la possibilité d'un compromis avec l'impérialisme britannique.

La constitution de l'État d'Israël a donné un nouvel essor au mouvement nationaliste palestinien. En effet, avec l'armistice signé par les pays arabes en 1949, la moitié de la population arabe de Palestine devint un peuple de réfugiés. Les pauvres de Palestine, paysans chassés de leurs terres, ouvriers agricoles, se sont retrouvés dans des camps dans les pays arabes, à proximité des frontières d'Israël. Mais c'est au sein de la petite bourgeoisie intellectuelle, parmi les étudiants palestiniens du Caire, marqués par l'idéologie panarabe développée à l'époque par Nasser, que se sont formés les futurs dirigeants de la résistance palestinienne. La lutte du FLN algérien et son succès face à l'armée coloniale française faisaient aussi figure d'exemple.

Pour tenter d'endiguer l'effervescence qui gagnait la jeunesse palestinienne, qui trouvait un écho dans les différentes capitales du monde arabe, pour canaliser les mouvements qui prônaient la lutte armée, et aussi devant leur propre faiblesse militaire face à Israël, les États arabes ont suscité en 1964 la création de l'OLP autour de Choukheiri. Mais bien que ce dernier maniait la surenchère nationaliste, bien qu'il assignait à son mouvement de « jeter les Juifs à la mer », il ne recruta guère et l'OLP resta une structure vide. Les petits groupes nationalistes ne virent pas de raison de rejoindre cette officine avouée des États arabes.

Mais la défaite arabe de 1967 fut un point tournant. Ce fut un nouvel exil pour la population arabe de Cisjordanie ou de Gaza. Ce fut aussi un afflux de militants, de combattants pour les organisations palestiniennes. En effet, la débâcle des armées arabes montrait la vanité des espoirs placés dans les régimes arabes et renforça la position des organisations palestiniennes qui prônaient la lutte armée comme le Fatah, l'organisation d'Arafat.

C'est un an plus tard à la bataille de Karamé que se révéla véritablement la résistance palestinienne. A Karamé, dans la vallée du Jourdain, en mars 1968, quelque trois cents combattants palestiniens en coopération avec l'armée jordanienne, réussirent à tenir tête quinze heures durant à l'armée israélienne. C'est l'organisation d'Arafat, le Fatah, implanté dans les camps de réfugiés en Jordanie qui organisa l'opération. La « victoire » était relative bien sûr, mais ses répercussions ont été immenses. Un dirigeant du Fatah raconte : « Avant la bataille de Karamé, nous étions seulement 722. Soudain nous fûmes 3000 » . Ce fut en fait la consécration d'une direction qui agissait plus ou moins clandestinement depuis quinze ans et dont la première action armée remontait à trois ans auparavant, en 1965.

L'afflux vers les organisations de la résistance a été tel alors qu'aucune organisation n'était capable de l'encadrer ni même de le contrôler. Devant cette croissance démesurée, de nombreuses organisations de la résistance ont senti la nécessité de se regrouper. Pour cela elles ont décidé de se servir de l'OLP qui, à partir de là, se modifia considérablement et se dota d'une nouvelle direction, où très vite, dès 1969, l'organisation d'Arafat fut majoritaire.

Dans les pays arabes on assista à une montée populaire en faveur de l'OLP, mais aussi contre les régimes en place. Tous ces régimes, qu'ils se disent progressistes ou pas, sont, en fait, des dictatures que la défaite des États arabes en 1967, lors de la guerre des « Six Jours », a ébranlées. Ces régimes avaient trouvé dans le nationalisme arabe un exutoire à la misère et l'oppression dans lesquelles ils maintenaient leurs populations. La lutte contre l'ennemi extérieur, Israël, présentée comme la lutte contre l'impérialisme au Moyen-Orient, avait pu faire diversion aux problèmes intérieurs de ces pays. Mais la débâcle de leurs armées, qui s'effondrèrent littéralement devant l'offensive israélienne, révéla la pourriture de ces régimes, les peuples ont découvert que tous les discours sur la lutte contre l'impérialisme et le sionisme n'étaient que démagogie.

Dans de telles conditions, les victoires, même limitées, des combattants palestiniens, leurs actions de commandos renouvelées contre Israël, attiraient chaque jour de nouveaux combattants, venus des pays arabes, à l'OLP. Cela d'autant plus que la communauté palestinienne était dispersée dans la plupart des pays arabes et qu'elle y jouait le rôle de ferment mobilisateur.

Certains régimes arabes, c'est au moins le cas pour la Syrie et l'Irak, pour mieux exercer leur influence au sein de la résistance et afin de se déclarer partie prenante de la question palestinienne sont allés jusqu'à créer leur propre organisation de libération, qui ont adhéré au mouvement. C'est donc un afflux de capitaux, de combattants, de moyens de toutes sortes, que reçoit l'OLP à partir de là.

La majorité des combattants venus à la résistance se trouvent regroupés sur de simples bases militaires avec comme objectif la lutte armée contre le sionisme. C'est bien évidemment le dénominateur commun aux multiples tendances qui, de la droite religieuse aux tendances se réclamant du marxisme, se retrouvent sous la direction unique de l'OLP. Mais c'est aussi un choix politique des dirigeants de l'OLP. Pour Arafat, la « force du Fatah vient de son refus d'être classé à droite ou à gauche, à l'Est ou à l'Ouest et de son refus d'être patronné par tel ou tel gouvernement arabe » . C'est sur les thèmes purement patriotiques, sur la base du « retour » que Arafat a centré toute la politique de l'OLP. En cela il se faisait directement l'écho des dirigeants arabes qui appelaient à l'unité et à la discipline du mouvement, témoin Khadafi qui déclarait en 1970 : « Si les organisations ne s'unissent pas... nous nous en passerons et nous nous adresserons directement au peuple palestinien qui ne connaît ni la gauche, ni la droite et n'est pas divisé par des philosophies qui ne visent pas à servir la cause palestinienne » .

C'est en ces termes que le débat politique a été posé et tranché au sein de l'OLP entre les partisans de la révolution arabe et l'aile modérée d'Arafat. La direction de l'OLP en adoptant cette ligne prétendument neutre, apolitique, a fait un choix : le statu-quo dans les pays arabes, le maintien des régimes même les plus haïs qui soient par la population, dans la mesure où ceux-ci apportaient leur concours à l'OLP. C'est là le choix fondamental qui a marqué la politique de l'OLP jusqu'à aujourd'hui.

Dès 1968, dans sa Charte constitutive, l'OLP affirmait en effet : « L'Organisation de Libération coopère avec tous les gouvernements arabes, selon les possibilités de chacun et ne s'ingère dans les affaires intérieures d'aucun État arabe » . C'était déclarer par avance aux chefs d'État arabes qu'ils pouvaient compter sur la direction de l'OLP. En aucun cas, l'OLP ne mènerait une politique visant le renversement des régimes en place et, bien évidemment, elle n'engagerait ses troupes, ses moyens, ses armes aux côtés de la population de l'un des quelconques pays arabes, si elle devait se révolter, ou même simplement se mobiliser pour l'obtention de droits pour elle-même. C'est cette politique-là qui a conduit, en Jordanie, au massacre des Palestiniens par l'armée de Hussein, en septembre 1970, lors du tristement célèbre « Septembre Noir ».

L'olp refuse l'alliance des peuples contre les états arabes

La Jordanie, État créé de toutes pièces par l'impérialisme, est un régime de dictature, qui ne se maintient que par le soutien de l'impérialisme américain. Depuis la défaite de 1967, l'autorité du roi Hussein était de plus en plus contestée. D'autre part, avec l'afflux de réfugiés palestiniens venus de Cisjordanie occupée, la population était devenue en majorité palestinienne. En deux ans, la résistance y était devenue omniprésente. Les Palestiniens en armes s'étaient installés dans toutes les villes du pays, la capitale Amman était presque entièrement palestinienne. Les commandos palestiniens constituaient un véritable État dans l'État, ils occupaient les diverses administrations, circulaient en armes et en tenue militaire, et surtout, ils étaient regardés avec une sympathie grandissante par la population.

Cela n'alla pas sans inquiéter les dirigeants arabes. Les rappels à l'ordre, les menaces se précisaient à l'encontre de la résistance palestinienne. Témoin ce qu'écrivait le général et ministre de la défense syrien Tlass : « Nous avons répété à maintes reprises que le fait de revêtir des uniformes et des tenues léopard dans les rues de Beyrouth et d'Amman n'avait rien à voir avec la résistance, que s'installer au grand jour dans les capitales et délaisser les maquis et les bases d'action directe contre l'ennemi n'avait aucun rapport avec l'action de résister, qu'arrêter les officiers, les membres de la police et les soldats, les fouiller et les humilier ne sont pas des comportements de résistants et de maquisards... » . Les dirigeants arabes pour qui le soutien à l'OLP était un moyen de faire diversion à leurs difficultés intérieures, ne pouvaient accepter de voir ainsi les feddayines contester leur autorité. Le danger, pour eux, était que l'OLP puisse cristalliser, même à son corps défendant, les aspirations panarabes des masses populaires. L'OLP implantée dans plusieurs pays arabes, attirant à elle les plus déshérités du Moyen-Orient, pouvait par sa simple existence, par l'exemple donné par les feddayines, susciter la mobilisation populaire contre les régimes en place.

En Jordanie où l'OLP était en passe de devenir l'État de fait, l'épreuve de force avec l'armée de Hussein était inévitable. Les avertissements ont été nombreux, les accrochages avec l'armée jordanienne se multipliaient. L'OLP était placée par sa propre politique dans une situation où l'évolution des rapports ne laissait pas d'autre choix : ou bien renverser la monarchie de Hussein ou bien courir au massacre. L'OLP a tergiversé, pour finalement reculer. En refusant les possibilités révolutionnaires qu'offrait la situation, l'OLP a conduit ses troupes au massacre. Et le massacre du « Septembre Noir » en septembre 1970 a été en proportion de la peur qu'avait éprouvée le régime.

L'OLP comptait sur le soutien des États arabes pour retenir le bras du bourreau Hussein, en remerciement sans doute pour sa modération. Ceux-ci ne sont intervenus qu'au bout de dix jours de massacre, et s'ils ont condamné ensuite Hussein ce n'est qu'après le bain de sang et probablement satisfaits que Hussein se soit chargé de la sale besogne de donner une leçon aux feddayines. La mobilisation était pourtant si grande, que six mois plus tard, l'armée de Hussein n'avait toujours pas réussi à reprendre le contrôle de Amman. C'est autant la démoralisation devant les atermoiements de leurs dirigeants que la répression qui amena les feddayines à évacuer Amman et les autres villes du pays en avril 1971.

C'est là la première défaite de l'OLP : elle fut le résultat non d'une erreur, mais d'un choix politique conscient de la part de la direction palestinienne. C'est un choix de classe, celui des oppresseurs arabes contre les opprimés. Ainsi que l'écrivent deux journalistes palestiniens dans Le Monde Diplomatique de juin 1978 : « II est généralement admis que c'est par des défaites militaires que la résistance palestinienne a pu être affaiblie et son champ d'action restreint. En réalité ses reculs ont été le résultat d'une série de compromis consentis par la direction. Ces compromis étaient toujours justifiés par la nécessité de garder de bonnes relations avec les gouvernements arabes afin de sauvegarder la résistance, en fait, ils permettaient à ces gouvernements de mieux contrôler la résistance en renforçant leur mainmise sur sa direction ».

Cette politique, l'OLP la réitéra au Liban pendant la guerre civile de 1975. Pour la direction de l'OLP qui l'a répété à maintes reprises, il s'agissait d'un « conflit entre Libanais ». Arafat prenait position de façon non équivoque en juin 1975 : « Tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. Le Liban ne peut en aucun cas profiter d'une crise qui détruirait tout. La révolution palestinienne sait, pour sa part, que le véritable champ de bataille se trouve en Palestine et qu'elle ne peut tirer aucun bénéfice d'une bataille marginale qui la détournerait de son véritable chemin » .

Et si finalement les troupes de l'OLP sont intervenues aux côtés des forces de la gauche libanaise contre les Phalanges de la droite, c'est à leur corps défendant, parce qu'elles étaient attaquées.

Le même scénario qu'en Jordanie se reproduisait, jusqu'à ce que l'affrontement soit déclenché par la droite, la direction de l'OLP n'envisageait pas de s'attaquer à celle-ci. Ce n'est que lorsque la guerre civile fut commencée parla droite que l'OLP dut alors choisir son camp et appuyer la gauche libanaise. La droite libanaise commença alors à connaître de sérieuses difficultés. Et l'armée syrienne intervint alors au Liban pour rétablir la situation de la droite. L'armée syrienne n'est pas allée aussi loin que l'armée de Hussein et il n'y eut pas à l'époque un nouveau « Septembre Noir » sur le sol libanais. II faut dire que le régime syrien ne pouvait pas se sentir menacé au même degré à l'intérieur même de ses frontières, car la Syrie n'y a jamais autorisé un développement autonome de la résistance palestinienne. La Syrie est vraiment intervenue au Liban en représentant et bras armé de tous les régimes arabes, pour mettre au pas les feddayines à défaut de les détruire.

Lorsque les troupes du régime syrien - celui-ci ayant été en proie à des difficultés intérieures - ont arrêté leur offensive contre les feddayines, Arafat s'est dépêché de passer un compromis avec la Syrie. Si un tel compromis pouvait parfaitement se justifier par le rapport des forces militaires, le faire par contre au nom de la « solidarité arabe », était une fois de plus donner la caution de l'OLP à un régime qui venait de la frapper. C'était affirmer que lorsque des dictatures arabes combattent les feddayines c'est par « malentendu » et non par hostilité fondamentale à des organisations autonomes par rapport à ces régimes.

A deux reprises au moins, en Jordanie puis au Liban, la direction de l'OLP a donc reculé devant les possibilités qui s'offraient aux combattants et devant les responsabilités qui lui incombaient. Elle s'est refusée à engager quelque lutte que ce soit risquant de modifier la situation des pays arabes au Moyen-Orient. Elle a désavoué ceux qui dans ses rangs, de fait, ne reculaient pas devant la mobilisation des masses. Car ce n'est pas du côté des peuples, mais du côté des États arabes que les dirigeants palestiniens ont choisi de placer l'espoir de leur peuple.

Le nationalisme de l'olp a donné des armes au sionisme

Les circonstances ont placé l'OLP, en tant qu'organisation luttant pour l'indépendance nationale d'un peuple, dans des circonstances particulières. Deux peuples y vivent sur le même territoire, et si le peuple juif s'y est installé au détriment du peuple palestinien, il y est maintenant et c'est un fait historique.

L'État d'Israël oppresseur du peuple palestinien apparaît au peuple juif comme le garant de son existence nationale dans la région.

Et c'est précisément au nom de ce sentiment que l'État d'Israël entraîne derrière sa politique d'oppression du peuple palestinien la population juive.

De toute évidence, la situation exige une politique à l'égard du peuple israélien. Tout le passé a montré l'inanité des seuls efforts militaires d'organisation de résistance contre un État supérieurement armé et disposant du soutien total de la population juive.

Mais les dirigeants de l'OLP ont eu la même politique à courte vue, la même politique nationaliste qui les a empêchés de s'adresser à la population juive d'Israël d'une façon différente de celle qu'ils ont vis-à-vis des dirigeants israéliens. L'État juif est l'oppresseur mais, pour l'OLP, la population est tenue pour collectivement responsable de la politique de ses dirigeants.

II est sûr que les gouvernements sionistes, en pratiquant le terrorisme à grande échelle contre les populations palestiniennes, ont dressé un mur de crainte et de haine entre les deux peuples. Mais était-il absolument impossible de convaincre la population israélienne que son intérêt n'était pas dans la politique menée par ses dirigeants visant l'oppression du peuple palestinien, mais au contraire dans une cohabitation fraternelle entre les deux peuples ?

La seule chance de séparer la population juive de ses dirigeants était, pour l'OLP, de mener une politique active en direction de cette population. On aurait vu alors si c'était un bloc aussi solide que cela. L'OLP aurait pu proposer une forme de cohabitation démocratique entre les peuples juif et palestinien sur la terre de Palestine. Mais pour cela, les déclarations ne suffisaient pas : il aurait fallu que cela se traduise dans la politique de l'OLP, si elle voulait se donner les moyens d'en convaincre l'autre camp. Mais les dirigeants de l'OLP ne se sont pas plus adressés à la population israélienne qu'ils ne se sont souciés des intérêts propres des masses arabes. C'était la même position de classe fondamentale, étroitement bourgeoise et nationaliste. Et c'est là que leur politique menait inévitablement à l'impasse.

Pendant des années, l'OLP a nié le droit à l'existence d'Israël, contribuant ainsi à rejeter la population israélienne dans le camp des sionistes. Les années fastes de l'OLP, ce furent aussi les prises d'otages, les commandos suicide contre les populations civiles, des attentats terroristes contre des foules désarmées. Et cette politique, même si Arafat la renie aujourd'hui, a abondamment servi la propagande des jusqu'auboutistes israéliens, en contribuant à creuser encore le fossé entre les deux peuples.

Dans un tel contexte, l'OLP aurait pu prôner des solutions démocratiques. Elle n'aurait même pas été entendue. Mais ce n'était même pas réellement le cas. Dans sa Charte, en 1968, l'OLP affirmait d'une part que « le partage de la Palestine en 1947 et la création de l'État d'Israël n'ont aucune validité, quel que soit le temps écoulé depuis cette date... » et, de l'autre, elle préconisait « la création d'un État non confessionnel et démocratique sur toute l'étendue du territoire palestinien » . Vus les sentiments anti-juifs manifestés par toute la propagande de l'OLP, toutes ces propositions ne pouvaient être convaincantes. Une seule chose en ressortait : l'OLP voulait détruire Israël, elle déniait les droits nationaux des Juifs. Et sa proposition d'État commun et non confessionnel n'était que le pendant de cela. Dans un tel État, vu le contexte, les Juifs devenus de toute façon minoritaires n'auraient pas eu le droit à la parole.

Pas plus que les Arabes, actuellement sous la tutelle de l'État israélien, ne l'ont aujourd'hui.

Les sionistes sont de mauvaise foi. C'est incontestable. Mais pendant des années, l'OLP s'est battue contre l'existence même de l'État d'Israël. C'est un fait. Et si les dirigeants palestiniens ont changé de position depuis, si au fil des temps l'OLP a modifié son objectif, cela ne peut apparaître que comme une reculade devant les pressions de l'impérialisme, et non comme un geste en direction de la population juive. Cela fait des années maintenant, dit-on, que l'OLP ne remet plus en cause, implicitement du moins, l'existence d'Israël. Mais justement, c'est implicite. Et jusque-là les dirigeants de l'OLP se sont refusés à proclamer de façon explicite ce que tous leurs textes officiels laissaient entendre implicitement. « En privé, déclare le journaliste du Monde Diplomatique, Eric Rouleau, ils assuraient diplomates, journalistes, qu'ils voulaient conserver « l'unique carte » qu'ils détenaient, celle de la reconnaissance formelle de l'État d'Israël, pour ne l'utiliser qu'à la table des négociations. » Mais cela est resté du domaine privé, de la diplomatie secrète.

Le problème, pour les dirigeants palestiniens aurait été, si tel était véritablement leur objectif, de s'adresser directement, clairement, au peuple juif d'Israël. Mais il faut croire qu'ils comptent davantage sur les chancelleries ou sur les diplomates des grandes puissances pour faire avancer leur cause. C'est un tout autre choix.

Depuis sa défaite de cet été, l'OLP a finalement reculé là-dessus. Elle a joué cette « unique carte ». Arafat a eu une entrevue avec un partisan de la paix israélien, Uri Avneri, « le premier israélien sioniste » qu'il ait reçu, comme il s'est plu à le qualifier. Issam Sartoui, un autre responsable de l'OLP a donné une conférence de presse avec un autre partisan de la paix israélien, le général israélien en retraite Peled, pour affirmer que « l'OLP est d'accord pour négocier la paix définitive avec Israël » .

Et puis il y a eu la spectaculaire déclaration d'Arafat affirmant et réaffirmant qu'il acceptait « toutes les résolutions de l'ONU concernant la question palestinienne » précisant même « n'oublions pas qu'Israël a été créé par une résolution de l'ONU » . Mais il s'est refusé à dire en clair ce que sa déclaration comportait de nouveau, à savoir qu'il acceptait l'existence d'Israël.

Et à ce petit jeu de reconnaître Israël, sans le reconnaître tout à fait, Arafat ne peut guère être bien convaincant. Et surtout, ce qui est moins convaincant que tout, c'est que si Arafat se fait aujourd'hui conciliant, c'est sur le coup de la défaite. C'est en effet maintenant qu'il est battu, qu'Arafat change de ton, et bat sa coulpe dans une interview au Monde, cet été en ces termes : « L'OLP n'a pas su expliquer sa cause aux Israéliens » ni « compris la mentalité israélienne » . Aujourd'hui il prétend vouloir s'adresser aux « soldats israéliens ainsi qu'aux simples citoyens » pour leur dire « arrêtez » . Et ce n'est pas un choix politique du seul Arafat, mais toute la direction de l'OLP est unanime sur cette autocritique, y compris ceux qui passaient pour l'opposition « dure » de l'OLP. Mais si l'OLP avait voulu s'adresser aux Israéliens avec une chance d'être crédible, n'était-ce pas quand les combattants palestiniens étaient capables de marquer des points face aux troupes israéliennes, qu'il aurait fallu tenir un tel langage ? II était sans doute possible alors, et de façon infiniment plus convaincante de la part de l'OLP, de dire aux Israéliens et aux exploités parmi ceux-ci, qu'ils ne les assimilaient pas à la politique belliciste de leurs dirigeants, ni qu'ils les tenaient responsables pour les crimes de ceux-ci.

Le changement d'attitude de l'OLP devant la défaite, ne peut malheureusement que donner raison en dernier ressort aux partisans de la guerre contre l'OLP. Begin et Sharon peuvent triompher, mettre à l'actif de leur victoire ce changement d'orientation politique de l'OLP et dire que c'est maintenant que l'armée de l'OLP a été brisée militairement que celle-ci ne parle plus de faire la guerre à Israël.

Aujourd'hui que les combattants palestiniens sont dispersés, que leur force militaire a été démantelée, ils n'ont guère plus d'autre solution, semble-t-il, que de plaider leur cause devant l'opinion internationale. La boucle est bouclée. C'est vers l'ONU et les grandes puissances impérialistes que la direction de l'OLP se tourne aujourd'hui. Et pour cela, c'est encore du côté des dirigeants arabes, qui ont pourtant assisté, complices des grandes puissances, à l'écrasement de l'OLP, qu'Arafat se tourne et demande aide et conseils.

C'est le sens de cette misérable comédie du sommet de Fès où l'on a pu voir Arafat congratuler et serrer sur son coeur tout ce que le monde arabe compte comme dictateurs. Tous ces fusilleurs d'ouvriers, de paysans, de pauvres, ces oppresseurs des peuples que sont les Hassan II, Fahd d'Arabie et Hussein, ce bourreau du peuple palestinien, étaient là. C'est à eux, entre leurs mains, qu'Arafat a remis, une fois de plus, le sort du peuple palestinien.

C'est depuis toujours, depuis le début, qu'Arafat a placé entre les mains des dirigeants arabes les destinées du peuple palestinien. Ceux-ci se sont fait valoir à Fès, ils ont paradé au nom des droit du peuple palestinien, après l'avoir laissé massacrer. Mais c'est aussi la politique qu'ils ont eue depuis toujours.

Que l'OLP, défaite aujourd'hui, frappe à toutes les portes pour obtenir un soutien, cela ne tire plus à conséquence. Mais ce qui a été capital, ce qui a joué un rôle décisif pour la cause palestinienne, c'est que c'est au plus fort du mouvement, lorsque les Palestiniens avaient le maximum de chances de leur côté, que les dirigeants de l'OLP, par fidélité de classe avec les Sadate, Hussein et Cie... ont refusé les possibilités révolutionnaires qui s'offraient aux combattants palestiniens. Ce sont les oppresseurs du monde arabe qui ont tracé en fait la politique de l'OLP. Et ce sont ces choix politiques que le peuple palestinien paie aujourd'hui.

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