La gauche pouvait-elle gagner les élections ?01/04/19781978Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1978/04/52_0.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

La gauche pouvait-elle gagner les élections ?

A regarder la comparaison arithmétique des résultats électoraux de 1978 et de ceux des législatives précédentes de 1973, la gauche, et plus particulièrement le Parti Socialiste n'aurait aucune raison de se plaindre.

Au premier tour des élections de mars 1978 - à ce premier tour où chaque électeur peut encore voter pour un candidat qui représente plus ou moins ses opinions - les trois partis de l'Union de la gauche ont recueilli 45,3 % des votes. En y ajoutant les 3,3 % de l'extrême gauche, la gauche atteint donc 48,6 % des votes. En 1973, l'ensemble de la gauche s'était contentée de 45,5 % des voix. Il y a donc une incontestable progression des électeurs qui ont voté à gauche, à la fois en nombre et en pourcentage.

Et dans cet ensemble, c'est précisément le Parti Socialiste qui, arithmétiquement parlant, aurait le plus de raisons d'être satisfait. Il a été le moteur de cette progression de la gauche en recueillant en compagnie des radicaux de gauche 24,7 % des votes contre 20,8 % en 73, à côté d'une extrême gauche qui maintient son pourcentage, et alors que le Parti Communiste, lui, a vu son électorat augmenter quelque peu en nombre, mais se tasser en pourcentage (20,6 % contre 21,4 % en 1971.

Même certains aspects des résultats de la droite auraient de quoi plaire au Parti Socialiste. L'électorat de droite n'a-t-il pas désavoué dans une certaine mesure la droite chiraquienne du RPR, celle qui a fait de l'anti-socialisme tout autant que de l'anti-communisme, son thème électoral ?

Et pourtant, au sortir de ces élections, c'est la gauche qui passe pour vaincue et c'est le Parti Socialiste de Mitterrand qui a subi l'échec le plus cuisant.

La majorité de droite sortante conserve la majorité avec 291 sièges. Quant à l'opposition de gauche, elle doit se contenter de 200 sièges.

Mais l'échec de la gauche électoraliste se situe même au-delà de ces deux chiffres - car après tout, la gauche améliore tout de même sa représentation parlementaire. Seulement cette gauche électoraliste dont toutes les composantes sont écartées du pouvoir gouvernemental depuis bientôt vingt ans pour les uns et plus de trente pour les autres et qui pendant longtemps, s'est fait une raison, avait cru cette fois que la roue allait tourner.

Côté Parti Socialiste, les ex-ministres blanchis sous le harnais de la IVe République et écartés des fauteuils depuis le raz de marée gaulliste se sentaient rajeunir en pensant pouvoir de nouveau devenir ministrables. Quant aux jeunes loups, ils voyaient déjà s'entrouvrir les portes des cabinets ministériels. Et l'état-major du Parti Socialiste savourait la satisfaction anticipée d'avoir réussi une double entreprise : revenir au pouvoir gouvernemental après près de vingt ans d'absence forcée, et y revenir à la tête d'une gauche rééquilibrée, avec un Parti Socialiste dominant le Parti Communiste pour la première fois depuis la guerre. Le Parti Communiste, de son côté, pouvait espérer être ramené au gouvernement par ce même Parti Socialiste qui l'en avait chassé au printemps 1947.

Ce n'est certes pas la première élection depuis vingt ans où les partis de la gauche réformiste font miroiter devant les classes laborieuses dont ils réclament les votes, la possibilité d'une victoire électorale. Au contraire ! Ils n'ont d'ailleurs aucune autre victoire à promettre que la victoire électorale. Mais c'est la première fois qu'ils y croyaient, à cette victoire électorale.

Et pas seulement les partis de gauche d'ailleurs. Les partis de droite eux-mêmes semblaient adapter leur stratégie politique à l'éventualité de l'arrivée de la gauche au pouvoir gouvernemental. Giscard prenait des distances par rapport à son propre camp, de manière à préserver ses possibilités de gouverner avec un éventuel premier ministre socialiste. La droite giscardienne prônait l'ouverture dans la perspective à long terme de préparer l'entente avec un Parti Socialiste sorti vainqueur des élections, et afin de le détacher à plus ou moins longue échéance de l'alliance avec le Parti Communiste.

Chirac, lui, l'oeil fixé sur les présidentielles de 1981, préparait son parti à une traversée de désert profitable. Son calcul était manifestement de faire du RPR le fer de lance de l'opposition de droite, contre un gouvernement d'Union de la gauche obligé de gérer la crise et face à un Giscard à l'autorité amoindrie.

Quant aux seconds rôles de la droite, ils se préparaient également à ce que le vent tourne, chacun à sa façon : le radical de droite Péronnet en prônant les vertus de la réunification avec les radicaux de gauche, et Bigeard, en menaçant de prendre le maquis...

Eh bien, Bigeard n'aura pas à prendre le maquis, pas même pour rire ; si les deux fractions radicales se réunifient, ce sera autour de la fraction de droite ; Barre garde cette place de premier ministre où tant la gauche que la droite voyait déjà Mitterrand ; il n'y a plus d'espoir ministériel immédiat pour Rocard et encore moins pour Marchais. Et tous ceux qui, dans les classes laborieuses, croyaient les beaux parleurs de la gauche réformiste et espéraient de ces élections le changement de leur sort, payent par la déception, les faux espoirs entretenus par le Parti Socialiste et le Parti Communiste. Mais ce sont en réalité les classes laborieuses qui ont le moins perdu dans ces élections, car elles n'avaient de toute façon pas grand-chose à gagner à subir l'austérité sous la houlette de Mitterrand et de Marchais, plutôt que sous celle de Barre.

La gauche, victime du mode de scrutin ?

Victime du mode de scrutin, la gauche l'a été sans aucun doute. La combinaison du découpage des circonscriptions électorales et de la déformation qu'impose le scrutin uninominal à deux tours a traduit d'une curieuse façon l'opinion du corps électoral. Cette majorité de droite qui n'a recueilli au premier tour que 46,5 % des votes, recueille après le deuxième 291 sièges, c'est-à-dire presque 60 % des 491 sièges.

Si l'on rapporte les résultats du premier tour au nombre de sièges obtenus après les deux, il suffit de 43 000 à 47 000 voix pour élire un député du RPR ou un député UDF-majorité présidentielle. Par contre il en faut quelque 61 000 pour élire un député PS-MRG et 68 000 pour élire un député communiste. Quant à Lutte Ouvrière, avec plus de 470 000 votes en faveur de ses candidats, elle n'a pas un seul élu.

Mais si les découpages électoraux sont en effet scandaleusement en faveur de la droite ; si l'existence d'un deuxième tour d'où sont éliminés une partie des concurrents force les électeurs à des choix qui ne représentent pas nécessairement toutes les nuances de leurs opinions ; si enfin le scrutin majoritaire uninominal sur-représente les vainqueurs et sous-représente les autres, c'est tout de même en fonction de cette règle du jeu-là - que l'Union de la gauche d'ailleurs accepte - que la gauche a été donnée vainqueur avant.

Et si la coalition de droite au pouvoir a été incontestablement favorisée par une loi électorale faite sur mesure - qui l'a rendue majoritaire au Parlement alors qu'elle ne l'est pas dans l'électorat - elle ne l'a pas été plus que d'habitude, et même nettement moins. Depuis 1958 en effet, la majorité n'a jamais été majoritaire dans l'électorat au premier tour. Même lors du raz de marée de droite des élections de juin 1968, où la coalition majoritaire d'alors, regroupant gaullistes et républicains indépendants, s'était assurée 358 des 485 sièges de députés - dont 294 et la majorité absolue pour les seuls gaullistes de l'UDR - les formations majoritaires d'alors n'avaient obtenu au premier tour que 46 % des votes, c'est-à-dire sensiblement la même chose que la coalition de droite des dernières élections.

Si la gauche comptait l'emporter dans ces conditions, ce n'est certes pas en espérant que, minoritaire au premier tour, elle pourrait devenir majoritaire au second.

Elle escomptait au contraire un déplacement important de l'électorat vers la gauche, portant son score bien au-delà de la majorité absolue, dès le premier tour, et l'y maintenant au second.

C'est précisément cela qui ne s'est pas produit.

Au premier tour, si la coalition des partis de la majorité parlementaire sortante n'avait pas la majorité dans l'électorat, son score dépassait cependant légèrement celui des trois partis de l'Union de la gauche. Bien sûr, si l'on ajoute aux résultats de l'Union de la gauche ceux de l'extrême-gauche - l'électorat d'extrême-gauche devant pour l'essentiel voter au deuxième tour pour les candidats de l'Union de la gauche restés en lice - la gauche dans son ensemble aurait dépassé la droite majoritaire. Mais c'est un calcul fallacieux, car, de façon symétrique, la majorité sortante pouvait également comptabiliser pour elle-même au second tour les votes d'extrême- droite, ou encore une bonne partie des votes divers, style jobertistes, etc.

Au deuxième tour, 423 circonscriptions restaient encore à pourvoir (68 députés ont été élus dès le premier tour). Du fait de la loi électorale, tous les candidats ayant eu moins de voix que 12,5 % des inscrits ont été éliminés, et les accords de désistement à l'intérieur de chacun des camps ont conduit à l'élimination d'autres candidats. Globalement, le deuxième tour a donc donné lieu à une confrontation gauche-droite. (A l'exception de 12 circonscriptions : 7 où ne restait en lice qu'un candidat de droite, 5 où ne restait qu'un candidat de gauche et une où il y avait un candidat non classable).

Eh bien, sur l'ensemble de ces circonscriptions, la droite a réalisé quelque 330 000 voix de plus que la gauche, avec 50,49 % des votes contre 49,29 %.

Autrement dit, contrairement aux espoirs des uns et aux craintes des autres, la gauche n'avait la majorité ni au premier, ni au deuxième tour.

Entre le premier et le deuxième tour, il y a évidemment le problème des reports de voix. (A savoir dans quelle proportion l'électorat socialiste était prêt à voter pour le candidat communiste resté seul en lice au deuxième tour - et réciproquement). Les milieux proches du Parti Socialiste accordent une importance démesurée à la question. Cela permet d'expliquer que si la gauche a perdu, c'est parce que les votes ne se sont pas correctement reportés, et que cela est dû à la polémique à l'intérieur de l'Union de la gauche. Autrement dit, c'est la faute du PCF.

Dans les 39 circonscriptions par exemple où, au premier tour, l'ensemble de la gauche et de l'extrême gauche avaient réalisé entre 50 % et 52 % des votes, la gauche a effectivement perdu dans 20 circonscriptions au deuxième tour le siège qui lui semblait promis au premier. Ces pertes sont dues en partie à de mauvais reports de voix. En partie seulement : dans cinq de ces circonscriptions, la gauche a progressé en voix entre les deux tours, même si elle a perdu en pourcentage, car les abstentionnistes du premier tour se sont mobilisés plutôt en faveur de la droite. Et évidemment, c'est surtout l'électorat socialiste qui a eu du mal à reporter ses votes sur un candidat du PC.

Mas ce serait trop facile de limiter les raisons de l'échec de la gauche à ce seul problème des reports. D'abord, parce que ce n'est pas un phénomène nouveau, et les reports avaient été à peine meilleurs en 1973 qu'en 1978. Ensuite, parce que ne pas reporter son vote en s'abstenant ou à plus forte raison en votant pour le candidat de la droite, c'est aussi une façon de choisir. il faut croire qu'une fraction de l'électorat socialiste par exemple, préférait le succès du candidat de la droite plutôt que celui du PC. En d'autres termes, les votes de cette fraction-là qui se sont portés sur la gauche au premier tour n'étaient pas si à gauche que cela, ou en tous les cas, étaient susceptibles de changement entre les deux tours.

Enfin et surtout, les mauvais reports au sein de la gauche ont accentué le succès de la droite, amplifié encore de manière outrancière par la loi électorale, mais ils n'en ont pas été la cause. Même un report à 100 % n'aurait pas donné à la gauche la majorité au Parlement.

Ce n'est pas entre les deux tours que la gauche a perdu. C'est avant qu'elle n'avait pas obtenu le nombre de voix qu'elle escomptait.

La résistible ascension du parti socialiste

Depuis les élections présidentielles de 1974 où, au deuxième tour un écart de 344 399 voix seulement séparait Giscard (50,7 % des votes) de Mitterrand (49,3 %), la gauche semblait en progression constante.

Cette progression n'était pas celle de l'ensemble de la gauche. Si le Parti Communiste stagnait, voire reculait, le Parti Socialiste volait de succès électoral en succès électoral. Mordant un peu sur le PCF, beaucoup sur le centre, les résultats du Parti Socialiste étaient inscrits dans une courbe qui devait déboucher, en 1978, sur une majorité électorale indiscutable de la gauche et, en son sein, du PS.

Si finalement tout le monde pensait que la gauche serait majoritaire ou, au moins, avait de grandes chances de l'être, ce n'était pas en fonction d'espoirs ou de calculs mais en fonction de ce qui ressortait des différentes consultations électorales, sans parler des sondages.

Les premières en date de ces consultations électorales qui annoncèrent, d'une part, une poussée importante de la gauche au détriment de la droite, d'autre part, le rééquilibrage de la gauche au profit du Parti Socialiste et au détriment du Parti Communiste, furent les six élections partielles du 29 septembre-6 octobre 1974.

Sur l'ensemble de ces six circonscriptions - pourtant toutes particulièrement favorables à la majorité de droite puisqu'il s'agissait de fiefs de ministres - la gauche réalisa 42,3 % des votes. Sur les mêmes circonscriptions, elle n'avait réalisé un an plus tôt, aux législatives de 1973, que 35,1 % des votes. La progression était importante et elle l'était même par rapport aux présidentielles qui avaient eu lieu quelques mois plus tôt, car Mitterrand n'y avait réalisé que 38,36 % des voix.

Deux de ces circonscriptions basculèrent d'ailleurs et élurent des candidats de l'Union de la gauche.

Mais si le PS et le MRG avaient toute raison de se réjouir des résultats, le PCF en avait moins. Malgré la progression globale importante de la gauche, le PCF ne progressait un peu que dans deux circonscriptions et reculait dans les quatre autres. Ces partielles donnèrent d'ailleurs le la à la première vague de polémiques du PC contre le PS, le premier protestant contre le « prétendu rééquilibrage des forces de gauche ».

Le ton était donné. Aux partielles de Châtellerault (12-19 octobre 1975), contre Abelin, candidat unique de la majorité, la gauche totalisa 45,57 % des votes au premier tour, alors qu'elle n'en avait que 38,21 % en 1971 progression due exclusivement au Parti Socialiste car le PC reculait.

Puis, les 7 et 14 mars 1976, ce fut l'explosion des cantonales. Ces élections ne concernaient que la moitié des cantons et donc de l'électorat. Elles sont de surcroît traditionnellement marquées par l'aspect local et apolitique. A la surprise générale, ce fut cependant un véritable raz de marée en faveur de la gauche, et du PS en particulier. Sur un peu plus de dix millions de suffrages exprimés, le PS atteignait 26,28 %, le PC 22,82 %. L'ensemble des candidats catalogués à gauche par le ministère de l'Intérieur avaient réalisé 56,36 % des voix.

Le deuxième tour confirma la poussée du premier. Le PS rafla à lui seul 520 sièges de conseillers généraux sur les 1 863 en jeu. Désormais, il s'intitula le premier parti de France.

Une autre vague d'élections partielles eut lieu en novembre 1976 dans 7 circonscriptions, notamment pour permettre aux ministres démissionnaires du gouvernement Chirac de retrouver leurs sièges. Il s'agissait toujours de fiefs majoritaires, mais qui confirmèrent encore la tendance : la gauche passa de 39,54 % des voix sur l'ensemble de ces circonscriptions à 46,75 %. Le PC reculait dans quatre de ces circonscriptions, alors que le PS avançait partout.

Les autres élections partielles de la période - comme celle de Tours - allaient dans le même sens.

- Enfin, dernière grande consultation générale : les municipales de 1977. En raison du caractère de ces élections, et de la diversité des modes de scrutin, les comparaisons avec les autres élections ne sont guère possibles. Le ministère de l'Intérieur crédita cependant l'ensemble de la gauche d'une progression de l'ordre de 7 % par rapport aux municipales de 1971. 159 des 221 villes de plus de 30 000 habitants (au lieu de 103) étaient désormais dirigées par des municipalités de gauche.

Restent enfin les sondages. Depuis les cantonales, ils donnent l'Union de la gauche en général majoritaire dans le pays.

Dans le seul mois de février 1978, juste avant les élections et après plusieurs mois de polémiques dans la gauche, six des sept sondages réalisés par trois des instituts les plus importants, donnaient à la gauche 50 % des votes ou plus. Un seulement prévoyait 49 %. Un tout dernier sondage réalisé entre le 27 février et le 1er mars donnait 52 % à l'ensemble de la gauche et 28 % à la coalition PS-MRG.

Ni les élections cantonales, ni les élections municipales n'étaient vraiment extrapolables pour prévoir le mouvement de l'électorat. Une fraction de l'électorat centriste par exemple acceptait et ce n'est pas tout à fait nouveau, de porter ses voix sur les candidats du PC comme conseillers municipaux ou généraux considérés comme des bons gestionnaires locaux, sans pur autant accepter de les élire comme députés. Mais l'ensemble des résultats montrait une poussée électorale vers la gauche suffisante pour que les chiffres donnés par les sondages apparaissent tout à fait vraisemblables, et que les uns et les autres prévoient leur stratégie politique en fonction d'un Parti Socialiste recueillant avec les radicaux 27 % ou 28 % des voix et en fonction d'une gauche majoritaire.

Il y avait incontestablement une progression électorale incessante de la gauche, plus précisément du Parti Socialiste, jusqu'à au moins les municipales. Mars 1978 apparaît bien comme une sorte de retour du balancier. Mais l'a-t-il été vraiment ?

Radicalisation électorale ... ou est-ce le centre qui s'est retrouvé dans le parti socialiste ?

Peut-on parier, pendant ces quelques années qui ont suivi 1974, d'une véritable « poussée à gauche », c'est-à-dire d'une radicalisation réelle de certaines couches populaires, votant traditionnellement pour la droite, et qui marqueraient leur mécontentement sur le plan politique en « changeant de camp » ?

Certains aspects de l'évolution décrite ci-dessus, pouvaient le laisser croire. C'est ainsi par exemple que, lors des municipales, non seulement l'ensemble de la gauche a progressé, mais dans ce cadre, les listes d'extrême gauche ont réalisé des résultats sans précédent.

Mais ces signes sont restés circonscrits. Le pays n'a pas connu de radicalisation sur d'autres terrains et en particulier pas sur celui, essentiel, des luttes grévistes ou plus généralement des luttes de catégories populaires.

Les élections professionnelles propres à la classe ouvrière n'ont témoigné d'aucune poussée vers les extrêmes. Au contraire, pourrait-on dire, devant les succès relatifs enregistrés par Force Ouvrière, voire par les syndicats-maison, dans un certain nombre d'élections de délégués.

Et sur le plan électoral, le fait que la progression se soit faite au bénéfice exclusif du Parti Socialiste, au détriment du Parti Communiste, et avec une stagnation de l'extrême gauche dans les partielles où elle était partie prenante, incitait à la prudence.

S'il y avait radicalisation de l'électorat à un moment donné, elle est en tout état de cause incontestablement retombée en 1978. Mais il n'est pas dit qu'il y eut même, à quelque moment que ce soit, véritablement une radicalisation.

Dans ce pays où la gauche est généralement minoritaire dans l'électorat, il faut des circonstances particulières pour qu'elle enregistre une progression aussi importante que celle qui a été la sienne pendant trois ans et pour qu'elle puisse espérer faire basculer la majorité en sa faveur.

Mais il semble que cette circonstance particulière n'ait pas été en l'occurence une radicalisation, une poussée générale à gauche, mais la conjonction d'un certain nombre d'éléments qui ont fait que, pendant un certain temps, une fraction de l'électorat centriste a pu se tourner vers le Parti Socialiste, sans même trop se déjuger dans ses convictions.

Parmi ces éléments, il y a le long pouvoir d'une majorité de droite - quelque peu élargie, il est vrai, au fil des ans - avec l'usure que cela implique ; il y a le fait que les états-majors centristes ont rejoint l'un des deux camps, généralement la droite, laissant leur électorat sans représentation propre ; il y a enfin l'image rassurante donnée par une gauche dominée par le Parti Socialiste et ce dernier lui-même dirigé par un des anciens chefs de file de l'électorat centriste.

Tout ça peut expliquer à la fois la progression du Parti Socialiste vers l'électorat du centre - mais aussi la fragilité de cette progression.

Heurs et malheurs du centrisme

La particularité de la période qui commence avec l'élection de Giscard d'Estaing à la présidence de la République, c'est que la centrisme d'opposition a cessé d'exister au niveau des états-majors politiques.

Durant les années fastes du gaullisme, la majorité gouvernementale avait été composée de la formation gaulliste sous ses dénominations successives, et du courant de la droite traditionnelle qui, autour de Giscard, avait fait allégeance à De Gaulle

Face à cette majorité, il y avait non seulement une opposition de gauche, mais également une opposition centriste parfois liée, - mais pas toujours - à une droite libérale et atlantiste, également dans l'opposition.

C'est cet électorat de centre et de droite d'opposition qui avait mis en 1965 De Gaulle en ballotage en votant pour Lecanuet au premier tour. En un certain sens, c'est encore cet électorat qui a aidé au redémarrage politique de Mitterrand à l'occasion de ces mêmes présidentielles de 1965. Car le score de celui qui fut le candidat unique de la gauche par surprise était plutôt modeste au premier tour - très nettement inférieur à l'électorat de la gauche elle-même - et c'est l'apport des centristes d'opposition qui a permis à Mitterrand de faire bonne figure face à De Gaulle au second tour.

Ce courant d'opposition incarné par des formations aux contours flous et aux dénominations changeantes, a été présent dans toutes les élections, et a permis à des électeurs du centre ou de la droite modérée de voter contre le gouvernement, sans pour autant voter pour les partis de gauche.

Avec le ralliement de Duhamel à Pompidou, en 1969, mais surtout de Lecanuet et de J.J. Servan-Schreiber à Giscard d'Estaing en 1974, cette opposition de droite et de centre a cessé d'exister. Pour la première fois depuis le début de la Ve République, la bi-polarisation a été complète, c'est-à-dire que tous les grands partis se sont situés ou bien dans la majorité, ou dans l'opposition de gauche (que par ailleurs, chacun des camps soit déchiré par des rivalités internes, c'est une autre affaire).

C'est l'effet à retardement de la loi électorale de 1958 concernant le scrutin majoritaire, et surtout, des clauses aggravantes ajoutées par la suite : celles notamment qui, en portant le pourcentage nécessaire pour rester en lice au deuxième tour à 10 %, puis à 12,5 % des inscrits, obligent pratiquement les petites formations à rejoindre les grandes coalitions sous peine d'élimination.

Une partie de cet électorat centriste a suivi ses chefs de file et a voté pour la nouvelle majorité giscardienne. Mais pas la totalité.

Les partielles de septembre 1974, déjà mentionnées, ont été révélatrices à cet égard, puisqu'il s'agissait des premières consultations électorales après la disparition du centre d'opposition, incarné en dernier lieu par le mouvement des réformateurs, regroupant à l'époque le Parti Radical de J.J.S.S., le Centre Démocrate de Lecanuet et deux autres formations plus petites.

A ces partielles, une grande partie de cet électorat centriste n'a pas reporté ses voix sur les candidats majoritaires comme le lui conseillaient ses chefs. Elle a préféré voter pour les candidats du Parti Socialiste.

J.J. Servan-Schreiber qui, comme toutes les girouettes, est particulièrement sensible au vent qui tourne et qui voyait son électorat fondre, en a tiré tout de suite une conclusion en déclarant que « la France souhaite être gouvernée à gauche ». Il a alors annoncé son désir de rénover le Parti Radical et de l'orienter vers la gauche, après avoir pris ses distances par rapport à ses alliances de centre-droite avec Lecanuet.

La première poussée du Parti Socialiste a coïncidé avec cet état de disponibilité d'une partie de l'électorat centriste.

Cet électorat n'a pas beaucoup changé en portant ses votes sur les candidats du PS - mais de cela, ce sont seulement les élections de mars qui ont apporté la preuve - il est resté modéré, marqué par l'anti-communisme. Mais il n'avait pas envie de voter pour les candidats gouvernementaux, pas plus qu'il ne l'avait fait avant.

Cet électorat avait déjà voté pur Mitterrand au deuxième tour des présidentielles de 1965 puis en 1974. L'homme avait de quoi leur plaire de par son passé et même de par la modération de son langage présent.

Et le Parti Socialiste bénéficiait, aux yeux de cet électorat du centre, de l'image de marque de son dirigeant.

Ce vote centriste en faveur du PS a pu se faire d'autant plus facilement dans un premier temps qu'il s'agissait d'élections partielles, c'est-à-dire sans enjeu national réel. Et les cantonales elles-mêmes - où la gauche n'aurait pas pu réaliser son score exceptionnel sans un apport massif des voix du centre - étaient sans grand enjeu.

Mais les premiers votes ont fait boule de neige. Le Parti Socialiste avait le vent en poupe et son succès attirait le succès. D'autant que ce Succès comportait l'antidote à la crainte que nourrit cet électorat fondamentalement anti-communiste de favoriser le Parti Communiste en votant pour son partenaire de l'Union de la gauche.

Le « rééquilibrage de la gauche » en faveur du PS semblait faire de celui-ci la formation en mesure de dicter sa loi au Parti Communiste. La crainte traditionnelle de l'électorat centriste devant le « danger communiste » s'est estompée non pas parce que cet électorat s'est radicalisé réellement et qu'il a cessé de se faire peur, mais parce que le Parti Socialiste montant lui semblait en mesure de contenir le Parti Communiste.

La première période de polémiques engagée par le PC contre le PS au lendemain des partielles de 1974, malgré sa violence, n'a pas freiné du tout la progression du Parti Socialiste - et donc de toute la gauche - parce que dans cette polémique, et malgré la violence de son langage, c'est le Parti Communiste qui était sur la défensive. Plus le PC régressait dans l'électorat, plus bruyamment il en faisait grief au Parti Socialiste - et au « comportement dominateur » de Mitterrand, comme se plaignait Marchais - moins les électeurs centristes avaient des réticences à voter pour ce Parti Socialiste.

Ce n'est pas pour rien que toute l'argumentation de la droite pour enrayer ce mouvement de l'électorat centriste vers la gauche a considéré à toucher le point sensible de la vieille crainte des communistes au pouvoir. Barre et surtout Chirac tentaient de démontrer que, malgré la progression de l'électorat socialiste, Mitterrand restait l'otage d'un PC qui ne se déguisait en agneau que pour mieux montrer ses dents de loup le jour venu.

Pendant trois ans, cependant, cette argumentation de la droite semblait trop démentie par les faits pour porter réellement. Le Parti Socialiste montrait un visage modéré et responsable, de bon aloi, parfaitement capable d'assurer cette alternance à laquelle aspirait une bonne parle de l'opinion publique centriste elle-même. Le Parti Communiste, tantôt en râlant, tantôt en silence, s'alignait derrière Mitterrand et semblait remettre son avenir entre les mains de celui-ci.

D'ailleurs, le PC lui-même n'était-il pas en train de se débarrasser de quelques-unes de ce qui était considéré par l'opinion publique bourgeoise comme des tares ? Il prenait des distances à l'égard de l'Union Soviétique, il abandonnait le poing levé, la dictature du prolétariat, etc. L'électorat anti-communiste qui se tournait vers le PS ne croyait sans doute qu'à moitié, voire pas du tout, au nouveau cours du PCF. Mais le fait que Mitterrand ait été capable de le lui imposer - car cela apparaissait ainsi - semblait être une garantie que, même si la gauche devenait majoritaire, Mitterrand saurait remettre le PCF à sa place.

La gauche électorale rate l'occasion

Voilà bien le problème de la gauche réformiste. En l'absence d'une radicalisation réelle des classes populaires qu'elle aurait pu capter à son profit, tout en la désamorçant conformément à son rôle, elle n'avait une chance de vaincre qu'en continuant à montrer un visage rassurant, suffisamment à droite pour que cette fraction de l'électorat centriste qui lui avait apporté son concours puisse voter pour elle, même aux législatives, sans se déjuger.

Le malheur de l'Union de la gauche, c'est qu'elle n'a pas compris à temps la nature de sa progression électorale, et la persistance du sentiment anti-communiste animant ses nouveaux électeurs centristes. Elle n'était pas la seul d'ailleurs : tout le monde se demandait si la progression de la gauche ne reflétait pas une radicalisation réelle. Mais cette erreur d'analyse a conduit à des erreurs tactiques qui devaient coûter à la gauche sa victoire.

C'est le Parti Communiste qui a commencé à ne plus jouer exactement le jeu qu'il aurait fallu qu'il continue à jouer pour ne pas hérisser les cheveux des nouveaux électeurs de ses alliés et néanmoins rivaux du Parti Socialiste. Il a commencé à ruer dans les brancards et à prendre une liberté de ton qui n'allait plus avec sa place de parti subordonné au PS de Mitterrand et acceptant de l'être.

A vrai dire, c'est peut-être le PCF qui avait le moins le choix de ne pas se comporter comme il l'a fait. Mais, précisément devant la montée fulgurante du Parti Socialiste, et le déclin concomitant de son propre électorat, il pouvait se demander si la progression de la gauche de cette manière-là ne lui coûterait pas finalement plus cher qu'elle ne lui rapporterait. À quoi cela lui aurait-il servi que la gauche soit majoritaire si lui-même devait se retrouver avec tellement peu de députés que Mitterrand puisse se passer de son concours ?

Il est oiseux de se demander après coup, si le PCF aurait mené la politique qu'il a menée pendant les quelques mois qui ont précédé les élections, s'il avait su que cela allait contribuer à faire échouer l'ensemble de la gauche. La question ne se posait pas de cette façon à l'époque pour le PC, qui cherchait surtout à maintenir ses positions contre un empiétement excessif du Parti Socialiste, dans la perspective tout de même d'une victoire électorale de la gauche.

Toujours est-il qu'au lendemain des municipales de mars 1977 le Parti Communiste annonça un tournant brusque dans son langage et dans son comportement à l'égard du Parti Socialiste, sinon dans sa politique.

Ce tournant intervenait après plus d'un an de modération et d'effacement derrière Mitterrand. Si le PCF s'était manifesté pendant cette période, cela avait été par des gestes spectaculaires vers la droite : abandon de la dictature du prolétariat (7 janvier 1976), XXIle Congrès et ses prises de position (du 4 au 9 février 1976).

Les cantonales se déroulèrent dans la bonne entente. A la fin de 1976 et au début de 1977, la gauche passait pour un modèle d'unité face à une droite où l'affrontement Giscard-Chirac atteignait une sorte de paroxysme.

Pourquoi ce tournant des municipales ? Pour difficiles que soient à apprécier les résultats de ces élections, - ne serait-ce que parce que dans les villes de plus de 30 000 habitants l'Union de la gauche présentait en général des listes unies - ils avaient donné quelques indications auxquelles le Parti Communiste semble avoir été sensible. Il y avait évidemment la nouvelle poussée sur la gauche. Les listes municipales de l'Union de la gauche ne semblaient pas avoir souffert d'être conduites par des têtes de listes du Parti Communiste. Des villes à électorat modéré s'étaient donné des maires communistes. Dans les villes où le Parti Socialiste avait refusé de présenter une liste commune avec le Parti Communiste et où ce dernier avait présenté sa propre liste, les listes communistes avaient bien résisté à la poussée socialiste.

Par ailleurs, les résultats des listes d'extrême gauche avaient de quoi alerter la sensibilité chatouilleuse du Parti Communiste sur sa gauche.

Il semble bien que ce soit l'analyse des résultats des municipales qui ait conduit le PCF à penser à une radicalisation de l'électorat et à en tirer des conclusions pour sa tactique électorale à l'égard du Parti Socialiste.

Puisque radicalisation il y a, pouvait-il penser, il avait la possibilité de compenser sur sa gauche l'hémorragie qui le menaçait sur la droite. Il avait en tous les cas avantage à se démarquer nettement du PS en se donnant une allure plus radicale.

Le premier acte de guerre du PCF a été la publication de son propre chiffrage du Programme Commun le 11 mai 1977, la veille même de ce face-à-face télévisé Mitterrand-Barre, en fournissant à ce dernier quelques arguments de parfaite mauvaise foi, mais susceptibles de porter auprès de l'électorat centriste, justement.

Dès lors, le PCF maintint la barre à gauche. Cela ne changeait en fait rien à sa politique, ni à long terme, ni même au jour le jour, mais cela changeait son langage. (Cela ne l'a pas empêché d'ailleurs de faire de temps à autre un geste sur la droite. C'est ainsi par exemple, que ce même 11 mai où il publiait son chiffrage du Programme Commun, le PC prenait officiellement position pour le maintien de l'arme nucléaire.) En tenant un discours radical dans la forme, le PCF visait délibérément à conquérir à son profit ou à sauvegarder la gauche de l'électorat de gauche. Pour pouvoir poursuivre la polémique, le PCF n'acceptait pas une actualisation rapide du Programme Commun, ainsi que le proposait le PS. La réunion au sommet des dirigeants de la gauche le 17 mai n'aboutit à rien, même si un groupe de travail était mis en place pour préparer une nouvelle rédaction de compromis.

Le Parti Communiste commença à faire du nombre des nationalisations et du SMIC à 2 400 francs son cheval de bataille contre le PS. La polémique s'amplifia et aboutit à la rupture du 14 puis du 23 septembre. A partir de là, les deux principales composantes de l'Union de la gauche s'installèrent dans la petite guerre jusqu'à la réconciliation-éclair d'entre les deux tours des élections.

Si ce long conflit a sans doute empêché l'Union de la gauche de l'emporter aux élections, ce n'est pas parce que la discussion elle-même avait découragé des électeurs socialistes ou communistes. Ceux-là ont manifestement voté pour les candidats de leurs partis au premier tour, et semblent même avoir relativement correctement reporté leurs voix au second. Ce n'est pas non plus parce que ces polémiques publiques ont rendu la gauche moins crédible comme coalition de gouvernement, car au plus fort des controverses de la gauche, celles-ci n'ont pas atteint l'ampleur de celles qui avaient déchiré la majorité de droite notamment lors des élections municipales de Paris.

Mais, aux yeux de cette frange électorale centriste dont l'apport était indispensable pour la gauche, le Parti Communiste n'apparaissait plus du tout comme une force jugulée. Mitterrand n'était manifestement plus à même de la ramener à la raison. Si on avait pu penser pendant un certain temps que cet électorat - ainsi d'ailleurs que la droite de l'électorat traditionnel du PS - acceptait sans trop d'appréhension l'éventualité de ministres communistes au gouvernement, cela n'était apparemment qu'à condition que le PCF soit effacé. L'opposition du PCF à Mitterrand a fait ressurgir les vieilles craintes.

Par ailleurs, cet électorat était également effrayé par le SMIC à 2 400 francs. Tant que le PCF était seul à camper sur cette revendication, cela pouvait passer pour un éventuel objet de négociation entre les deux partis de la gauche, après leur arrivée éventuelle aux responsabilités gouvernementales.

Mais le Parti Socialiste, convaincu lui aussi d'une radicalisation de l'électorat et soucieux d'enrayer le rétablissement du PCF qui semblait ressortir des sondages, céda après quatre mois de polémiques sur la question du SMIC et s'aligna sur les positions du PCF le 4 janvier 1978.

Erreur d'appréciation sur le fond car le SMIC à 2 400 francs ne lui amena pas d'électeurs supplémentaires. Au contraire, il lui en fit perdre. Il est vrai que la droite partageait tellement l'erreur d'appréciation générale sur la radicalisation des couches populaires qu'elle a failli se laisser entraîner elle-même sur ce terrain quelques semaines plus tard, dans le feu de la campagne électorale.

Erreur tactique grave de surcroît car le Parti Socialiste apparaissait entraîné sur cette voie par la pression du PCF. Non seulement Mitterrand paraissait donc incapable de contenir le PCF, mais il se révélait sensible à des pressions venues de sa gauche. Sensibilité que l'opinion publique bourgeoise ne pardonne pas facilement à des hommes politiques de gauche.

Les tonitruantes revendications de sièges ministériels de la part du PCF ont fait le reste. Sensibles à l'argumentation de la droite sur les prétendus effets catastrophiques de toute surenchère en cette période de crise, réticents devant la perspective de voir des ministres communistes au gouvernement, ces quelques « pour cent » d'électeurs centristes qui avaient fait la percée du PS et la progression de la gauche durant la période précédente, ont causé son échec.

Une fois de plus, !es partis de gauche sont passés à côté de la majorité électorale et de l'accession au gouvernement. Il ne leur reste qu'à attendre les prochaines échéances : les présidentielles de 1981 et les législatives de 1983. le moins que, sans élections, Giscard les appelle au gouvernement, si l'aggravation de la crise rend souhaitable pour la bourgeoisie la présence au gouvernement d'hommes de gauche capables d'exhorter les masses travailleuses à la patience et aux sacrifices.

La classe ouvrière, elle, n'a pas perdu grand-chose dans l'affaire. D'abord parce que, fondamentalement, un gouvernement d'Union de la gauche aurait mené la même politique d'austérité au profit de la bourgeoisie que le gouvernement Barre.

Mais aussi et parce que justement il n'y avait pas un mouvement de radicalisation dans le pays.

Ensuite parce que, étant donné les circonstances, la gauche n'aurait pu obtenir l'apport d'une partie de l'électorat, centriste qu'en montrant un visage encore plus rassurant, encore plus à droite. Qu'aurait donc gagné la classe ouvrière à la victoire de la gauche si celIe-ci avait été obtenue parce que Mitterrand aurait victorieusement résisté à toute pression pour le SMIC à 2 400 francs ? Déjà, les masses laborieuses auraient chèrement payé sur d'autres plans les quelques générosités que la gauche réformiste leur promettait par pure démagogie électorale. Alors, payer cher, sans même rien avoir de contrepartie...

La voie électorale en est une pour les politiciens de gauche qui se réclament de la classe ouvrière mais qui servent les intérêts politiques de la bourgeoisie. Mais elle ne conduit la classe ouvrière nulle part, si ce n'est vers la désillusion à démoralisation ou l'échec.

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