La conférence des partis communistes à Paris : un nouvel acte d'allégeance du PCF envers Moscou12/05/19801980Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1980/05/75.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

La conférence des partis communistes à Paris : un nouvel acte d'allégeance du PCF envers Moscou

La rencontre des Partis communistes européens, organisée à Paris les 28 et 29 avril par les Partis français et polonais, a été l'occasion, pour le PCF, après sa bruyante approbation de l'intervention russe en Afghanistan, en janvier dernier, d'un nouveau geste d'allégeance envers Moscou. En effet, si cette conférence organisée sur des objectifs de « paix et de désarmement » a donné lieu à un grand nombre de discours dénonçant l'implantation de missiles américains en Europe, au titre de l'OTAN, pas un mot par contre n'y a été prononcé, comme on pouvait s'y attendre, à propos de l'Afghanistan. A croire que la guerre qu'y mène l'armée russe contre les guérillas islamiques n'existe pas !

Quatre ans après la conférence de Berlin qui avait été l'occasion, pour le Parti communiste français, comme pour les Partis communistes italien et espagnol, d'affirmer publiquement, en présence de Brejnev, qu'ils entendaient prendre leurs distances par rapport à la politique des dirigeants russes, la conférence de Paris a donc confirmé le réalignement du PCF sur la politique soviétique.

Mais si, de ce point de vue, cette conférence a constitué un succès pour les dirigeants russes, ce succès a été bien limité, car le PCF n'a entraîné derrière lui aucun de ses homologues « euro-communistes », pour utiliser l'expression consacrée. Ni le Parti italien, ni le Parti espagnol, n'ont accepté de participer à cette rencontre. Pas plus que le Parti yougoslave et que le Parti roumain. Et le PCF s'est donc retrouvé en la seule compagnie des Partis qui n'ont pas fait preuve, depuis longtemps, de sérieuses velléités d'indépendance par rapport à l'URSS, comme la plupart des Partis des Démocraties Populaires et le Parti communiste portugais.

D'ailleurs, pour spectaculaire qu'il ait été, le geste du parti communiste français n'était pas dénué de réserves. a peine la conférence était-elle terminée que maxime gremetz, qui y avait été le porte parole du PCF, déclarait dans l'humanité du 9 mai que « bien loin d'aboutir à un « alignement » sur on ne sait quel « centre » dont nous avons dit maintes fois qu'il ne saurait être question pour nous, la rencontre a témoigné de la diversité du courant communiste ». on ne saurait mieux dire que l'essentiel de cette conférence était le geste, et que le PCF n'entend pas pour autant hypothéquer en quoi que ce soit l'avenir. le retour du PCF dans le giron de moscou n'est ni total, ni irréversible. les difficultés du moment ont amené marchais à faire quelques gestes vis-à-vis des dirigeants du kremlin, sans doute parce qu'il a besoin de leur aide. mais cela ne signifie évidemment pas que de nouvelles circonstances politiques ne pourraient pas ramener le parti communiste français à son attitude critique antérieure vis-à-vis de l'URSS.

Quant à l'éclatement du bloc « euro-communiste » sur lequel épiloguait une partie de la presse et qu'aurait illustré la conférence de Paris, ce n'est guère qu'une phrase, pour la bonne raison qu'un tel « bloc » n'a jamais existé.

Le terme « euro-communiste » lui-même, forgé par les commentateurs politiques, puis plus ou moins repris par les différents PC concernés, pour désigner une certaine politique de prise de distance vis-à-vis de l'URSS, est d'ailleurs impropre, et n'explique rien. Car le type d'évolution qu'ont connu les Partis communistes italien, espagnol et français, a également touché les PC japonais et australien, alors que le Parti communiste portugais s'est toujours scrupuleusement aligné sur la politique extérieure de l'URSS. La géographie, et « l'Europe » n'ont vraiment rien à voir là-dedans (pas plus, pourrait-on ajouter, que le communisme !).

Et surtout, l'évolution parallèle (bien que décalée dans le temps) qu'ont connue les différents Partis que l'on a baptisés « euro-communistes », n'a créé aucun lien réel entre eux, et aucun lien donc ne pouvait être rompu par le réalignement du PCF sur l'URSS.

La seule chose que les partis communistes français, italien et espagnol ont eue en commun, c'est un même besoin de donner à leur bourgeoisie respective des gages de leur indépendance par rapport à moscou.

Ce besoin les a bien sûr amenés, pour des raisons semblables, à faire des gestes politiques semblables. C'est ainsi qu'avec plus ou moins d'indignation, tous ont dénoncé à l'époque l'intervention russe en Tchécoslovaquie, ou bien l'absence de droits politiques reconnus aux opposants en URSS. C'est ainsi également qu'on a vu le Parti communiste français, en 1976, éliminer de son programme la référence à la dictature du prolétariat, et le Parti communiste d'Espagne, en 1978, à son 9e congrès, supprimer du sien la référence au léninisme. C'est ainsi encore que Marchais a repris à son compte la défense de la force de frappe française, cependant que Berlinguer approuvait l'OTAN et se déclarait prêt - si son Parti accédait au gouvernement - à maintenir l'Italie dans le Pacte Atlantique.

Mais ce n'est pas parce qu'une même attitude vis-à-vis de leur bourgeoisie les amenait à une évolution parallèle, que ces Partis ont jamais eu une politique identique. Non seulement il n'a jamais existé entre eux de programme politique élaboré et défendu en commun mais, sur bien des points, ils ont défendu des politiques différentes, voire contradictoires.

On l'a vu par exemple à propos de l'Europe. Même dans la période qui a précédé les élections législatives de 1978, et au cours de laquelle il se montrait plus « euro-communiste » que jamais, le PCF n'a jamais été favorable à l'élargissement du Marché commun. Alors que le Parti communiste d'Espagne s'est prononcé il y a déjà longtemps pour l'entrée de son pays dans le Marché commun.

C'est que les partis communistes français, italien ou espagnol, n'ont jamais défendu d'intérêts communs. ils se sont simplement efforcés de démontrer à leur bourgeoisie nationale respective, qu'ils pourraient être au gouvernement de bons défenseurs de ses intérêts. c'est toujours du point de vue de « l'intérêt national », c'est-à-dire du point de vue de l'intérêt de leur bourgeoisie, qu'ils se placent. et, dans la mesure où les bourgeoisies française, italienne ou espagnole ont des intérêts divergents, les partis communistes de ces différents pays peuvent très bien avoir des politiques parfaitement opposées.

En fait, la seule chose que les différents Partis dits « euro-communistes » avaient (et ont encore) en commun, et qu'ils partagent d'ailleurs avec tous les Partis communistes de par le monde, c'est une même origine, qui les met dans une même situation contradictoire.

Tous ont hérité, de leur bref et lointain passé révolutionnaire, de liens (plus ou moins distendus) avec Moscou. Tous aspirent à être un jour acceptés comme parti de gouvernement par leur bourgeoisie respective. Et, suivant leur implantation dans leur pays, leur poids social, leurs possibilités de participation à la vie politique, les espoirs qu'ils peuvent nourrir pour l'avenir, et leurs choix politiques, tous - à un degré ou à un autre - sont partagés entre l'envie de donner des gages à leur bourgeoisie (qui reste méfiante à leur égard), et la nécessité de maintenir des liens avec Moscou (dont ils reçoivent encore une aide, y compris matérielle, qui pour eux n'est pas forcément à dédaigner).

Suivant la situation de chaque Parti communiste, le point d'équilibre entre ces deux pôles d'attraction contradictoires passe plus ou moins près de l'un ou de l'autre. Et comme vient de le prouver la politique du Parti communiste français ces derniers mois, tout changement de situation politique peut faire glisser ce point d'équilibre dans un sens ou dans l'autre. De telle manière qu'il n'est nullement exclu de voir demain le Parti communiste français en revenir à « l'eurocommunisme », et - pourquoi pas ? - le Parti communiste italien se rapprocher de l'URSS.

C'est pourquoi si la conférence de Paris a constitué un succès pour les dirigeants soviétiques, ce fut un succès à la mesure de ce qu'ils peuvent attendre des différents Partis communistes. C'est-à-dire, pas grand-chose !

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