L'État algérien face au problème kabyle12/05/19801980Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1980/05/75.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

L'État algérien face au problème kabyle

Pendant trois jours, du 21 au 23 avril, la Kabylie a connu une situation quasi insurrectionnelle batailles de rue avec la police et la troupe, attaque et incendie de bâtiments officiels. Les émeutes ont éclaté à la suite de l'investissement par les gendarmes de l'Université et de l'hôpital de Tizi-Ouzou en grève. Mais le point de départ du mouvement se situe au 10 mars, quand les autorités interdirent une conférence de Mouloud Mammeri, écrivain d'origine kabyle, et l'arrêtèrent. Ces mesures déclenchèrent un mouvement de protestation parmi les étudiants de Tizi-Ouzou et d'Alger, qui dénonçaient la répression culturelle frappant la langue et la culture kabyles, et réclamaient le droit de parler leur propre langue, le Berbère. Face à ce mouvement de protestation, la répression culturelle s'est alors vite transformée en répression tout court. Mais la population s'est solidarisée avec les étudiants.

Il est bien sûr difficile de mesurer ce qui dans cette explosion d'opposition au régime, est à mettre au compte d'un sentiment d'oppression nationale ou linguistique, ou d'un sentiment plus général lié aux difficultés actuelles de la population (hausse des prix, pénurie de produits alimentaires, etc). Il est possible d'ailleurs que les deux aient concouru à produire cette explosion, et que tenter de dissocier ce qui revient à l'une ou l'autre cause n'ait pas beaucoup de sens.

En tout état de cause, la réaction du gouvernement algérien, elle, est significative, et sans la moindre équivoque : face aux revendications linguistiques des étudiants kabyles, il n'a su parler que le langage de la répression. Et il a fallu ces journées d'émeutes pour qu'il annonce (tout en continuant à menacer quotidiennement ce qu'il appelle « les forces réactionnaires et rétrogrades (qui) estiment le moment venu pour saper les fondements de l'option socialiste qui est la nôtre et porter atteinte à notre unité nationale » ) le rétablissement de la chaire de Berbère de l'Université d'Alger (supprimée depuis 1963) et la création d'une chaire de Berbère à l'Université de Tizi-Ouzou, une plus large place faite à la culture berbère dans les médias algériens.

La réaction répressive initiale du gouvernement est d'ailleurs d'autant plus significative, que son prétexte (la conférence prévue par Mouloud Mammeri sur « Les poèmes kabyles anciens » ) paraissait somme toute assez mince, bien peu à même en tout cas de menacer en quoi que ce soit l'unité de l'Algérie. Et que, pour autant au moins qu'on le sache, l'État algérien semble encore bien loin de se trouver, face aux populations kabyles, dans la situation de l'État iranien face aux populations kurdes par exemple.

Le « particularisme kabyle »

Suivant l'expression d'un ancien ministre algérien de la culture, les Algériens sont tous des « Berbères plus ou moins arabisés ».

La population kabyle se distingue essentiellement, aujourd'hui encore, par sa langue propre, qui est un dialecte berbère ; la langue dominante - et officielle - de l'Algérie étant l'Arabe.

L'existence d'un ensemble algérien intégrant les populations qui se considèrent arabes et celles qui se considèrent berbères remonte assez loin, puisque c'est sous la domination des Turcs, au XVIe siècle, que les frontières actuelles des États du Maghreb, Algérie, Tunisie, et Maroc, furent, pour l'essentiel, fixées. A l'intérieur de ces frontières, les tribus berbères, et en particulier kabyles, continuèrent d'ailleurs à conserver une large autonomie, faisant preuve, à toutes les époques, sinon d'une volonté nationale, du moins d'un fort sentiment d'indépendance.

Quand les Français vont, à partir de 1830, coloniser l'Algérie, ils jouèrent d'ailleurs, comme dans bien d'autres États qu'ils voulaient dominer, la carte de la division et des minorités ethniques, cherchant à s'appuyer sur ce « particularisme » des tribus kabyles. Et c'est ainsi que, jusqu'à l'abandon de ce qu'on a appelé la « politique berbère » des autorités françaises (à la veille de la Première Guerre mondiale) les populations kabyles d'Algérie se virent gratifier par la puissance coloniale d'un régime de faveur : sur le plan fiscal (les populations kabyles étant soumises à un impôt moins élevé que celui qui frappait les populations arabes), scolaire (c'est en Kabylie que la IIIe République installa, par priorité, ses écoles) et culturel (des mesures spéciales visaient à favoriser l'usage et la diffusion de la langue berbère, au détriment de l'Arabe).

Mais l'époque de la colonisation française fut aussi pour ces populations une époque de transformations profondes. En effet, c'est à cette époque que la Kabylie devient la terre par excellence de l'émigration ; aussi bien de l'émigration intérieure, exode rural vers les grandes villes algériennes (dont la principale, Alger), que l'émigration en direction de la métropole, où l'émigration d'origine kabyle constitua rapidement la majorité de l'émigration algérienne.

La guerre d'indépendance, à son tour, n'a fait qu'accentuer, d'une façon dramatique, ces mouvements de population : la Kabylie fut un des principaux champs de bataille de cette guerre, et de nombreux Kabyles durent fuir la région, tandis que les militaires français y pratiquaient abondamment la politique des regroupements et des déplacements de population.

La volonté des colonisateurs de faire des populations kabyles le relais privilégié de leur domination avait finalement, dans une large mesure, tourné court. Les Kabyles jouèrent un rôle de premier plan dans le développement des mouvements nationalistes algériens, depuis la création, en 1926, de « L'Étoile Nord-Africaine », le premier d'entre eux, jusqu'à la création, en 1954, du FLN.

La Kabylie fut d'ailleurs à la fois la région d'Algérie où le combat contre l'occupant français a débuté (puisque c'est dès 1947 que Krim Belkacem y avait pris le maquis, rencontrant rapidement le soutien de la paysannerie) et l'une de celles où les combats furent les plus violents, et où la population paya le plus fort tribut à la guerre d'indépendance nationale.

On peut dire que c'est le colonialisme français, en suscitant et en alimentant un sentiment d'oppression commune des populations algériennes, qui a le plus oevré à l'intégration des populations kabyles dans l'ensemble national algérien. La guerre d'indépendance menée en commun a été un puissant facteur d'unification nationale d'une population algérienne organisée, encadrée par une organisation nationaliste finalement unique. A tel point d'ailleurs, qu'on pouvait penser, à la veille de l'indépendance, que le « particularisme kabyle » s'était définitivement fondu en devenant un des éléments constitutifs du nationalisme algérien.

Pourtant, il n'a pas fallu attendre longtemps pour le voir à nouveau se manifester. En septembre 1963, alors que le tandem Ben Bella-Boumedienne semblait avoir définitivement évincé ses rivaux à la direction du nouvel État, une insurrection éclatait en Kabylie. Dirigée par Aït Ahmed, l'un des chefs historiques du FLN, elle constituait sans doute une péripétie de cette lutte violente pour le pouvoir qui opposa les différents leaders du FLN. Mais le gouvernement, lui, s'empressa de dénoncer une nouvelle manifestation du « particularisme kabyle ». L'insurrection tourna court. Un conflit éclata alors opportunément entre l'Algérie et le Maroc qui permit à Ben Bella d'en appeler au patriotisme y compris des Kabyles et de leurs dirigeants. Mais ce n'est pas seulement l'appel au patriotisme, mais bel et bien l'intervention de l'armée qui, en juillet 1964 (après la fin du conflit algéro-marocain), mit fin à l'agitation en Kabylie.

Les événements de Tizi-Ouzou montrent que seize ans plus tard le gouvernement algérien est loin d'avoir réglé cette question kabyle.

Mais ils montrent aussi qu'aujourd'hui comme hier, l'État algérien ne tolère pas la moindre fissure, aussi minime puisse-t-elle paraître, à l'unité qu'il impose à l'ensemble de la population algérienne. Car de ce point de vue, les autres catégories de cette population, ouvrières ou paysannes, par exemple, ne sont sûrement pas logées à meilleure enseigne que les populations kabyles, et le gouvernement algérien n'est sûrement pas plus prêt à tolérer la manifestation d'un quelconque « particularisme » ouvrier ou paysan.

Un régime de dictature

Cette politique caractérise en fait l'État algérien depuis l'indépendance.

Elle était d'ailleurs dans une large mesure en germe dans la politique du FLN pendant la guerre. Celui-ci, en effet, depuis sa création, en 1954, jusqu'à l'indépendance, n'avait pas témoigné, c'est le moins qu'on puisse dire, du moindre esprit démocratique.

Ne tolérant aucune organisation concurrente, il utilisa, pour se débarrasser du MNA (qui tenta de constituer des maquis concurrents) et pour contraindre le Parti communiste algérien à se dissoudre, les mêmes méthodes qu'il utilisait contre l'occupant : le terrorisme, ne reculant, ni devant le meurtre, ni devant la torture. C'est la même arme qu'il utilisa d'ailleurs dans une certaine mesure contre la population algérienne elle-même, pour la contraindre, par exemple, à observer les interdits religieux (contre l'alcool ou le tabac, par exemple) dont il s'était fait le champion.

De fait, pendant toute la période de la guerre, le FLN fit preuve d'une méfiance profonde de la population.

Cette méfiance profonde de la population, et la volonté de construire un appareil qui échappe à son contrôle et même à son influence, on l'a retrouvée, bien entendu, au moment de l'indépendance, quand le problème s'est posé de constituer, non plus seulement un appareil militaire, mais un appareil d'État.

Cet appareil d'État s'est constitué à partir du secteur de l'appareil militaire du FLN le moins lié, à la population et aux combattants mêmes du FLN : c'est en effet l'Armée des Frontières, qui, stationnée au Maroc et en Tunisie avait peu pris part aux combats, et s'était organisée sur le modèle des armées bourgeoises traditionnelles, qui en a formé l'ossature. Et dans les faits, cet appareil d'État s'est construit d'en haut, sans que la base du FLN (qui, rapidement éclata et fut, dans la pratique, dissous) y ait la moindre part. Les « wilayas », c'est-à-dire les armées des maquis furent intégrées à l'armée boumedienne, parfois au terme de violents affrontements.

Le groupe dirigeant Ben Bella-Boumedienne-Khider, fort du contrôle de l'armée, put donc s'imposer, en éliminant, les uns après les autres, les dirigeants susceptibles de leur contester le pouvoir (car il n'y avait pas plus de démocratie pour le groupe dirigeant) ; en dissolvant la Fédération de France du FLN, et en prenant en main la direction de la centrale syndicale UGTA, et en interdisant et pourchassant tous les groupes et organisations susceptibles de contester sa politique (comme le PPS de Boudiaf) ou simplement qui risquaient de par l'existence d'un appareil indépendant de celui du FLN de fournir un canal possible à l'expression d'un éventuel mécontentement populaire (comme le PCA).

L'appareil d'État qui se mettait'ainsi en place était un appareil de dictature sur les masses, ne tolérant aucune manifestation d'indépendance - pas même au sein du groupe dirigeant - même si, par ailleurs, son origine pouvait lui donner, et pour longtemps encore, une réelle popularité.

La violence et la guerre à l'origine de tous les états nationaux

L'État algérien, qui s'est constitué dans la violence et la guerre, est loin, de ce point de vue, si l'on regarde l'histoire des différents États nationaux, d'être une exception. On peut même dire qu'il obéit à la règle : c'est par la violence que les États nationaux, ceux d'hier ou d'avant-hier comme ceux d'aujourd'hui, se sont constitués. Cette violence s'est d'abord exercée à l'extérieur, mais, dans un second temps, elle s'est retournée vers l'intérieur, pour combattre les forces centrifuges et forger de gré ou de force - mais surtout de force - une unité nationale.

Il n'y a pas d'États dont les frontières soient naturelles : dans tous les cas les frontières des différents États nationaux sont l'aboutissement d'une série de guerres, et le résultat de la fixation, à un moment donné, d'un rapport de force international.

L'exemple de la France est, de ce point de vue, l'un des plus significatifs.

A partir du XIIe siècle les rois capétiens se lancèrent, à partir de l'Ile de France, à la conquête de nouveaux territoires : c'est à coups d'épée qu'ils ont, avec leurs successeurs, agrandi le domaine royal qui fut le berceau de la nation française - conquête de la Normandie, de la Bourgogne, de la Bretagne, de la Provence, de l'Auvergne et de la région sud-aquitaine, étalées du XIIIe au XVIe Siècle.

Quant aux frontières définitives du territoire français, leur tracé suivit les avances et les reculs militaires successifs, entérinés par des traités. Au Nord, par exemple, la frontière s'est établie à la limite extrême des positions conquises et maintenues par les armées de Louis XIV, et entérine l'échec des tentatives des armées révolutionnaires, puis napoléoniennes pour la repousser jusqu'au cours du Rhin. A l'Est, autre exemple, la frontière définitive est le résultat des affrontements successifs de la France et de l'Allemagne entre 1648 (traité de Westphalie) et 1945.

C'est donc bien la violence et la guerre qui ont présidé à la naissance de l'État national français. C'est la même violence, retournée vers l'intérieur, qui a d'ailleurs présidé aussi à l'intégration des populations ; car ces conquêtes successives intégraient des populations hétérogènes ; de ce point de vue, tous les États nationaux eurent maille à partir avec les particularismes nationaux ou régionaux, ou même simplement linguistiques. Et nulle part ce problème n'a reçu une solution démocratique : dans tous les cas, l'assimilation a été le résultat d'une politique de force, à un degré plus ou moins fort selon les États ou les époques.

Une illustration de cette lutte des États nationaux contre les particularismes et les forces centrifuges, a été la lutte pour imposer une langue officielle unique pour tous.

er, (1534). Mais il faut attendre la révolution de 1789 pour que l'unification linguistique fasse l'objet d'une véritable offensive. C'est ainsi par exemple qu'en 1793, la Convention décrétait successivement la création d'écoles primaires où les enfants apprendraient le Français, l'obligation de l'instruction en Français, et la nomination dans chaque commune où on ne parlait pas le Français d'un instituteur francophone. Pour la Révolution Française, la question de la langue était devenue une affaire politique : « chez un peuple libre, la langue doit être la même pour tous » et la pratique des dialectes locaux, comme des langues minoritaires, fut identifiée pratiquement à une pratique réactionnaire, et contre-révolutionnaire. Ces mesures sont restées en grande partie lettre morte : les Assemblées révolutionnaires n'avaient en cette matière en fait pas les moyens de leur politique. Et il faudra attendre ta troisième République et les lois Jules Ferry de 1881-1884 pour que le Français devienne réellement la seule langue utilisée à l'école, et pour que soit organisée, à partir de l'école obligatoire, la chasse impitoyable à l'usage des dialectes.

Comme on peut le voir, l'obligation de la langue française fut, pour les gouvernants successifs une oeuvre de longue haleine ; et l'on peut d'ailleurs dire que si elle a réussi à diffuser largement la connaissance de la langue française sur la totalité du territoire français, elle n'a pas réussi à faire complètement disparaître les parlers locaux qui, encore aujourd'hui, restent, à côté du Français, d'un usage courant dans bien des campagnes françaises.

(De ce point de vue, on peut penser que le gouvernement algérien, qui veut arabiser la population, et faire disparaître les langues minoritaires, n'est pas au bout de ses peines).

Et ce qui est vrai de l'État français l'est aussi, à un degré ou à un autre, de tous les autres États nationaux.

Faillite du nationalisme

Les problèmes auxquels sont confrontés les États nationaux qui se sont constitués, comme l'Algérie, dans le cadre de la décolonisation, sont les mêmes que ceux auxquels se sont heurtés tous les États nationaux au moment de leur naissance : malgré la différence des contextes historiques, on croit retrouver les mêmes moyens, et les mêmes résistances.

Cette ressemblance, elle est réelle. Mais elle est aussi très partielle.

En effet, si la constitution d'États nationaux a pu avoir, jusqu'au XIXe siècle, un caractère historiquement progressif, ceci n'est plus vrai à l'époque de l'impérialisme.

Les-États nationaux qui se sont constitués en Europe, par exemple, en France, en Angleterre, etc... n'étaient pas forcément, nous l'avons vu, moins dictatoriaux ou autoritaires à l'égard des populations ou des minorités linguistiques, nationales ou religieuses qu'ils intégraient en même temps que les territoires conquis. Ces États sont en général parvenus à intégrer les particularismes régionaux et à imposer aux populations - plus ou moins complètement - l'unification de leur langue, de leurs coutumes, etc. Mais ce n'est pas uniquement par les seules mesures de coercition proprement dites, ou par la lutte, parfois violente et impitoyable, contre les forces centrifuges. Avec la montée du capitalisme au 18e et 19e siècles dans le cadre national, ces États devenaient aussi porteurs d'un développement économique considérable. C'est ce développement économique, avec ce qu'il a impliqué de multiplication des échanges et de la circulation des personnes et des biens, de brassage de population, qui a créé à la fois la nécessité et les moyens de l'unification nationale, et qui a finalement fondu dans un tout homogène les populations plus ou moins diverses rassemblées de force à l'intérieur des frontières.

Mais aujourd'hui, ces perspectives de développement à l'intérieur des frontières nationales sont bouchées. Aucun pays ne peut se couper du marché mondial sans encourir l'asphyxie ; mais de ce fait aucun pays ne peut non plus échapper à l'emprise de l'impérialisme qui domine ce marché mondial.

Même le faible développement économique de ces pays qui se sont récemment donné un État national, s'est fait de façon atrophiée dans un monde impérialiste. Dans la plupart d'entre eux, les liens économiques avec l'économie des pays impérialistes sont prédominants par rapport aux liens économiques internes. Pour ne citer que cet aspect des choses, pour un pays comme le Mali, ou même pour une large part pour l'Algérie, par exemple, le brassage de la population se fait moins dans le cadre de déplacements intérieurs nécessités par l'économie nationale, que dans les entreprises françaises...

De toute façon, il ne saurait évidemment pas être question d'attendre de l'évolution économique la résorption des particularismes. Même à une toute autre époque, dans de toutes autres conditions, cela a pris des siècles en France ou en Angleterre. Le principal ciment d'une problématique unité nationale reste l'idéologie nationaliste et la coercition étatique. Et de ce fait, on peut penser que ces États sont plus ou moins voués à connaître, périodiquement, à des degrés et avec une intensité divers, des explosions de « particularismes ».

Car pour les bourgeoisies nationales de ces pays, et pour les mouvements nationalistes qui défendent leurs intérêts ou qui les représentent, la démocratie est un luxe inabordable : ils n'ont, pour faire les concessions économiques aux ouvriers et aux paysans que nécessiterait un régime démocratique, qu'une marge de manoeuvre extrêmement réduite, sinon nulle, dans la mesure où, en tant que nationalistes, leur but n'est pas de s'attaquer à l'impérialisme, mais de tenter de développer, dans le cadre qu'il impose, une économie nationale. Et pour cela, il leur faut tenter de mobiliser toute la population pour cet objectif, en limitant au maximum toute possibilité de revendication autonome des masses, ouvrières ou paysannes, mais aussi des minorités, ethniques, nationales, ou linguistiques.

Les Algériens, pour se protéger de l'oppression coloniale et s'en débarrasser, ont dû ainsi se donner un État, et cet État, une fois l'indépendance obtenue, s'est retourné contre la population, devenant la machine toute prête de son embrigadement, y compris à l'égard des minorités nationales.

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