A l'approche des municipales01/09/19821982Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1982/09/96.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

A l'approche des municipales

Les élections municipales prévues pour mars 1983 seront la première véritable consultation électorale à l'échelle du pays depuis l'accession de la gauche au gouvernement en mai-juin 1981, si l'on excepte les élections cantonales du mois de mars 1982, mais on sait que d'une part ces élections cantonales mobilisent moins les électeurs, traditionnellement, que la plupart des autres, et d'autre part qu'elles ne portaient que sur la moitié des cantons de chaque département, soit environ la moitié de l'électorat seulement.

Avec les municipales, il s'agit d'une échéance qui peut revêtir une certaine importance politique, bien qu'il soit naturellement impossible de prévoir d'ores et déjà dans quelle mesure elle soulèvera un intérêt dans la population, dans quelle mesure l'électorat se déterminera à cette occasion en fonction de la gestion municipale, ou en fonction de la situation économique et politique générale. Mais les états-majors des grands partis politiques, à droite et à gauche, se préparent, eux, dans la perspective de cette échéance : les résultats, dans l'un ou l'autre sens, auront évidemment leur traduction dans le climat politique du pays.

Dans ces élections, les partis de droite peuvent espérer au moins reconquérir les électeurs perdus au printemps 1981. Et il est vrai qu'ils ont leurs chances de capitaliser au niveau des urnes un désenchantement certain vis-à-vis du gouvernement, en particulier dans les classes moyennes. C'est dans cette perspective en tout cas qu'ils se préparent. Et il est clair que si le résultat apparaissait en fin de compte comme une victoire pour eux, cela renforcerait l'arrogance et la pression de cette droite politique, l'encouragerait dans son offensive antigouvernementale. Elle pourrait s'appuyer sur un tel résultat pour tenter de montrer que le fait que la majorité du corps électoral ait été acquise à la gauche en 1981 n'était que le fruit d'une aberration momentanée. On la verrait aller répétant, par exemple, que s'il y avait des législatives à cette étape du septennat de Mitterrand, la gauche n'aurait plus la majorité au Parlement... et exiger d'autant plus que, en conséquence, le gouvernement se plie à ses volontés.

Quant aux partis de gauche, même s'ils maintenaient leurs résultats des législatives, cela leur vaudrait tout au plus une amélioration de leurs positions municipales. quelques postes de maires ou de conseillers généraux intéresseraient sans doute les politiciens de gauche, mais on ne voit pas très bien quel bénéfice politique général la gauche pourrait en tirer. par contre, un recul apparaîtrait nécessairement comme un désaveu, auquel elle perdrait et moralement, et politiquement.

Si bien que la victoire pour eux se ramènerait, en réalité, à l'absence de défaite, et cela les réduit à une stratégie purement défensive, autour du thème : il ne faut pas permettre à la droite de se renforcer.

Les partis de gauche vont évidemment essayer de rassembler leur électorat, de le mobiliser, sur ce thème. Ils ne vont pas manquer de présenter la perspective d'un éventuel succès de la droite comme une menace pour les travailleurs. Ils vont tenter de recréer autour d'eux et de leur régime un climat de solidarité parmi les travailleurs, miser sur les réflexes d'hostilité à la droite et jouer sur l'illusion qu'il n'y a pas d'autre choix possible pour les travailleurs que de voter pour eux s'ils entendent refuser la droite.

Les travailleurs n'ont aucune raison de s'estimer satisfaits de la gestion gouvernementale de la gauche. Le bilan et les perspectives du gouvernement de gauche, c'est la dégradation de leur niveau de vie, l'aggravation du chômage, des atteintes nouvelles aux systèmes de protection sociale. Les contraintes dues àla crise mondiale et l'héritage du passé, que la gauche gouvernementale invoque, ne changent rien au fait que, par sa politique, elle ne cherche absolument pas à en limiter les conséquences pour les travailleurs. Au contraire, cette politique se mène délibérément au service du grand capital. Or, le vote des travailleurs en faveur des partis gouvernementaux ne pourrait pas manquer d'être interprété comme un satisfecit global ; en tout cas, il serait politiquement utilisé dans ce sens par le gouvernement, avec pour conséquence de le conforter encore plus dans sa politique anti-ouvrière.

Les partis au pouvoir affirmeront sans nul doute que les travailleurs doivent voter pour eux pour leur donner davantage les moyens de mener une politique sociale face aux pressions du patronat et de la droite. Comme ils l'avaient fait en juin 1981 en demandant de donner à Mitterrand « les moyens de sa politique » au travers des législatives. Mais le temps a passé depuis cela, et les travailleurs ont pu juger ces partis et leur gouvernement à l'oeuvre. L'expérience est concluante. Avec une majorité PS à l'Assemblée, le gouvernement dispose de tous les atouts, de tous les moyens parlementaires, et non seulement cela ne l'a pas empêché de mener la politique anti-ouvrière que l'on sait, mais au contraire même, c'est fort du soutien des travailleurs qu'il a pu, dans une large mesure, la faire accepter jusqu'à présent.

II n'y a vraiment aucune raison de penser que si la gauche remporte beaucoup de conseils municipaux, cela pourrait « infléchir » sa politique en faveur des travailleurs, que cela la rendrait moins soumise aux industriels et aux banquiers ! Au contraire, tout indique qu'elle s'en servira comme d'une nouvelle caution à sa politique afin de la justifier et de l'aggraver encore.

Certes, gouvernement et partis de gauche tenteront de battre le rappel d'électeurs déçus et sceptiques en vue, diront-ils, de battre la droite, et ils présenteront cela comme une nécessité urgente, prioritaire, comme la nécessité de l'heure. Mais s'il y a menace de la droite sur le plan électoral, cela découle de toute une situation politique dont cette gauche est responsable. C'est sa politique elle-même qui renforce cette droite.

En fin de compte, il reste que, si un succès électoral de cette droite ne serait certainement pas une bonne chose pour les travailleurs, un succès de la gauche n'en serait pas une non plus. La gauche est au gouvernement, et c'est le gouvernement qui en tirerait profit.

Les révolutionnaires ne peuvent pas, dans ces élections, proposer aux travailleurs de voter pour « battre la droite », de quelque manière que l'on présente la chose. Battre la droite dans les isoloirs signifie très concrètement voter pour le gouvernement en place, lui apporter la caution de l'électorat ouvrier précisément au moment où il prend des mesures anti-ouvrières. Ce n'est pas cela qui peut améliorer le rapport des forces pour la classe ouvrière face à ce gouvernement.

II est évident que le sort de la classe ouvrière ne va pas se jouer dans ces élections, ce n'est pas sur ce terrain que les combats décisifs se mènent. Mais aujourd'hui, alors que la gauche politique a pu montrer sa nature au pouvoir et que c'est elle qui se charge de gérer les affaires de la bourgeoisie, aucune considération tactique ne pourrait justifier pour des révolutionnaires le fait d'appeler à voter pour elle, de laisser planer la moindre ambiguïté à ce sujet.

Les travailleurs ne peuvent pas être solidaires si peu que ce soit de ministres de la bourgeoisie c'est cela que les révolutionnaires auraient à dire dans ces élections, s'il s'avérait qu'ils puissent manifester une présence politique à cette occasion.

Partager