Une organisation populiste : l'Organisation communiste des travailleurs01/05/19771977Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Une organisation populiste : l'Organisation communiste des travailleurs

L'OCT (Organisation Communiste des Travailleurs) est née, en décembre dernier, de la fusion de l'OC Révolution ! et de l'OC GOP (Organisation Communiste Gauche Ouvrière et Populaire).

La première de ces deux organisations, l'OC Révolution ! issue il y a quelques années d'une scission de la Ligue Communiste, prétendait au départ faire la synthèse des conceptions trotskystes et des acquis de la révolution chinoise, à la lumière de la pensée de Mao Tsé-toung. En fait, une telle attitude, marquée par l'éclectisme, ne pouvait aboutir qu'au ralliement au courant maoïste. A cette nuance près qu'à la différence de mouvements maoïstes de stricte obédience, l'OC Révolution ! se voulait non dogmatique, émettait des critiques sur le rôle de Staline et n'adoptait pas, comme le PCR ou l'Humanité Rouge, une attitude d'hostilité systématique et agressive vis-à-vis du courant trotskyste.

L'OC GOP, quant à elle, née d'un courant qui s'est détaché, lui, il y a quelques années, du PSU, se réclamait plus nettement que Révolution ! du maoïsme et - comme son sigle l'indiquait - de ses conceptions populistes. Mais par delà les clivages organisationnels, ces deux organisations se situaient depuis longtemps sur des bases programmatiques similaires.

 

De la théorie des contradictions au nationalisme

C'est ainsi qu'une des premières manifestations politiques de la nouvelle organisation à son congrès de constitution, à été de proclamer sa volonté de prendre en charge le combat pour l'indépendance nationale. Cette attitude, sans atteindre les outrances nationalistes des maoïstes de l'Humanité Rouge qui se sont fait les défenseurs inconditionnels de l'armée française, rempart décisif, disaient-ils, contre les visées des deux superpuissances, principalement l'impérialisme russe, n'en est pas moins significative des choix de l'OCT et de la continuité qu'elle assume. Parlant de l'Europe du Marché Commun, un communiqué publié dans le premier numéro de l'Étincelle, l'hebdomadaire de l'OCT, déclare : « Le renforcement de l'Europe atlantique ne peut signifier qu'une mise en tutelle des pays aux régimes les plus chancelants par les bourgeoisies impérialistes de l'Europe du Nord, en premier chef l'impérialisme ouest-allemand, lui-même opérant en pro-consul de l'impérialisme US ». Et dans presque tous les numéros de l'Étincelle, l'OCT revient sur cette question et précise sa position. Dans celui du 5 janvier on peut lire : « La bourgeoisie a raison de vouloir l'Europe. Elle renonce à l'indépendance nationale, base antérieure à sa domination, pour mieux sauver sa domination.

C'est alors que la classe ouvrière peut reprendre à son compte l'indépendance nationale, comme base de sa propre lutte, comme point de départ de la rupture et comme cadre possible pour la première ouverture pour la transition au socialisme ».

Et dans le numéro du 31 mars, l'OCT précise encore sa position : « Nous revendiquons le droit de faire quelque chose en France contre la volonté de Carter et de Schmidt, parce que nous voulons conquérir la majorité de notre pays à l'issue révolutionnaire. Ceux qui refusent aujourd'hui ce combat, refusent en fait le combat contre la social-démocratie et le révisionnisme, c'est à-dire contre ceux qui subordonnent le mouvement ouvrier et populaire au cadre économique, politique et institutionnel de l'impérialisme. A l'heure où le PS appelle au « compromis historique » avec l'Europe du Nord, à l'heure où Marchais rejoint un camp euro-communiste qui se situe résolument dans le cadre de l'OTAN et de l'Europe des multinationales, le mot d'ordre « Ies frontières on s'en fout » doit être doté d'un certain contenu de classe. Faute de tracer cette claire distinction, faute de lutter pour les droits des peuples à se révolter contre la Sainte Alliance des États réactionnaires, nous tomberions dans les pièges de la collaboration de classe... ».

Curieuse façon, pour l'OCT, de ne pas tomber dans la collaboration de classe, puisqu'elle mène Joshua, ex-dirigeant de l'OC Révolution !, actuel dirigeant de l'OCT, à apposer sa signature au côté de celle du général Binoche, gaulliste, de gauche il est vrai, au bas d'un communiqué contre le Parlement Européen. Mais qu'on ne s'y trompe pas, cette attitude n'est pas nouvelle. Déjà dans son précédent congrès extraordinaire qui s'était tenu les 26 et 27 juin 1976, l'OC Révolution ! définissait comme une de ses tâches « la nécessité de combattre l'alignement croissant sur l'impérialisme US et son représentant en Europe ».

La position de l'OCT n'est pas non plus une rupture dans la cohérence de son raisonnement politique, elle ne constitue pas un accident, un faux pas justifié par des raisons tactiques. Elle s'inscrit au contraire dans la logique même de ses références au maoïsme. Cette logique, les rédacteurs de l'Étincelle la justifient en écrivant que leur volonté d'indépendance nationale procède de la même attitude que celle de la « jeune Union Soviétique et des Vietnamiens ». Ce que les responsables de l'OCT omettent de rappeler, c'est que les révolutionnaires russes n'ont combattu pour l'indépendance nationale qu'après que le prolétariat se soit emparé du pouvoir. Ce qu'ils défendaient alors, c'était l'indépendance de l'État ouvrier. Avant, ils combattaient sans concessions ceux qui leur chantaient la ritournelle de l'indépendance nationale - les mencheviks entre autres. Par contre, effectivement, au Vietnam, la lutte s'est développée sous l'égide d'un mouvement nationaliste d'alliance entre différentes forces bourgeoises. Et la référence de l'OCT à l'exemple vietnamien explique la position actuelle de l'OCT vis-à-vis du problème national en France. De même qu'en retour la position des mouvements maoïstes en France, aussi bien celle des organisations dites dogmatiques que de l'OCT qui se veut plus ouverte, éclaire la logique de l'idéologie maoiste, qui n'est qu'une couverture du nationalisme. Il y a un lien de continuité entre la position qui consiste à soutenir politiquement les mouvements nationalistes des pays du Tiers-Monde comme le fait l'OCT qui, du Vietnam au Mozambique, s'aligne sur les dictatures nationalistes en place, et la position qui la fait se retrouver au câté du gaulliste de gauche Binoche... et dans le camp d'un Debré.

 

L'opportunisme organisationnel : produit de l'opportunisme politique

Que l'OCT prenne place dans le camp du nationalisme n'est qu'un aspect, le plus frappant sans doute, d'un opportunisme plus général qui se manifeste aussi bien sur le plan politique que sur le plan organisationnel.

Cet opportunisme, nous avons dû l'affronter récemment, à l'occasion des discussions concernant les récentes élections municipales. Lors de ces discussions, l'OCT proposait de mettre sur pied des listes représentatives, disait-elle, des luttes ou des mouvements de masse. Cette attitude, là encore, n'est pas nouvelle. C'est celle qui présida, en 1974, au soutien à une éventuelle candidature de Piaget (dirigeant d'une grève fameuse, certes, celle de Lip, mais par ailleurs dirigeant, aussi, du PSU). C'est celle qui fit qu'aux élections partielles de Tours en 1976, l'OC Révolution fabriqua une prétendue candidature des luttes, qui masquait une alliance avec le PSU.

Le débat n'est pas nouveau, mais il est essentiel. L'OCT essaie de l'esquiver, en laissant entendre que les divergences sont tactiques et qu'il s'agit, au travers de ces « candidatures de mouvement », d'élargir l'assise des révolutionnaires.

En fait, derrière de tels arguments, on retrouve les conceptions populistes qui ont pour résultat de faire disparaître le programme politique des révolutionnaires. C'était frappant avec le soutien à Piaget. Aujourd'hui l'OCT développe la même conception, conception apolitique qui vise à éliminer l'aspect politique de l'apparition des révolutionnaires.

Il y a un lien entre cette attitude et celle qui consiste à diluer les critères organisationnels dans les mouvements dits de masse. Ces mouvements dits de masse ont pour caractéristique essentielle de réduire le rôle de la classe ouvrière. Et ce n'est pas en affublant la désignation de ces mouvements des termes « lutte de classe » ou « anticapitaliste » que l'on modifie la réalité. On la masque. C'est une caractéristique de tous les opportunismes.

Cette attitude n'est pas le résultat d'une carence de l'OCT, elle n'est pas le produit d'une élaboration qui n'aurait pas encore abouti. Elle est, au contraire, le résultat des choix programmatiques, des références idéologiques de cette organisation. Il ne s'agit pas pour elle, en fait, de construire un parti prolétarien, instrument de la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Il s'agit pour l'OCT de se situer dans le mouvement populaire, si possible à sa tête. Mouvement dont on se garde de définir les contours de classe, sinon par des références abstraites au prolétariat.

L'OCT n'est pas chiche de ces références. Mais elle les corrige dans ses textes et dans ses interventions par des références aux « forces anticapitalistes », à la « gauche ouvrière et populaire », autant de termes dont le caractère flou vise à gommer les références de classe.

Pour ne reprendre que cette notion de « gauche ouvrière et populaire », qui sert de clef de voûte à l'OCT pour justifier son intervention, bien malin celui qui, à la lecture des articles de l'Étincelle, peut en définir les contours. Elle semble comprendre, selon les circonstances, les syndicalistes combatifs, principalement une fraction de la CFDT, une fraction du PSU, les sympathisants des organisations d'extrême-gauche et les mouvements anticapitalistes qui, sur un plan ou sur un autre, contestent le cadre de vie, donc, selon l'OCT, le capitalisme. C'est en direction de cette « gauche ouvrière et populaire » que l'OCT développe son activité. UOCT dit de cette « gauche ouvrière et populaire » qu'elle est hétérogène politiquement et socialement. C'est à ce courant que l'OCT s'efforce de ressembler. Elle y réussit d'ailleurs fort bien.

Cette adaptation se traduit sur le plan politique. Elle se manifeste tout d'abord à l'égard des appareils syndicaux, et plus particulièrement de la CFDT dans laquelle on retrouve un certain nombre de camarades d'entreprise de l'OCT. N'est-ce pas logique, puisqu'une fraction de la CFDT constitue un des éléments de la « gauche ouvrière et populaire » ? Cette adaptation se manifeste non pas tant dans les articles de l'organe central de l'OCT qui critique les directions syndicales, mais dans l'activité pratique des militants dans les entreprises. On la vérifie dans les tracts et dans les rapports des militants avec les appareils.

Car là non plus, il ne s'agit pas de se limiter à des discours généraux et abstraits sur la trahison des directions des syndicats CFDT et CGT et de leurs secrétaires généraux Maire et Séguy, encore faut-il être capable de s'y opposer là où cette trahison manifeste ses effets, dans les entreprises, l'OCT, comme d'autres d'ailleurs, capitule à ce niveau pour ne pas se couper, dit-elle, des éléments combatifs de la « gauche ouvrière », comme si la combativité était un critère en soi. C'est ainsi, pour ne reprendre qu'un exemple récent, que la cellule OCT de St-Ouen reproche à Lutte Ouvrière à l'usine Alsthom de St-Ouen de critiquer la politique des syndicats qui organisent des grèves tournantes dans cette usine. Car selon les camarades de l'OCT, il ne faut pas briser la combativité des travailleurs qui participent à ces mouvements. Il vaut mieux laisser les syndicats, et particulièrement la CFDT de cette usine, user cette combativité dans des mouvements tournants et catégoriels. Ce n'est qu'un exemple limité, mais il est significatif.

Mais l'opportunisme de l'OCT ne se limite pas à ses rapports avec les syndicats. Il se manifeste également dans son attitude vis-àvis de l'Union de la gauche. Sur cette question, l'OCT mélange la phraséologie gauchiste, la dénonciation virulente du PC et du PS, avec l'adaptation aux illusions électoralistes de la classe ouvrière. C'est ainsi que l'OCT, comme la LCR, met en avant, pour la période, une série de mots d'ordre qui laissent entendre que l'échec électoral de la droite constituerait par voie de conséquence automatique une victoire de la classe ouvrière. Elle explique que l'accession de la gauche au pouvoir permettra le développement des luttes. Nous nous expliquons par ailleurs sur ces problèmes, à propos de la LCR. Mais force nous est de constater là encore que le verbalisme gauchiste peut fort bien se concilier avec l'opportunisme.

En fait, la démarche de l'OCT, aussi bien sur le plan organisationnel que sur le plan politique, s'inscrit dans un courant qui, du PSU au maoïsme, ne se développe pas sur la base d'une politique prolétarienne.

On a pu le voir de manière significative sur la question de l'indépendance nationale. Mais cela se manifeste dans tous les secteurs d'intervention de l'OCT.

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