Irlande : ou conduit le pacifisme du mouvement des femmes01/01/19771977Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Irlande : ou conduit le pacifisme du mouvement des femmes

Depuis le mois d'août 1976, le mouvement des femmes irlandaises pour la paix a mobilisé des dizaines de milliers de participantes en Ulster, et à son appel fin novembre à Londres, 15 000 à 20 000 manifestants se sont rassemblés à Trafalgar Square.

C'est un élément nouveau dans la situation politique irlandaise. Quelle cause ce mouvement sert-il ?

« L'IRA officielle » que le Parti Communiste influence par une présence militante en son sein, soutient ce mouvement. La célèbre chanteuse américaine, Joan Baez, qui s'était engagée dans les démonstrations contre la guerre du Vietnam, lui a également marqué son approbation par sa présence à la manifestation de Trafalgar Square le 27 novembre, à Londres.

Que ce soit au nom du pacifisme ou au nom du féminisme, il semble que la gauche trouve des raisons de lui apporter son appui. Faut-il soutenir ce mouvement de femmes ?

« L'IRA provisoire » quant à elle, qui s'est sentie directement visée par ces manifestations - puisqu'elles ont commencé le lendemain d'un attentat qui coûta la vie à des enfants protestants - dénonce depuis le début le mouvement des femmes pour la paix comme une organisation manipulée par le gouvernement anglais.

En fait le pacifisme n'est jamais neutre, pas plus en Irlande qu'ailleurs, il ne fait la balance égale entre deux camps qui s'affrontent. C'est toujours à l'un des deux qu'il sert objectivement contre l'autre.

Dans le cas présent, le pacifisme des femmes de l'ulster profite à l'impérialisme anglais.

Et il faut bien constater que ce dernier ne semble pas avoir conscience d'être menacé en aucune manière, puisque la reine d'Angleterre elle-même, à la veille de Noël, a décerné ses félicitations au mouvement des femmes pour la paix. Avant elle toutes les églises d'Irlande avaient assuré de leur bénédiction les initiatives de Maiered Corrigan et de Betty Williams, initiatrices et leaders du mouvement. Les églises d'Angleterre ne sont pas en reste non plus, puisque le 27 novembre à Londres, elles étaient représentées à Trafalgar Square, et que les archevêques de Canterbury et de Westminster, ainsi que le cardinal Hume, chef de l'église catholique anglaise, se sont retrouvés à prier ensemble au pied de la statue de Nelson.

Il faut dire qu'ils auraient eu mauvaise grâce de dénoncer ces processions quasi hebdomadaires au cours desquelles psaumes et cantiques étaient entonnés tant par les catholiques que les protestants.

Sans grand résultat d'ailleurs, car les défilés de masse pacifistes n'ont eu aucune influence sur le terrorisme. Pas plus « l'IRA provisoire » que « I'UDA » - organisation extrémiste protestante - n'ont cessé ou même diminué le nombre des attentats durant cette période.

Le seul résultat tangible serait - si on en croyait la police d'Irlande du Nord - l'accroissement des dénonciations par le biais des « Iignes confidentielles » mises en place pour faciliter la délation anonyme au téléphone.

Les bombes servent depuis non seulement à des attentats contre des personnes, mais aussi à démolir les cabines téléphoniques...

L'inefficacité des processions pour la paix dans ce domaine, ne leur enlève pas pour autant leur utilité dans un autre domaine politique. Ces manifestations ont révélé la lassitude de la population de l'Ulster devant la guerre civile, particulièrement, et c'est ce qui est important, celle des plus opprimés, les catholiques. Il est indéniable, même si aujourd'hui le gros des manifestants sont des protestantes, qu'au moins au début des femmes catholiques y ont participé en nombre important. Cette attitude tranche avec celle de la période 1969-1972, où l'IRA était portée par la colère populaire des quartiers pauvres à population catholique.

Et c'est sur cette démonstration de lassitude que compte le gouvernement de « Sa Majesté » pour faire une nouvelle tentative de règlement en Irlande. Cette tentative n'est rien d'autre qu'une politique d'attente ne visant pas la liquidation véritable des séquelles d'une situation coloniale. Dans ce but il est important pour les dirigeants anglais de démontrer que la fraction la plus radicale des nationalistes ne représente pas la population. Surtout s'il prépare un accord avec les autres partis politiques, prêts eux à jouer le jeu, c'est-à-dire à accepter que l'Ulster continue à faire partie du Royaume-Uni.

C'est finalement cette politique que « les bons sentiments » des femmes irlandaises pacifistes vont servir. Et cette cause, c'est celle du statu quo de l'oppression anglaise sur l'Irlande, c'est-à-dire une politique pour le moins conservatrice sinon réactionnaire.

Il est vrai que face à cela les plus radicaux des nationalistes qui veulent continuer le combat, n'offrent guère de perspectives ni à la population protestante exploitée et manipulée pour des intérêts qui lui sont contraires, ni même à la population catholique. Car le rattachement à l'Irlande du Sud, État confessionnel sous le contrôle et la dépendance de l'Angleterre malgré son indépendance juridique de façade, n'a rien d'enthousiasmant. Comme il est vrai que de refuser de voir en tout protestant autre chose qu'un ennemi, ne puisse conduire qu'à des situations absurdes et insolubles.

Une politique visant à défendre les intérêts des travailleurs, et de tous les travailleurs, n'aurait bien sûr rien à voir avec le nationalisme de l'IRA qui oppose les travailleurs catholiques aux travailleurs protestants, oubliant que ces travailleurs sont exploités non seulement par des patrons protestants, mais aussi par ces patrons catholiques. Mais elle n'aurait rien à voir non plus avec le pacifisme, car la libération des travailleurs irlandais nécessite un combat, non des prières.

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