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Manifestation d'impuissance

L'attentat commis par l'OAS dans la nuit du 4 au 5 janvier contre le siège central du Parti Communiste vient après toute une série d'attentats dirigés contre des personnalités communistes ou sympathisantes du PC, contre des journalistes de « l'Humanité », contre les sièges de journaux staliniens, contre des locaux de la CGT ; depuis plusieurs semaines déjà, l'organisation fasciste montrait de plus en plus nettement son caractère essentiellement anti-prolétarien, et allait s'enhardissant. L'attaque actuelle contre le siège central est la suite logique de ces « ballons d'essai ».

Elle était par conséquent tout à fait prévisible. Organiser la surveillance du local principal du Parti Communiste était une précaution élémentaire. Que cette surveillance ait été sommaire ou mal faite pourrait n'être relativement pas grave si une riposte effective avait eu lieu immédiatement. Il faut à ce propos remarquer que le PCF qui, en d'autres circonstances, met tant de temps pour organiser une manifestation, a cette fois en deux jours distribué ses tracts et prévu le défilé.

Ce n'est pas qu'il se soit soudain découvert des velléités d'action révolutionnaire ; si, habituellement, il refuse de se lancer seul dans une action quelconque, s'il veut éviter de « s'isoler » par rapport aux « forces démocratiques », s'il fait constamment appel à l'unité d'action avant d'organiser quoi que ce soit, instituant ainsi l'unité d'inaction, il a cette fois, avancé seul. Mais en l'occurrence, le PCF ne pouvait pas ne pas répondre, c'était insoutenable face aux militants du Parti eux-mêmes. Le PC se devait de « faire quelque chose », et ne pas organiser la manifestation l'eût obligé à préparer une autre forme d'action, physique et brutale, inimaginable pour l'appareil dans les conditions actuelles.

Mais une manifestation, ou un défilé, est-ce une riposte valable à un attentat fasciste aussi direct ? C'est la question que l'on peut se poser, car cette riposte peut sembler bien faible par rapport aux moyens utilisés par les tueurs de l'OAS. Cependant, une manifestation, pour dérisoire qu'elle puisse paraître en soi, peut être en effet efficace, si elle montre la force et la cohésion des rangs ouvriers, si elle monte que derrière le PCF, les travailleurs sentent que c'est eux-mêmes qui sont attaqués, si elle montre leur résolution de défendre, physiquement au besoin, leurs organisations.

Mais, pour ce faire, elle ne doit pas être la manifestation des seuls militants communistes ou sympathisants. Elle doit être précédée par un large appel public à toutes les forces de gauche, devant l'éventuel refus desquelles la manifestation peut être annulée. Il s'agirait là d'un repli, mais d'un repli vers d'autres formes d'action anti-fascistes, qui d'ailleurs de toute façon doivent être utilisées (rétorsion).

Or, la manifestation de ce samedi 6 janvier n'a été qu'un défilé. ou pour mieux dire, une promenade un peu bruyante. Comme le fait remarquer Le Monde du 9 janvier, « l'extrême gauche n'est plus en état de mettre en mouvement à elle seule dans la capitale des foules aussi considérables que par le passé ».

Pour mobiliser de larges masses dans une telle circonstance, il aurait fallu que le PCF fasse antérieurement la preuve de sa capacité à se défendre, lui, ses journaux et ses militants - qu'il fasse la preuve qu'il méritait d'être défendu - en n'attendant pas pour organiser une lutte physique effective contre l'organisation fasciste, de voir son siège central attaqué.

En commençant par se défendre efficacement lui-même, en prenant l'initiative d'organiser des groupes de défense, le PC aurait pu attirer à lui la confiance de larges masses auxquelles le fascisme répugne encore.

Mais d'ailleurs, si le PCF avait su ainsi conquérir la confiance et le soutien de la classe ouvrière, c'est spontanément que des milliers de travailleurs se seraient rendus à son siège, pour exprimer leur volonté de ne pas tolérer pareille attaque, et ce dès le lendemain.

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