Kamarades kapitalistes06/02/19611961Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Kamarades kapitalistes

Moins d'un an après l'échec de la conférence au sommet, et bien que ni Krouchtchev, ni Kennedy n'ait fait des propositions officielles, on reparle beaucoup, après les élections américaines, d'une rencontre entre les deux chefs d'État.

L'échec de la Conférence de Paris, bien que manifestement voulu et causé par les Russes n'avait jamais été considéré par ceux-ci comme définitif et, à aucun moment, l'URSS ne tourna le dos à la politique de coexistence pacifique.

La recherche d'un accord avec les impérialistes a toujours été le premier souci de la bureaucratie soviétique dans le domaine de la politique extérieure, car la guerre ne représente pas pour elle une nécessité économique en cas de crise (celles que peuvent engendrer l'incapacité et le gaspillage de la bureaucratie peuvent toujours se résoudre pacifiquement dans le cadre de l'économie planifiée), mais elle représente pour elle un danger vital toujours à craindre.

Mais si la bureaucratie soviétique a pu s'emparer du pouvoir, c'est dans une large mesure à cause de la menace extérieure que représentait l'impérialisme. C'est grâce à cette menace que la bureaucratie a pu imposer aux masses de grands sacrifices et justifier son pouvoir sans limites. La guerre de 1941 / 1945 contribua finalement pour beaucoup au maintien du pouvoir de la bureaucratie en resserrant les masses autour de la patrie soviétique en danger.

Mais un monde où la paix perpétuelle apparaîtrait possible, en supprimant la justification de la dictature, menacerait son existence.

Ainsi l'une des contradictions où se trouve placées les couches dirigeantes de la société soviétique, c'est d'avoir à la fois besoin de la paix sur le plan de la politique extérieure, et de l'existence d'une menace extérieure pour se maintenir au pouvoir. Elle ne fait d'ailleurs qu'exprimer la nature bonapartiste du régime. C'est cette contradiction qui explique vraisemblablement et l'échec de la Conférence de Paris et la persévérance de Krouchtchev à rechercher un accord.

La bureaucratie russe crut réellement, bien avant Krouchtchev, à la possibilité de rester en dehors des conflits entre impérialismes. Si Staline fut surpris par l'agression allemande de 1941, ce n'est pas parce qu'il avait confiance dans la parole de Hitler ou dans la signature de Ribbentrop - le « Renard de Géorgie » aimait trop les « procédés florentins » pour cela - mais il croyait vraiment que la guerre pourrait n'être qu'un conflit entre impérialistes, dont il pourrait, par des manoeuvres diplomatiques, tenir l'URSS à l'écart.

Pendant cette guerre, les accords de Yalta et de Potsdam fixèrent à l'avance le partage des zones d'influence entre les deux grands, cet accord préalable devant éviter par la suite les risques de conflit entre ex-alliés. L'URSS, respectant ces accords, permit aux Anglais d'écraser l'insurrection grecque de 1944 / 1945.

Depuis, la recherche d'un traité de paix est l'axe de la politique extérieure soviétique, mais pour signer un tel traité il faut être deux, et le gouvernement des USA a bien moins de raisons de le faire que celui de l'URSS. Les avantages que Kennedy pourrait en retirer, en dehors du fait d'apparaître comme l'homme de la paix, sont finalement très minces : ils sont fonction des concessions que pourra faire Krouchtchev.

Les exigences de sa politique extérieure justifient, pour la bureaucratie, toutes les trahison. La politique d'union nationale dans tous les pays d'Europe occidentale de 1945 à 1947 fut le prix dont elle paya Yalta. Cela représentait à l'époque pour l'impérialisme quelque chose de très important car dans ces pays-là, surtout la France et l'Italie, les PC avaient une grande influence et étaient capables de maintenir et de briser les mouvements qui auraient pu entraver la remise en selle de la bourgeoisie.

Mais aujourd'hui qui l'urss pourrait-elle trahir ? aucun des problèmes qui se posent à impérialisme mondial ne dépend d'elle. que ce soit à cuba, en algérie ou au congo, ni par l'intermédiaire des partis communistes+, ni directement par sa politique extérieure, elle n'est capable d'influencer notamment le règlement de ces problèmes. pour trahir quelqu'un il ne suffit pas toujours de vouloir. l'aide que l'urss apporte à ces pays est toute verbale, elle ne peut leur retirer que son appui moral.

Malgré cela on ne peut exclure l'éventualité ni d'une rencontre entre les deux K, ni même d'un traité américano-soviétique, mais cela n'éviterait pas que, si pour sortir d'une crise, l'impérialisme est réduit à la guerre, il la fera contre l'Union soviétique.

La coexistence pacifique exigerait le maintien du rapport de forces entre les deux camps, or celui-ci ne dépend ni de Krouchtchev, ni de Kennedy. Indépendamment des crises internes du capitalisme, le développement historique dresse chaque jour les pays coloniaux et sous-développés contre l'impérialisme, quelle que soit la politique de celui-ci, et indépendamment de l'URSS.

La bureaucratie pourra toujours abandonner moralement les peuples coloniaux en lutte, elle pourra tout juste déconsidérer un peu plus le socialisme à leurs yeux. Cette lutte, avec celle des prolétaires de tous les pays, supprimera un jour les Kennedy et Krouchtchev et ce ne sont pas les chiffons de papier dont ils peuvent se couvrir qui leur éviteront ce sort.

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