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Issue de secours

Les bruits de coulisses, non confirmés mais pas infirmés par le communiqué du GPRA, bien plus que les termes du dernier discours de de Gaulle, semblent promettre une fin prochaine de la guerre d'Algérie ou, plus exactement, un accord entre le Gouvernement français et le GPRA

En effet, il ne suffit pas qu'un accord sanctionne l'état actuel du rapport des forces en Algérie, entre l'impérialisme français et le FLN Il faut encore que le Gouvernement français soit en mesure d'imposer cet accord à ses ressortissants et, surtout, à son propre appareil de répression, armée et police qui, en Algérie, vivent leur vie.

Depuis plusieurs années ce fait a dominé toutes les tentatives de négociation : le Gouvernement français, de Pflimlin à de Gaulle, ne peut pas négocier en Algérie sans se heurter à l'opposition de l'Armée. Depuis quelques mois ce phénomène a pris nom d'OAS, mais il n'est un secret pour personne qu'OAS et État-Major sont frères siamois.

Or, dans la situation actuelle, quand le Gouvernement ne peut même pas protéger la vie de ses propres policiers ou fonctionnaires « fidèles », comment peut-on penser qu'il puisse faire respecter même les plus élémentaires des libertés démocratiques nécessaires au déroulement du scrutin sur l'autodétermination ?

Comment croire que le Gouvernement est capable de garantir au FLN la possibilité d'apparaître légalement sur la scène politique ? Il ne le pourrait qu'en brisant l'OAS, c'est-à-dire, en dernière instance, en brisant l'Armée. Cela, de Gaulle ne le fera pas, car il ne peut pas le faire : ce serait briser le bâton sur lequel il s'appuie. Les « succès » que rencontrent les mesures policières dans la lutte contre l'OAS en métropole ne sont que poudre aux yeux et montrent bien, au contraire, que le Gouvernement, qui ne veut voir que ce que lui montrent ses « enquêtes », n'a pas l'intention de s'attaquer aux racines de l'organisation secrète. De même, la mobilisation à Paris la nuit de milliers de CRS pour paralyser les plastiqueurs, sans avoir à s'attaquer à leurs maîtres ès explosifs.

De Gaulle ne peut pas plus laisser le FLN faire sa police lui-même, c'est-à-dire répondre à l'OAS Cela reviendrait à laisser faire au FLN ce que de Gaulle ne veut pas faire. Et cela serait interprété comme une rupture des accords, rupture dont la responsabilité incomberait au FLN, bien entendu.

La situation paraît donc insoluble tant que les conditions actuelles sont maintenues. Des accords sur un exécutif provisoire où le FLN serait représenté, que ce soit pour un tiers ou pour moitié des sièges, sont inapplicables tant que l'OAS fait la loi en Algérie, du moins dans l'Algérie contrôlée par l'armée française.

La seule issue pour de Gaulle, s'il a réellement l'intention de mettre fin au conflit, serait une retraite, baptisée d'un nom ou d'un autre, son vocabulaire est riche, de l'armée française. En effet, si l'OAS trouve sympathies, appuis et défenseurs au sein de la population européenne d'Algérie, elle n'existe, tout comme en métropole, que parce que sa direction se confond avec celle de l'Armée. L'Armée et ses énormes moyens matériels partis, et l'OAS n'est plus rien en Algérie. L'annonce dans son dernier discours que « avant la fin de cette année la majeure partie de notre armée sera stationnée en Europe ... », est peut-être l'indice que c'est cette issue que de Gaulle prépare.

Si c'est le cas, l'année 1962 verra bien la fin de la guerre d'algérie. ce sera une victoire chèrement conquise par le peuple algérien. ce sera aussi une défaite de l'impérialisme français, par conséquent une victoire pour nous, bien qu'elle ne nous soit pas due. mais sachons nous souvenir que si de gaulle choisit cette issue, c'est pour ne pas briser l'appareil de répression de la bourgeoisie française... et que cet appareil sera alors, tout entier, stationné en europe et principalement en métropole.

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