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Il y a quatre ans mourait Budapest

Le 4 novembre 1956, l'armée russe lançait ses blindés sur Budapest, et dix jours plus tard, le 14, les ouvriers de Csepel, le Billancourt hongrois, déposaient les armes.

Lorsque le 23 octobre, ayant rejoint les étudiants qui manifestaient dans les rues de Budapest et devant le Parlement, les travailleurs réclamaient un nouveau gouvernement, c'était un simple changement de politique qu'ils demandaient. Ils voulaient substituer Imre Nagy au gouvernement exécré Rakosi-Geroe. Ils voyaient dans ce changement le moyen de marcher vers un authentique socialisme. La volonté de liberté se manifestait de plus en plus nettement, surtout depuis l'Octobre polonais. Les intellectuels du Cercle Petöfi avaient d'abord réclamé la liberté de l'art, puis on avait parlé de liberté tout court. Les ouvriers et les étudiants hongrois voulaient leur Gomulka.

Cette confiance, cette volonté manifestée dans la rue, étaient la conséquence des espoirs que la mort de Staline, le discours de Krouchtchev au XXe Congrès et les promesses de démocratisation avaient éveillés dans les coeurs. Une fois Staline mort, on peut démocratiser le régime, desserrer le carcan de la répression policière, respirer un peu. Que les manifestants aient déboulonné la statue de Staline est symbolique de cet état d'esprit.

Il fallait que l'espoir fût bien grand pour que puissent avoir lieu les rassemblements et les meetings qui ont précédé le 23 octobre : un peu partout en Hongrie et particulièrement à Budapest.

En effet les manifestants avaient confiance en la possibilité d'améliorer le régime. Devant le Parlement ils réclamaient Nagy, en attendant impatiemment la réponse de Geroe qui ne pouvait manquer de s'incliner devant leur volonté.

Aussi on peut juger de ce que fut leur désillusion lorsque Geroe les qualifia de « canailles » à la radio et parla de « manifestations chauvines » parce que les manifestants exigeaient le départ des troupes russes. Et la fusillade qui s'ensuivit, au cours de laquelle les chars firent 300 victimes démontra de façon définitive aux travailleurs hongrois qu'il n'y avait rien à attendre de la « déstalinisation ».

Plus, lorsque Nagy entra au gouvernement, ce fut pour servir de caution à la répression.

Aussi dès le 28 octobre, des Conseils Ouvriers élus par tous les travailleurs remplacèrent l'administration et les organisations staliniennes complètement démantelées - et cela un peu partout en Hongrie. Les insurgés savaient que la solution d'un Parti renouvelé telle que le proposait Imre Nagy, n'en était pas une. D'ail leurs il n'existait pratiquement plus de Parti Communiste.

Mais, le 4 novembre l'armée russe attaque. C'est la répression brutale, cette fois on a fait appel aux troupes d'Asie auxquelles on a fait croire qu'elles allaient écraser une contre-révolution fasciste. Pourtant là encore, malgré le cynisme des bureaucrates et des policiers, la répression militaire ne fut pas chose facile. On ne put empêcher les soldats de voir que leurs adversaires ne ressemblent guère à des fascistes, que c'est toute la population laborieuse qui se bat. Et, face aux ouvriers qui leur montrent leurs mains de travailleurs, les troupes désorientées refusent de tirer. Les Russes sont obligés de faire sans cesse appel à de nouvelles troupes. Le 7, les travailleurs de Dunapentele avaient lancé un appel aux soldats russes dans lequel ils disaient : « Vus ayez pu voir de vos yeux... que c'est le peuple hongrois qui combat désespérément ; pour les mêmes droits pour lesquels vous avez, vous, lutté en 1917 » .

La résistance fut acharnée, désespérée. Malgré les obus et les tanks, la lutte organisée dura plus d'une semaine.

On se souvient de ce que fut la stupeur de la gauche occidentale pour laquelle les procès de Moscou et les assassinats du Guépéou faisaient partie d'un passé lointain et révolu, à la nouvelle de l'encerclement et de l'écrasement de Budapest par les blindés russes. Étonnement d'autant plus grand que beaucoup avaient vu, dès les déclarations de Krouchtchev au XXe Congrès du Parti Communiste russe en mars 1956, la fin du stalinisme et l'aube de la démocratisation du régime. Certains même allèrent jusqu'à écrire que c'était sous la pression des travailleurs que Krouchtchev et consorts avaient dû renier Staline et dénoncer ses crimes.

Le massacre des travailleurs hongrois a tracé les exactes limites de la démocratisation entreprise par Krouchtchev. La démocratisation, si démocratisation il y a, ne concerne que les rapports de bureaucrates entre eux et pas les travailleurs.

Le « stalinisme » a survécu à Staline. Celui-ci en était l'expression et non la cause. Le régime de Krouchtchev a la même haine des travailleurs que celui de ses prédécesseurs. Telle est la principale leçon politique que nous ont léguée les martyrs de novembre 1956.

Le vendredi 28 octobre, lendemain de la manifestation contre la guerre d'Algérie, Radio-Budapest dépeignait l'UNEF comme « une organisation ayant trahi la confiance placée en elle par les étudiants et vendue au gouvernement fasciste de de Gaulle ».

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