Faire marcher les masses ou les mobiliser07/05/19631963Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Faire marcher les masses ou les mobiliser

Les récentes manifestations pacifistes qui, en Angleterre, opposèrent à la police des milliers de personnes venues exprimer leur désir de voir cesser la guerre, la propagande faite en France par des « pacifistes » de différents horizons politiques à la réunion à Paris le 19 mai d' « États Généraux du désarmement » remettent à 1'ordre du jour dans la conscience de millions d'individus, le refus de la guerre et de ses barbaries.

A l'heure, où les différents États, y compris l'URSS, se livrent dans le domaine de l'armement, et en particulier de l'armement nucléaire, à une surenchère effrénée, on ne peut s'empêcher de penser avec angoisse à ce que serait un nouveau conflit mondial. Conflit qui dépasserait en horreur ce l'on a pu inventer lors des 2 précédents puisqu'il évoque à l'échelle du globe, le terrible spectacle d'Hiroshima. Chaque nouvelle crise, chaque nouvelle arme destructive, chaque nouvelle démonstration de puissance, d'où qu'elle vienne, réveille et accentue cette crainte.

Vincent Auriol, l'ancien Président de la République, déclarait récemment à l'ouverture du congrès de la Fédération Mondiale des Anciens Combattants : « (les peuples) éprouvent un tel sentiment d'horreur à la seule pensée d'une guerre atomique qu'ils la déclarent impossible, mais ils n'osent pas briser cette contradiction d'une guerre impossible et d'un gaspillage de milliards de dollars pour la préparer et au besoin la faire ».

Et le jour même où la presse publiait cette information, on apprenait entre autres, que « un exercice franco-américain à grande échelle se déroule en Méditerranée occidentale, et prendra fin le 10 mai. Il met en oeuvre non seulement une soixantaine de navires alliés, mais aussi des éléments des armées de terre et de l'air françaises... L'exercice a pour objet de réaliser un entraînement tactique mutuel et de familiariser les forces avec les opérations aériennes offensives et défensives et les opérations amphibies et sous-marines. » (Le Monde 8.5.63)

C'est ainsi que devant leur radicale impuissance à empêcher ou prévenir ce possible déchaînement, certains prétendent trouver dans cette horreur des raisons d'espérer. C'est l'équilibre de la terreur que l'on nous fait vivre : chacun des principaux adversaires possédant les moyens de tout détruire, et aucun n'étant assez fou ni désespéré pour se suicider, ils en sont réduits à vivre en paix et à résoudre pacifiquement les problèmes difficiles d'une vie commune devenue obligatoire. C'est dans cette perspective générale que des pacifistes expliquent aux masses que le seul moyen d'obliger leurs gouvernements respectifs à désarmer, c'est d'être des millions à manifester cette volonté dans de gigantesques marches et rassemblements pour la paix. Leur pensée politique se résume à dire : il faut jeter les armes à la ferraille et il n'y aura plus de guerre.

De prétendus révolutionnaires expliquent aussi que l'alternative de notre époque étant celle-ci : « La coexistence pacifique ou la guerre nucléaire », « la politique de coexistence pacifique est la seule politique de principe, la seule politique juste et raisonnable qui, non seulement évitera au monde les horreurs d'un cataclysme sans précédent, mais encore ouvrira aux peuples des pays socialistes la perspective d'une impérieuse marche en avant, comme aux peuples des pays capitalistes ou sous domination impérialiste, la perspective d'une lutte toujours renouvelée et amplifiée, d'une lutte toujours plus intense contre l'oppression et pour la liberté. » (Cahiers du Communisme, mars 1963).

L'alternative de notre époque n'est pas celle que l'on nous présente, car la coexistence de deux systèmes sociaux suppose le maintien d'un certain statu quo. « La lutte toujours plus intense contre l'oppression et pour la liberté » des pays coloniaux, ou plus généralement sous-développés, ne peut se faire qu'en affaiblissant l'impérialisme, sinon en luttant ouvertement, les armes à la main, contre lui, et celui-ci ne peut pas plus le tolérer qu'il ne peut accepter de céder pacifiquement le pouvoir au prolétariat. Aussi, la première crise importante entraînera-t-elle la guerre, car il n'est pas de classe qui abdique « pacifiquement » même lorsqu'il ne lui reste plus d'espoir de se survivre. Aussi, la paix n'est-elle possible et durable que dans les limites d'adaptation de l'impérialisme. En dehors de ces limites l'agonie du système entraînera également celle de l'humanité. La seule alternative juste et caractéristique de notre époque est donc : la révolution socialiste mondiale ou la guerre.

Devant ce choix, posé de manière aiguë et primordiale en termes de lutte de classes par l'état actuel de la société capitaliste moderne, proposer aux masses les mots d'ordre de « désarmement contrôlé », parlottes stériles d'innombrables conférences de la paix, ou sur la paix, pendant que les États-majors préparent la guerre, c'est refuser de les mettre devant un choix qu'elles ne peuvent éluder en leur faisant croire qu'il n'est pas nécessaire de le faire. Si légitime que soit le désir de paix des masses et bien qu'il soit souvent le début d'une protestation, d'une révolte et d'une prise de conscience du caractère réactionnaire de la course aux armements, le devoir des révolutionnaires est de ne pas s'associer aux concerts de prières et de voex pieux de tous ces pacifistes bienveillants et bourgeois qui abandonnent si volontiers le terrain de la lutte de classe pour celui, combien moins compromettant et plus commode de la « lutte de masse ». Il est du devoir des révolutionnaires de tirer au maximum profit de cet état d'esprit et « de participer activement à tout mouvement, à toute manifestation sur ce terrain », mais « ils ne tromperont pas le peuple en lui laissant croire qu'en l'absence d'un mouvement révolutionnaire, il est possible de parvenir à une paix. » (Lénine, oeuvres complètes, tome XXI, page 327).

S'il est vrai que « les socialistes ont toujours condamné les guerres entre les peuples comme une entreprise barbare et bestiale », ils ne peuvent, sans renier jusqu'à l'idée de la révolution, être « pacifistes », c'est-à-dire s'élever contre tout militarisme et toute guerre parce qu'il leur faudrait condamner jusqu'aux guerres d'émancipation nationale et aux guerres de classe et refuser à l'URSS, par exemple, le droit de s'armer pour être en mesure de résister à une agression impérialiste.

A la revendication du désarmement, nous devons toujours opposer, comme le faisait Lénine, : « l'armement du prolétariat afin de vaincre, d'exproprier et de désarmer la bourgeoisie » et « c'est seulement lorsqu'il aura désarmé la bourgeoisie que le prolétariat pourra sans trahir sa mission historique universelle jeter à la ferraille toutes les armes en général. » (Lénine, Programme militaire de la Révolution prolétarienne).

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