Bab-El-Oued Mississipi02/10/19621962Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Bab-El-Oued Mississipi

Foules hurlantes, militaires conspués, rien ne manque aux émeutes racistes de l'Université d'Oxford, dans le Mississipi, pour que l'analogie avec la situation à Alger dans les semaines qui ont précédé l'indépendance ne saute pas aux yeux.

C'est finalement là-bas la même situation, à l'autodétermination et à l'indépendance près. Même passé colonial. Même racisme des petits-blancs qui, en trouvant plus faibles qu'eux dans la hiérarchie sociale, se consolent de leur propre situation. Même attitude de l'extrême-droite qui exploite ce racisme et l'entretient. Même attitude de la gauche... qui proteste. Et même attitude du Gouvernement qui « contient », mais ne détruit pas.

En effet, il peut apparaître que la réaction des deux frères Kennedy soit ferme et sans équivoque. Milliers d'hommes envoyés sur place. Protection du courageux Meredith. Arrestation du général extrémiste Walker. Mais ces réactions du Gouvernement n'ont pas été spontanées. Depuis que la plupart des pays coloniaux ont conquis leur indépendance et que les États-Unis recherchent leur alliance ou leur bonne volonté, la ségrégation est une verrue sur le visage de tous leurs ambassadeurs. Le Gouvernement fédéral des USA a donc voté des lois interdisant la ségrégation raciale. Elles n'étaient pas appliquées, chacun le savait, mais l'honneur était sauf et le président des États-Unis pouvait dire que dans quarante ans, peut-être, les États-Unis pourraient avoir un président noir. Cela sans doute suffisait à satisfaire les hommes politiques fantoches de certains États Africains ou d'Amérique Latine. Mais cela n'avançait guère les « coloured men » des États du Sud des USA et même pas mal de ceux du Nord.

Il a fallu, et il faudra encore, que des hommes et des femmes courageux se sacrifient pour faire éclater la tromperie et l'imposture. Il a fallu, et il faudra à chaque fois, une lutte impitoyable. A Little Rock, il s'agissait de jeunes écoliers qui se sont présentés à l'école, ainsi que le leur permettait, en théorie, la loi.

C'est parce qu'ils ont insisté et qu'ils ont risqué leur vie que le Gouvernement fédéral a été forcé d'intervenir. L'année dernière, les manifestants des « autocars de la Liberté » ont aussi risqué leur vie en bravant la ségrégation sudiste. Là, le Gouvernement fédéral n'est intervenu que pour leur conseiller la modération et la patience. Et aujourd'hui, à Oxford-Mississipi - un nom à retenir pour demander aux touristes américains s'ils n'en viennent pas - c'est parce que Meredith a accepté lui aussi de risquer sa vie consciemment que le Gouvernement fédéral se voit contraint d'intervenir contre son propre appareil d'État.

L'internationalisme a ses racines dans ces analogies qui, malgré la distance, nous font voir les problèmes du Sud des États-Unis avec le sentiment de les avoir vécus.

Partager