Emplâtres et jambe de bois01/06/20182018Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Emplâtres et jambe de bois

Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale le mouvement d'émancipation des coloniaux a amené à l'indépendance politique la presque totalité du Moyen Orient et de l'Asie ; ce mouvement a très vite touché l'Afrique du Nord et l'éveil de l'Afrique noire s’est accéléré au cours de la dernière décade. Face à cette révolte des masses qui représentent près des trois quarts de l'humanité, certaines puissances impérialistes ont tenté d'opposer la force brutale tandis que d'autres pratiquaient une politique "du moindre mal", en mettant des crans d'arrêt en partie à la révolte africaine, la dernière en date.

Dans ce but la bourgeoisie française devant les échecs d'Indochine et d’Algérie, a voulu s’inspirer en Afrique du Commonwealth britannique qui constituerait un système, fondé sur l'amitié et l'égalité, suffisamment souple pour pouvoir se permettre de jeter du lest en temps voulu.

Il y a hypocrisie à qualifier le Commonwealth d’union fraternelle, et à voir de l’humanitarisme dans la politique anglaise. L'Inde n'a obtenu son indépendance politique qu'au terme de longues années de lutte sévère, et, en Afrique les liens amicaux dont on dit qu'ils régissent le Commonwealth n'ont guère prévalu à partir du moment où les peuplades du Kenya, du Tanganyika ou du Nyassaland sont entrées dans la lutte. On se souvient de la férocité avec laquelle la révolte des Mau-Mau de 1953-54 a été réprimée.

Pourtant, l'indépendance politique du Kenya était en principe prévue... à long terme. Ainsi, et en se plaçant uniquement sur le terrain où se placent les bourgeoisies, c’est-à-dire celui de l'efficacité de telle ou telle politique, on peut voir que le Commonwealth n'est pas seulement une parodie d'union fraternelle, mais aussi qu’il est un échec, dans la mesure où il était destiné à canaliser et finalement à étouffer la révolte des colonies britanniques. Aujourd'hui, la répression dure toujours au Kenya et - fait plus spectaculaire - les tentatives faites par le gouvernement anglais en vue d’imposer un compromis à la minorité blanche de l'Union Sud-Africaine se soldent par un échec et par l’exclusion de ce pays du Commonwealth. L’avenir politique de la population sud-africaine dépend de sa lutte directe contre la minorité blanche, lutte dont on ne peut, dans les conditions particulières d'exploitation ou elle vit, prévoir l'issue.

Que reste-t-il donc de la politique réaliste et libérale de l'Angleterre à l'égard de son Empire ? Rien de plus favorable à l'impérialisme anglais que ce qu’il reste ou restera à la Belgique et a la France : dans quelques années, tous les pays qui constituent le Commonwealth seront politiquement indépendants, et le Commonwealth n'est viable qu’à cette condition. Même chose pour le "paternalisme“ de l’impérialisme belge qui se gaussait du comportement de son jumeau français aux colonies et lui opposait "sa" politique coloniale plus "judicieuse".

Un certain nombre d’hommes politiques, dont ceux de la gauche, ont souvent reproché à la bourgeoisie française de n'avoir pas su adapter sa politique aux "nécessités de l'évolution", et d'avoir manqué de réalisme envers ses colonies. Ce n'est qu'avec de Gaulle qu'elle a essayé d'instaurer une sorte de Communauté, puis une "Communauté rénovée" prévoyant l'indépendance politique des anciennes colonies ã plus ou moins longue échéance ; c'est depuis 1958 qu'elle semble s'être résignée à la nécessité d'accorder tôt ou tard cette indépendance.

Néanmoins, on assiste à l'éclatement de la Fédération du Mali, à des troubles incessants au Cameroun ; les projets gaullistes de Communauté s’évanouissent dans de vagues déclarations d'amitié très générales et il reste que si cette Communauté dure, ce ne sera que sur la base d'États politiquement indépendants, tout comme c'est le cas pour le Commonwealth.

Des politiciens peuvent donc vanter telle ou telle méthode pour "résoudre" les questions coloniales, prendre exemple de l'Indochine puis de l'Algérie pour montrer que celle de la bourgeoisie française est "désastreuse", il n'en reste pas moins que toutes les bourgeoisies impérialistes qui ont des territoires en Afrique se trouvent en face de la même révolte des masses, en face du même problème qui englobe le continent africain tout entier. Même l'Angola, colonie portugaise, dont on nous apprend sans rire que les habitants jouissent des mêmes droits politiques que les citoyens portugais (c'est-à-dire fort peu), entrent dans la lutte.

La question ne se ramène pas à un différend dans la politique des puissances impérialistes. Le différend, c'est celui qui oppose les exploités à la bourgeoisie, à l'impérialisme, dans son ensemble

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