USA-Russie : l’ordre mondial de Trump… et Poutine ?26/02/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/02/une_2952-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

USA-Russie : l’ordre mondial de Trump… et Poutine ?

Le 24 février, pour le troisième anniversaire du début de la guerre en Ukraine, des États européens ont présenté une motion à l’ONU qui exigeait le retrait immédiat des troupes russes. Les États-Unis ont voté contre, la Russie aussi, bien sûr, et l’ont refait peu après au Conseil de sécurité de cette même ONU.

C’est le symbole d’un « revirement inédit » selon de nombreux médias, certains le qualifiant de « jamais vu ». Que le Kremlin fasse cause commune avec la Maison Blanche n’est pourtant pas chose nouvelle, loin de là.

Pour Poutine comme ses prédécesseurs à la tête de la bureaucratie russe, chercher un terrain d’entente avec la bourgeoisie mondiale et ses dirigeants a été une constante de leur politique, certes souvent contrariée mais rarement de leur fait.

Les exemples abondent. Parmi les plus éclatants citons la conférence de Yalta. En février 1945, dans la perspective de la défaite à venir de l’Allemagne, Roosevelt, Churchill et Staline s’y accordèrent pour se répartir le monde en zones d’influence. Dans celles qui leur revenaient, puissances impérialistes et bureaucratie stalinienne devaient garantir l’ordre et surtout empêcher qu’éclatent des révolutions ouvrières comme au sortir de la Première Guerre mondiale. Cette alliance contre-révolutionnaire tint ses promesses, même quand l’impérialisme estima que, le stalinisme ayant écarté tout danger de révolution en Europe, il n’y avait plus autant de raisons d’associer l’URSS au « concert des nations ».

En 1947, au nom d’une politique dite de « containment » du bloc soviétique, les États occidentaux déclenchèrent la guerre froide : elle dura jusqu’à l’implosion de l’URSS en 1991. Durant ces quatre décennies, la bureaucratie russe se comporta bien des fois en gardienne de l’ordre mondial, tout en défendant ses propres intérêts. Entre 1953 et 1956, elle se chargea de briser les révoltes ouvrières en Allemagne de l’Est, en Tchécoslovaquie, en Pologne, et ce sont ses tanks qui écrasèrent la révolution des conseils ouvriers en Hongrie. Et Brejnev envoya son armée en Afghanistan, avec l’assentiment tacite de l’Amérique, qui craignait alors bien plus que le pouvoir de Khomeiny fasse des émules hors d’Iran.

La Russie post-soviétique donna elle aussi des gages à l’Occident impérialiste. Après les attentats islamistes du 11 septembre 2001 à New York, Poutine mit ses bases en Asie centrale à la disposition des avions américains allant bombarder l’Afghanistan. Poutine avait alors même demandé que la Russie puisse adhérer à l’OTAN…

Après 2011, quand la guerre civile éclata contre le régime d’Assad en Syrie, les États-Unis, hésitant à s’engager dans ce bourbier, laissèrent le Kremlin sauver militairement cette dictature, au moins pour un temps.

Et rappelons que juste avant « l’opération spéciale » en Ukraine, l’armée russe était allée réprimer de grandes grèves et un soulèvement populaire au Kazakhstan. Poutine sauva la bureaucratie kazakhe et les intérêts de trusts occidentaux actifs dans une zone d’influence russe où les États-Unis n’auraient pas pu le faire.

Alors que l’impérialisme américain a décidé – ses représentants le répètent – de concentrer ses forces et ressources contre la Chine, il a sans doute fait le calcul qu’il lui était plus profitable de réintégrer la Russie dans son jeu. Car les États-Unis gardent l’initiative : de ne plus soutenir l’Ukraine afin de se débarrasser au plus vite d’une guerre devenue inopportune en ne traitant qu’avec la Russie ; d’associer celle-ci à un possible remaniement de l’ordre mondial, notamment en Europe de l’est, dans le Caucase, en Asie centrale, au Moyen-Orient, dans certaines régions d’Afrique où le Kremlin a des troupes et des intérêts...

Cela exaucerait le rêve que caresse la bureaucratie russe depuis son origine il y a un siècle : trouver sa place dans le monde capitaliste, y être reconnue et pouvoir profiter pleinement des richesses qu’elle tire de sa sphère d’influence et de l’exploitation des travailleurs sous sa coupe. Que cela puisse se faire, c’est une autre question. Ne serait-ce que parce que l’impérialisme américain n’a pas abandonné son vieux projet de faire subir un jour à la Russie le sort de l’Ukraine, qu’il a vassalisée et qu’il pille.

Les pourparlers américano-russes peuvent-ils déboucher sur une « trêve dans les semaines à venir », comme le dit Macron ? Cela reste à voir. Mais croire que cela puisse ouvrir une ère de paix, comme certains en prêtent l’intention à Trump, serait se tromper lourdement. La guerre est un rouage indispensable d’un système capitaliste mondial dominé par la course au profit, et toute « paix » n’y est qu’une trêve entre deux guerres.

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