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Ukraine-Russie : avant des négociations, l’hécatombe continue
Zelensky, le chef de l’État ukrainien, va rencontrer le président Biden lors de l’assemblée générale de l’ONU à New York, fin septembre. Il a claironné qu’il attend de lui et de ses alliés de l’OTAN qu’ils lui livrent des missiles longue portée pour aller frapper en Russie même, loin de la ligne de front.
Poutine a aussitôt fait savoir qu’un feu vert occidental en ce sens serait une entrée en guerre de l’OTAN contre la Russie, qui y répliquerait en conséquence. Il n’a pas précisé comment, mais nombre de commentateurs déclarent que, venant d’une puissance nucléaire, il ne faudrait pas négliger ses menaces.
En deux ans et demi de guerre, Moscou a plusieurs fois fixé au camp d’en face des « lignes rouges », que Kiev et l’OTAN ont fini par franchir. Il y a eu l’envoi en Ukraine de chars lourds, pourtant d’abord exclu ; puis celui d’avions F-16, eux aussi d’abord sous embargo ; plus récemment, alors que l’Occident disait refuser d’étendre le conflit en Russie, on a vu des drones d’attaque ukrainiens frapper de plus en plus souvent, et en profondeur, des objectifs civils, économiques et militaires russes, dont Moscou. Et depuis le 4 août, des brigades ukrainiennes ont pénétré en Russie et occupent une partie de la région de Koursk.
Dans cette escalade, la fourniture à Kiev d’armes occidentales de plus en plus puissantes et perfectionnées tient une place centrale. Face à cela, le Kremlin ne pouvait pas ne pas suivre. Outre qu’il a conclu des contrats de fourniture massive d’obus et de drones avec la Corée du Nord et l’Iran, il n’a cessé d’accroître le nombre de soldats engagés en Ukraine. Fin 2023, le demi-million était déjà bien dépassé, selon Poutine. Et pour la troisième fois, il vient d’ordonner qu’on augmente les effectifs de son armée. Ces 180 000 hommes supplémentaires remplaceront ceux qui sont tués et blessés chaque jour sur le terrain, même si Moscou, tout comme Kiev, tient secrètes les données chiffrées de ce bain de sang.
De façon similaire, Poutine et Zelensky ne cessent de limoger des hauts-gradés et des dirigeants, dont ces dernières semaines leurs ministres de la Défense respectifs. C’est qu’il leur faut faire croire à leur population, sommée de fournir de la chair à canon, que le pouvoir reconnaît ses souffrances. Et il leur faut aussi paraître sanctionner ceux qu’ils désignent comme responsables des échecs militaires, de la boucherie permanente pour quelques kilomètres pris à l’ennemi, mais aussi des bombardements meurtriers d’immeubles d’habitation, d’écoles, de centres commerciaux de part et d’autre de la frontière.
Quand il déclare que, pour les mois qu’il lui reste à passer à la Maison- Blanche, il va aider au maximum l’Ukraine à résister militairement, Biden promet que l’hécatombe va continuer et s’accroître. Mais pratiquement le même jour, le chancelier allemand, Olaf Scholz, qui recevait le président ukrainien sur une base militaire américaine en Allemagne, a semblé prendre le contre-pied de Biden. Il a déclaré que son pays, premier contributeur européen d’aide militaire à l’Ukraine, réduirait sa part de moitié, et il a appelé Zelensky à engager au plus vite des négociations de paix avec Moscou. Mais il a aussi confirmé l’envoi à l’Ukraine de douze canons automoteurs PzH-2000.
Il est difficile de démêler dans les dires de Biden ou de Scholz ce qui relève de postures de politique intérieure, du bluff diplomatique, du soutien à leurs industriels de l’armement ou de la volonté de mettre un terme à un conflit qui a fortement affecté l’économie allemande. Mais le conflit peut aussi être vu par des cercles dirigeants américains comme les détournant trop de leur ennemi principal, la Chine.
En fait, et bien qu’ils ne l’évoquent guère officiellement, les États-Unis et leurs alliés n’excluent pas de négocier un arrêt au moins provisoire de cette guerre avec la Russie. Après la « conférence de paix » de juin en Suisse, en l’absence d’une délégation russe, les dirigeants américains et européens ont insisté pour que la Russie participe à la prochaine. Ainsi, à l’assemblée générale de l’ONU où la question de la guerre sera discutée, Zelensky sera présent, mais aussi le ministre des Affaires étrangères de Poutine.
Cela ne signifie pas que les combats vont cesser ni ralentir bientôt. Au contraire : chaque camp veut avancer ses pions, dans le Donbass ou autour de Koursk, pour améliorer le rapport de force dans la perspective de négociations à venir. Cela peut prendre du temps et signifier une masse de destructions, de morts et d’estropiés civils et militaires de plus. Car les dirigeants des grandes puissances ne peuvent conclure une paix que comme ils font la guerre : avec la peau des peuples.