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Ukraine : la guerre s’étend en Russie
Désormais, il n’y a pas que des drones ukrainiens à franchir la frontière pour attaquer des aérodromes, des raffineries, voire des villes de Russie. Depuis deux semaines, des troupes ukrainiennes ont pénétré dans la région de Koursk, s’y sont emparées de localités et ont fait sauter des objectifs stratégiques. Cela sans que le Kremlin ait pu les en empêcher ni les refouler.
Aux dires du président ukrainien Zelensky, son armée a atteint là ses objectifs. Il n’a pas précisé lesquels. Mais, après plus d’un an que les troupes de Poutine progressent en territoire ukrainien, l’offensive sur Koursk arrange bien les choses pour Kiev. Face à une opinion publique de plus en plus réservée, sinon hostile à une guerre dont elle ne voit pas la fin, et face à ses soutiens de l’OTAN qui voudraient que des négociations s’ouvrent avec Moscou, Zelensky affiche enfin un succès qui, espère-t-il, le place en meilleure position de ce double point de vue.
La prise de 1 500 kilomètres carrés de territoire russe a frappé les esprits. Car, aussi limitée soit-elle, elle a été vue, surtout en Russie, comme un échec du Kremlin.
Depuis le début de cette guerre, Poutine se targue d’assurer la sécurité des Russes, y compris hors des frontières. Or, là, il en a été incapable, en Russie même, et il lui a fallu évacuer des dizaines de milliers de civils. Lors d’un direct télévisé avec le gouverneur de la région envahie, censé montrer combien Poutine se préoccupait du sort de la population, il a eu beau couper la parole au gouverneur, tout le monde a entendu ce dernier décrire une avancée ukrainienne plus étendue que Moscou ne voulait l’avouer.
En outre, des familles, puis des médias ont fait état de la capture de conscrits russes à cette occasion. Au vu et au su de tous, cela dément donc Poutine qui, pour rassurer la population, répète qu’il refuse d’affecter des conscrits à son « opération spéciale » en Ukraine. Quant à l’incapacité de l’état-major russe à contre-attaquer, même en envoyant à Koursk des combattants prélevés sur des navires de guerre et des bases en Extrême-Orient, elle donne à penser que le Kremlin n’a pas de réserve pour tenir le front.
De là à en conclure qu’il pourrait procéder à une mobilisation à brève échéance, plus vaste que celle dite partielle de septembre 2022, il n’y a pas loin. Cela répondrait à des motifs stratégiques – garder l’avantage sur le terrain alors que Kiev et ses parrains de l’OTAN ont accepté le principe de négociations avec Moscou – mais aussi à des soucis de politique intérieure.
En effet, même dans des secteurs des classes populaires qui soutenaient Poutine, si l’affaire de Koursk pousse certains dans un sens chauvin et belliciste, d’autres se mettent à critiquer Poutine et les fruits pourris de sa politique. Cela se constate sur les réseaux sociaux, mais aussi sur les lieux de travail, y compris dans des usines liées à l’industrie d’armement qui, jusqu’alors, notamment parce que les salaires y sont plus élevés, se montraient moins critiques du régime et de son chef que les travailleurs de l’industrie dite civile.
Cela fait peut-être l’affaire de rivaux potentiels de Poutine dans les sommets de la bureaucratie. Mais cela pourrait aussi être un point d’appui pour des militants qui chercheraient à implanter dans la classe ouvrière des idées et une organisation communistes révolutionnaires et internationalistes.