Le rapport que vient de publier une femme médecin, Gamze Akkuᶊ Ilgezdi, également députée du parti social-démocrate CHP, comprend des données détaillées sur cette augmentation des accidents mortels du travail. Dans la période d’un peu plus de dix ans allant de 2013 à 2024, ce sont officiellement 21 281 travailleurs qui y ont laissé la vie. Après les 1 235 morts de 2013, on en a compté au moins 1 886 en 2014, année de la catastrophe minière de Soma qui à elle seule a fait plus de 300 morts.

Au cours des quatre dernières années, les chiffres n’ont guère diminué, avec au moins 2 170 victimes en 2021, 1 843 en 2022 et 1 932 en 2023. On compte déjà 425 morts au travail dans les trois premiers mois de 2024. « Il n’y a pas là de fatalité », constate le rapport qui accuse « l’ambition patronale pour le moindre profit, le manque de supervision de l’État et l’ignorance », notant aussi que l’âge des victimes d’accidents mortels du travail diminue, touchant jusqu’à des enfants.

Le tremblement de terre qui a frappé le sud-est du pays en 2023 a encore affecté cette situation. Lors de la démolition et de la reconstruction de bâtiments après le séisme, les règles en matière de santé et de sécurité au travail ont souvent été ignorées. La question de l’amiante revient à l’ordre du jour lors de l’enlèvement des débris et du stockage car ce matériau était utilisé dans les bâtiments publics et résidentiels construits avant 2000, date à laquelle il a été interdit. Mais il faut aussi noter que, à l’exception de l’année 2014 marquée par la tragédie de Soma, c’est la région d’Istanbul qui arrive en tête pour le nombre de morts au travail.

Selon les données d’Eurostat, l’institution statistique officielle de l’Union européenne, et de la sécurité sociale turque elle-même (SGK), la Turquie est ainsi le pays européen où l’on meurt le plus au travail. Cela est à mettre au bilan du gouvernement Erdogan et du patronat turc dont il est le grand défenseur.