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TGV Paris-Lyon : un drame révélateur
Le soir du 24 décembre, l’arrêt brutal du TGV Paris-Lyon-Saint-Étienne a bloqué l’axe sud-est. Les chaînes d’actualité se sont immédiatement jetées sur les voyageurs gênés par les retards de trains, tendant le micro à ceux qui accusaient les cheminots de gâcher le réveillon de Noël.
Le lendemain, Philippe Tabarot, tout nouveau ministre des Transports, annonçait, sans attendre les conclusions de l’enquête et sans un mot de compassion pour la famille et les proches, que le conducteur du TGV 6689 s’était suicidé en se jetant du train. Il s’en prenait au contraire au conducteur en osant prétendre : « Ça aurait pu être plus grave, s’il avait souhaité faire dérailler son train », alors qu’en l’absence de réaction du conducteur les trains s’arrêtent immédiatement, sans risque pour les passagers.
Bruno Rejony, le conducteur décédé, était un militant CGT de Saint-Étienne, adhérent au PCF, respecté pour son engagement et son humanité et qui participait activement aux luttes et aux réactions collectives des cheminots. Sa mort a bouleversé nombre d’entre eux dans la région et au-delà. En Bretagne, de nombreux cheminots se sont ainsi fabriqué un ruban noir qu’ils portent au travail, dans les gares et les trains. Beaucoup ont mis une photo ou un hommage sur le profil de leurs réseaux sociaux. En gare de Strasbourg, samedi 28 décembre, un texte d’hommage à Bruno a été lu à la sono générale et tous les trains ont sifflé à midi. À Saint-Brieuc, 30 cheminots se sont spontanément réunis. Un peu partout circulaient sur les réseaux sociaux des appels à se rassembler et les discussions fusaient.
Beaucoup ont été choqués par l’attitude du ministre et celle des grands médias, qui méprisent et salissent les travailleurs qui font tourner la société. Le soir même du 24 décembre, les cheminots de la gare de Lyon Part-Dieu sont par exemple restés en poste jusqu’à 5 h 30. Alors qu’ils devaient le quitter à minuit, ils ont assuré la prise en charge et la sécurité des voyageurs dont les trains étaient retardés, tout comme l’ont fait les contrôleurs et les ouvriers de l’entreprise de nettoyage ONET qui intervenaient sur le train.
Si les réactions des cheminots sont aussi nombreuses à ce décès, c’est que le mal-être et les difficultés s’accumulent dans leur quotidien, avec l’individualisation des tâches. La fragmentation de l’entreprise consécutive aux filialisations successives accentue les coupures et le sentiment d’isolement. Ainsi les conducteurs se retrouvent de plus en plus seuls à bord des trains et passent parfois plusieurs jours sans voir leur famille. Dans les gares, les cheminots des TER, des Ouigo ou des TGV Inouï peuvent ne plus se rencontrer, ne plus avoir accès aux mêmes salles de coupure.
Le nouveau ministre ne fait pas qu’afficher son mépris de classe des travailleurs du rail : au travers des mandats et sinécures qu’il cumule, il tente de démolir leurs droits. En tant que vice-président LR du Conseil régional, Tabarot a mis en place la privatisation des TER en région PACA avant de proposer une loi, cette fois en tant que sénateur LR des Alpes-Maritimes, pour limiter le droit de grève dans les transports.
Ses déclarations sont donc cohérentes avec le personnage. Les hommages sincères au décès d’un des leurs sont venus du camp des travailleurs, et certes pas de celui de ses adversaires, qu’ils soient à la tête de la SNCF ou au gouvernement.