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Tchad : misère et dictature
Lundi 6 mai a eu lieu le premier tour de l’élection présidentielle au Tchad. Elle permettra sans doute à Macron de faire figurer ce pays au nombre des démocraties, puisque vote il y a eu, mais elle ne changera rien à la situation de la population. Une sanglante dictature continuera à régner sur l’un des pays les plus pauvres du monde.
L’actuel président, Mahamat Idriss Déby, flanqué d’une junte militaire, s’est imposé au pouvoir à la mort de son père, tué lors d’un combat avec des rebelles en avril 2021. Emmanuel Macron s’était alors précipité à N’Djamena, la capitale, pour l’assurer de son soutien sans faille. Les gouvernements français appuient les dictateurs tchadiens depuis l’indépendance, en 1960, et leur armée est intervenue à maintes reprises pour empêcher des groupes armés venus de Libye ou du Soudan de s’emparer du pouvoir. En contrepartie, l’armée tchadienne a été le bras armé de la politique française dans la région, au Mali comme en Centrafrique où sa violence l’a fait haïr de la population. Aujourd’hui, le Tchad est l’une des dernières emprises de l’armée française en Afrique, et les dirigeants français y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.
Cette élection met aux prises dix candidats, mais se résume en fait à un duel entre Mahamat Idriss Déby et son ancien premier ministre, Succès Masra. En mars dernier, Idriss Déby avait déblayé le chemin en faisant assassiner son principal adversaire, Yaya Dillo, lors d’un assaut mené par l’armée contre le siège de son parti. Ce sont les mœurs habituelles du pouvoir tchadien, qui en 2022 avait réprimé des manifestions en faisant 50 morts et 200 blessés. Succès Masra est pour sa part accusé par l’opposition et les syndicats, qui appellent à boycotter le scrutin, d’être un opposant fantoche, de mèche avec son adversaire. Il a fermé les yeux sur l’assassinat de Yaya Dillo et appelé ses partisans à oublier le massacre de 2022, au nom de la « nécessaire réconciliation ». En tant que Premier ministre, il a augmenté en février dernier le prix de l’essence de 40 % et celui du gazole de 18 %. Il n’y a donc rien à attendre de son côté, même au cas peu probable où la dynastie Déby ne sortirait pas victorieuse du scrutin.
Au Tchad, la moitié de la population doit survivre avec à peine un euro par jour. La mortalité infantile y est l’une des plus fortes du monde. Un enfant sur cinq meurt avant d’atteindre cinq ans. Cette hécatombe est due à l’absence quasi totale de système de santé et à la pollution de l’eau. Dans les villages, les femmes doivent faire de longs trajets pour puiser l’eau dans des mares ou des puits à ciel ouvert, qui ne sont jamais soumis à un contrôle sanitaire. Dans les villes, la population doit avoir recours à des forages individuels tout aussi dangereux. L’accès à l’électricité est inexistant, ce qui fait dire à Succès Masra que, depuis l’indépendance, 90 % de la population n’y a jamais eu accès. Seuls quelques générateurs, la plupart du temps à l’arrêt, fournissent un peu de courant, du moins dans les villes. L’enseignement est à l’avenant. D’après l’Unicef, sept élèves doivent se partager une seule place dans les écoles. 25 % des enfants sont scolarisés dans des classes d’au moins 103 élèves. Encore s’agit-il de ceux qui vont réellement à l’école.
Le Tchad ne manque pourtant pas de ressources. Depuis 2003, du pétrole y est exploité et exporté par pipe-line vers le Cameroun. À l’époque, le président déclarait, appuyé par la Banque mondiale, que cette découverte allait « sortir le peuple tchadien de la pauvreté à travers une gestion judicieuse des ressources pétrolières ». Il n’en a rien été et seul le clan Déby et les compagnies pétrolières comme Exxon Mobil ont profité de cette gestion, ainsi que l’armée, enfant chérie du régime. Celle-ci absorbe officiellement 8 % du PIB, mais en fait bien plus. Ses chefs ont édifié des fortunes et les hommes de troupe ont tous les droits, y compris celui de violer les femmes.
C’est ce régime pourri qui est le dernier appui de l’impérialisme français au Sahel, après que l’armée française a dû plier bagage au Mali, au Burkina et au Niger.