Syrie–États-Unis : “normalisation” à la sauce impérialiste12/11/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/11/une_2989-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Syrie–États-Unis : “normalisation” à la sauce impérialiste

Entré par la porte latérale, sans convocation des journalistes, Ahmed al-Charaa, président de la République arabe syrienne, a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par Donald Trump en personne.

Il y a encore un an une récompense de dix millions de dollars était offerte par Washington pour tout renseignement conduisant à l’arrestation de l’ancien dirigeant djihadiste al-Joulani, son nom de guerre. Aujourd’hui, al-Charaa fait figure d’interlocuteur valable aux yeux des dirigeants de la première puissance impérialiste, qui décrétent qui est « terroriste » et qui ne l’est plus. Il s’agit d’une nouvelle étape après la première rencontre, il y a six mois, entre Trump et al-Charaa à Riyad, en compagnie du prince Ben Salman, un des partenaires de la diplomatie américaine dans la région, et pourvoyeur potentiel des milliards de dollars – entre 150 et 190, selon la Banque mondiale – qui seront nécessaires à la reconstruction de la Syrie dévastée par près de quinze ans de guerre civile. Cette fois, Trump a confirmé qu’il prolongeait de six mois la suspension des sanctions qui visaient les pays en affaires avec la Syrie, avant que le Congrès américain vote leur suppression. Ainsi des investissements occidentaux dans le pays deviendraient donc possibles, et il y a matière à grosses affaires.

Dans un pays ruiné, dont l’activité économique a reculé de 84 % entre 2010 et 2023, l’inflation a grimpé cette dernière année à 115 %. Les deux piliers de l’économie, la production pétrolière et l’agriculture, se sont effondrés et la pauvreté a atteint, en 2022, 65 % de la population. La fragmentation du territoire en groupes ethniques ou confessionnels, le poids encore bien réel de groupes armés concurrents et de chefs de guerre affectent les habitants qui, il y a peu, ont subi de véritables massacres. En mars, dans la région alaouite, 1 700 habitants ont été tués et, en juillet, plus de deux mille dans la zone druze. Avec la persistance de groupes affiliés à l’État islamique et les bombardements de l’armée israélienne, qui considère la Syrie comme un de ses terrains de jeu, l’état de guerre fait encore partie du quotidien de la population. Le gouvernement israélien a profité de la situation pour établir des bases militaires dans la région de Kuneitra, dans la zone dite démilitarisée du Golan, et les soldats israéliens y privent les villageois d’accès à leurs cultures ou à leurs pâtures.

Quelques jours avant sa réception à la Maison Blanche, al-Charaa avait tenté de se concilier la neutralité de la Russie, en se rendant à Moscou pour négocier le maintien des deux bases militaires russes de Tartous et Hmeimim. Il a maintenant fait allégeance à Trump, seul dirigeant susceptible d’obtenir que Netanyahou cesse d’envoyer ses bombes ou ses hommes contre la population syrienne. La « normalisation » du Moyen-Orient souhaitée par Trump est ainsi en marche, sur la base d’un rapport de force imposé par les bombardements israéliens. Elle ne promet rien d’autre, à des populations épuisées, que la continuation de la domination impérialiste et de la misère.

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