Russie : le coût de la guerre15/05/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/05/une_2911-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : le coût de la guerre

À peine intronisé président de la Fédération de Russie pour la cinquième fois, Poutine vient de se livrer à un jeu de chaises musicales au Kremlin. Bien malin qui peut dire si Choïgou, ministre de la Défense durant vingt ans, a été limogé ou promu en prenant la tête du Conseil de sécurité… Mais une chose est sûre : toute la politique de l’État russe reste placée sous le signe de la guerre.

Alors qu’un un tiers du budget de la Russie va déjà à l’effort de guerre, Poutine vient d’annoncer une réforme fiscale. Certes, il n’en a pas précisé les modalités, mais il n’en a pas caché le but : fournir de nouvelles ressources à la défense dans toute une série de domaines.

Il y a d’abord celui des dotations et des commandes au complexe militaro-industriel. Il concerne aussi l’achat d’armements à l’étranger ainsi que de composants indispensables à la fabrication d’armes sophistiquées, des pièces dont les coûts se sont envolés car il faut contourner les embargos occidentaux pour se les procurer.

La priorité accordée à la production militaire, pour faire face aux livraisons d’armes de l’OTAN à l’Ukraine, a aussi un coût indirect : elle prive de ressources et de bras les autres secteurs économiques et les désorganise.

Depuis des mois, des responsables économiques en font état, en se plaignant surtout de manquer de main-d’œuvre. En effet, des centaines de milliers d’hommes ont été soustraits à la production pour aller au front. En outre, les usines d’armement, gavées de commandes, ont pu presque tripler leurs salaires depuis le début de la guerre pour y faire face. Dans les centres industriels, cela a eu pour effet d’attirer de nombreux ouvriers, d’autant plus que travailler pour la défense protège contre le risque d’être mobilisé. Ailleurs, la politique de l’État en matière de recrutement militaire a contribué à dépeupler les entreprises.

En effet, la mobilisation de 400 000 hommes à l’automne 2022 avait provoqué un fort mécontentement, et parfois des réactions violentes contre les autorités locales. Depuis, le pouvoir central a évité de prendre un tel risque. Il dit refuser de mobiliser au-delà des seuls conscrits. En même temps, il a fortement augmenté ce qu’il faut appeler le « salaire de la peur et de la mort ». Ainsi, les sommes accordées aux engagés atteignent l’équivalent de plusieurs milliers d’euros. À cela s’ajoutent les primes versées par les régions, dont les chefs veulent présenter au Kremlin des recrutements record. Et, dans les régions les plus déshéritées, il y a ce que le pouvoir central fait miroiter aux familles des soldats : une indemnisation en cas de décès qui peut atteindre 120 000 euros (30 000 en cas d’invalidité), une pension de veuvage, des études gratuites pour les enfants…

En présentant aux plus pauvres comme une aubaine le fait de combattre et mourir « pour la patrie », le Kremlin se targue d’avoir recruté 400 000 combattants sous contrat, sans remous notables. Mais comme ces « avantages » pèsent sur le budget, et d’autant plus que le nombre des tués et des mutilés s’envole, la population va devoir les payer au prix fort.

Déjà, pour faire face au manque de main-d’œuvre, l’Union des industriels et entrepreneurs de Russie réclame une loi l’autorisant à faire faire plus de quatre heures supplémentaires sur deux jours. Or dans certains secteurs, des horaires de 12 heures par jour sont déjà fréquents. Et cela provoque d’ailleurs des grèves pour les salaires comme cela a été le cas dans les transports de Vladivostok, la capitale de l’Extrême-Orient russe.

Les hausses d’impôts que Poutine annonce sont une autre façon de présenter l’addition de la guerre à la population. Plus discrètement, des médias signalent que, près de Moscou, le Panthéon des défenseurs de la patrie, principal cimetière militaire du pays, affiche complet : le pouvoir va faire déboiser une forêt voisine pour accueillir plus de tombes…

Partager