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République démocratique du Congo : foire d’empoigne autour du président
Cinq mois après l’élection présidentielle en République démocratique du Congo, de longues tractations et une piteuse tentative de coup d’État le 19 mai, le président Félix Tshisekedi, réélu en décembre, a réussi le 29 mai à mettre en place un gouvernement.
Tshisekedi avait obtenu 73 % des voix, mais la participation n’avait été que de 43 % et les fraudes avaient été massives, 27 % des bureaux de vote n’ayant pas ouvert, notamment à l’est où sévit la guerre. Au Congo, comme dans tant de pays, les élections servent surtout à redistribuer les rentes politiques qui donnent accès à des marchés lucratifs et des permis pour exploiter les minerais. Les scandales de corruption sont légion. En avril, le parti de Tshisekedi a été impliqué dans une affaire de jeeps offertes à ses députés. Le budget du Parlement congolais est de 1,1 milliard de dollars : distribuée sans contrôle, cette manne permet à un député de devenir millionnaire en deux mandats.
Les politiciens jouent leur carte personnelle, comme Moïse Katumbi au Katanga, un affairiste enrichi dans l’extraction minière et propriétaire du Tout Puissant Mazembe, célèbre club de football en RDC. Tshisekedi favorise les notables de sa région natale, le Kasaï. Les rivalités alimentent la coupure entre l’est et l’ouest du pays. À l’est, une guerre sans fin est entretenue par près de 200 bandes armées : le M23, soutenu par le Rwanda de Paul Kagamé ; les milices progouvernementales Wazalendo ; les Allied Democratic Forces, affiliées à Daesh… Les Forces armées de RDC sont totalement dépassées et leurs hommes se comportent souvent comme les autres milices, qui rançonnent, volent les récoltes de cacao ou rackettent les creuseurs des sites miniers. Au total, sept millions de personnes sont déplacées dans le pays.
Parler de la corruption comme d’un « mal congolais », comme font bien des journalistes, masque les vrais responsables. Les politiciens congolais ne font que ramasser les miettes laissées par les capitalistes occidentaux, le suisse Glencore, premier extracteur de cuivre, ou le canadien BarrickGold qui, avec une filiale de Bouygues, exploite une immense mine d’or. Si Kagamé peut envoyer ses soldats dans l’est de la RDC, c’est avec l’aval des grandes puissances qui profitent de cette plaque tournante des minerais qu’est le Rwanda de même que l’Ouganda. Les civils, mais aussi les enfants-soldats et les jeunes enrôlés comme miliciens meurent ainsi pour que les affairistes rwandais, ougandais et occidentaux puissent faire le trafic des minerais. Au passage, des officiers et des négociants congolais en tirent de bons pécules. Le coltan, l’étain et le tungstène sont ensuite raffinés en Asie du Sud-Est pour alimenter les chaînes d’approvisionnement d’Apple, Samsung, Intel, Motorola ou Thales. Au final, ce sont ces trusts qui sucent le sang des creuseurs de RDC.
À Kinshasa, la capitale, des millions de personnes vivent dans des bidonvilles, sans eau ni électricité. L’inflation galopante ronge les salaires payés en francs congolais, alors que les propriétaires de logement exigent des dollars. Tshisekedi a mené campagne avec le slogan « le peuple d’abord », vantant la gratuité de l’enseignement primaire et des soins de maternité qu’il a mis en place. Mais, sans moyens alloués par l’État central, dont le budget est de seulement 16 milliards de dollars pour 105 millions d’habitants, les maternités sont en faillite ; les écoles n’ont ni enseignants ni locaux suffisants ; les fonctionnaires doivent se mettre en grève pour être simplement payés.
Le pouvoir de Tshisekedi est ainsi un château de cartes qui ne tient que par la grâce des grandes puissances. Il a été reçu à Paris en avril par Macron, et Joe Biden a envoyé un représentant spécial à son investiture à Kinshasa.
Qu’importe la situation de la population, la principale préoccupation des dirigeants impérialistes est d’assurer une apparence de gouvernement de stabilité pendant que leurs capitalistes pillent les richesses du pays.