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Leur société
Procès de la rue d’Aubagne : tous les responsables ne sont pas là
Le 7 novembre, après six ans d’attente, s’est ouvert le procès de l’effondrement de deux immeubles du quartier populaire marseillais de Noailles, qui avait fait huit morts le 5 novembre 2 018.
Devant une salle comble et chargée d’émotion, étaient appelés seize prévenus et quatre-vingt sept parties civiles, constituées par les familles des victimes, mais aussi par des riverains, évacués après le drame, ainsi que des représentants d’associations militant contre le mal-logement et de collectifs mobilisés pour les droits des personnes délogées. Car depuis lors, plus de 1 300 immeubles ont été évacués pour mise en péril, faisant 8 000 délogés et autant de traumatismes. Aujourd’hui, 1 200 d’entre eux habitent toujours dans du provisoire. Les familles endeuillées, comme les associations qui les soutiennent, veulent que le procès permette de dénoncer le mal-logement et ceux qui en tirent profit.
Plusieurs prévenus sont accusés d’homicides et blessures involontaires, comme cet ancien adjoint au maire Gaudin, délégué à la prévention des risques urbains, qui avait été alerté deux fois, en 2014 et 2017, sur l’état de ces immeubles. Ou encore l’architecte-expert qui a autorisé le retour des habitants dans l’un des immeubles, alors qu’il venait d’être évacué pour péril, quelques semaines avant de s’écrouler. Le syndic de la copropriété l’est également, pour n’avoir rien fait, bien que connaissant de longue date son piètre état, de même que le bailleur social Marseille Habitat, qui a laissé pourrir l’immeuble voisin inoccupé, alors qu’il l’avait acquis pour le réhabiliter en 2017.
Les propriétaires des appartements insalubres, eux, sont accusés d’avoir « soumis leurs locataires à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ». Parmi eux, un élu du conseil régional était à la fois copropriétaire et avocat du syndic de la copropriété, pour veiller au grain. Sans honte il a déclaré ne plus pouvoir dormir depuis que son nom a été repris par la presse. Louant à des travailleurs précaires, des sans-emploi ou des étudiants peu fortunés, ces marchands de sommeil sont restés sourds aux inquiétudes de leurs locataires, qui dénonçaient les fissures de plus en plus grandes ou les portes qui ne fermaient plus.
Avec la crise du logement, nombre de propriétaires, petits et grands, profitent de la misère des classes populaires, tandis que les pouvoirs publics laissent faire. Un rapport datant de 2015 établissait déjà que 100 000 Marseillais vivaient dans des logements indignes, surtout dans le centre-ville dégradé et les copropriétés pauvres des quartiers Nord, soit 13 % de la population et jusqu’à 35 % dans des quartiers comme Noailles.
Depuis, rien ou presque n’a changé. Les quelques rénovations n’ont été qu’une goutte d’eau, car dans le même temps, bien d’autres immeubles sont devenus à leur tour insalubres. Alors que le bâti privé se dégrade toujours plus, 42 000 demandes de logement social seraient en attente. Un responsable de l’association Un centre-ville pour tous, qui lutte contre l’habitat indigne depuis les années 2000, dénonce la spirale infernale de la hausse des prix de l’immobilier et de l’effondrement de la construction de logements sociaux. Pire, 4 500 logements sociaux existants devraient être démolis.
Bien d’autres responsables de ce drame du mal-logement ne seront pas jugés dans ce procès. Les marchands de sommeil et les spéculateurs prospèrent sur la crise du logement, les financiers et les rois du béton préfèrent investir dans le logement résidentiel haut-de-gamme ou les opérations prestigieuses. L’’incurie de l’État s’y ajoute, qui ne veut pas imposer la construction massive de logements, alors qu’on compte des millions de mal-logés dans tout le pays.