Nouvelle-Calédonie : mépris colonial17/04/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/04/une_2907-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Nouvelle-Calédonie : mépris colonial

Samedi 13 avril, des dizaines de milliers de manifestants, entre un quart et un tiers de l’ensemble de la population calédonienne selon les décomptes, ont défilé à Nouméa, les uns derrière les opposants à l’indépendance, les autres avec les partis kanaks et océaniens.

Les manifestants s’opposaient sur la réforme du corps électoral calédonien prévue par le gouvernement Macron.

En effet, le 2 avril, le Sénat a adopté le projet de loi constitutionnelle défendu par Macron et Darmanin visant à dégeler le corps électoral calédonien. Les accords signés en 1998 avaient permis à l’impérialisme français d’associer la petite bourgeoisie et les courants nationalistes kanaks à la gestion de l’archipel, en leur réservant des places dans les institutions et en leur octroyant une certaine autonomie. Le droit de vote avait alors été restreint aux « citoyens néocalédoniens », ceux résidant sur l’archipel avant 1998 et leurs descendants, un calcul qui favorisait un peu les Kanaks, tout en les laissant minoritaires face aux Caldoches, les descendants des colons, et à leurs partis anti-indépendantistes.

Ces dernières années, les partis indépendantistes ont gagné de l’influence sur le terrain électoral, notamment dans la communauté océanienne originaire des îles voisines du Pacifique. L’écart entre le non et le oui lors des derniers référendums sur l’indépendance s’est réduit de 18 000 en 2018 à moins de 10 000 voix en 2020. Les partis nationalistes kanaks, qui dirigent deux des trois provinces de l’archipel, les plus pauvres, ont depuis 2021 la majorité au gouvernement et au Congrès de Nouvelle-Calédonie. À l’approche des élections locales qui devraient être convoquées avant la fin de l’année, la droite anti-indépendantiste compte sur les 25 000 électeurs que lui amènerait la réforme constitutionnelle pour faire basculer dans son sens les institutions calédoniennes.

La crise politique ouverte par la réforme constitutionnelle s’ajoute dorénavant à la crise économique liée à l’effondrement des cours mondiaux du nickel. Le richissime trust suisse Glencore, qui gère l’une des trois usines de l’archipel, vient d’annoncer la mise en sommeil de l’usine qu’il y gère en association avec la province du Nord et les partis nationalistes kanaks, le temps que les cours remontent. Cela représente une menace de plus sur ce secteur qui représente un cinquième de l’économie locale, plus de 10 000 emplois, et met en difficulté les finances locales.

Depuis la colonisation de la Nouvelle-Calédonie il y a 170 ans, l’État français, en s’appuyant sur les Caldoches et la bourgeoisie locale, joue sur la division entre communautés pour maintenir son emprise. Même si, dans le passé proche, il a pris soin d’intégrer la petite bourgeoisie kanake au jeu institutionnel, les Kanaks restent toujours globalement méprisés, plus pauvres, plus au chômage, moins bien logés, moins bien payés. La réforme constitutionnelle concoctée à Paris, à 17 000 km de l’archipel, est une manœuvre dans le plus bel esprit colonial, visant à garder le contrôle d’un territoire que l’impérialisme français considère comme une base avancée dans le Pacifique pour y jouer dans la cour des grands, face à la Chine et derrière les États-Unis.

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