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- Lutte ouvrière n°2919
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Leur société
Nouveau Front populaire : quelle victoire ?
Au soir du deuxième tour, Mélenchon, chef de file de La France insoumise, a proclamé la victoire de la gauche, affirmant qu’elle était disponible pour gouverner. Et cela, « en appliquant tout le programme et rien que le programme du Nouveau Front Populaire », et en refusant toute combinaison avec le camp Macron.
Il voulait ainsi rappeler à ses alliés qu’ils ne pourraient pas se débarrasser de lui et qu’il restait incontournable dans cette nouvelle alliance peut-être en passe de s’approcher du pouvoir. Et il voulait affirmer se tenir sur le programme promu lors de la campagne des législatives, l’abrogation de la loi sur les retraites et de celle sur l’immigration, le passage du smic à 1 600 euros, au premier chef.
Mais Mélenchon sait bien que la gauche n’a pas la majorité à l’assemblée et qu’elle ne pourra pas composer un gouvernement majoritaire capable d’appliquer son programme… si tant est qu’elle le souhaite. Un gouvernement purement NFP et faisant simplement mine d’appliquer une mesure réellement favorable aux travailleurs tomberait à la première motion de censure. Les votes conjugués de la droite, du RN et des macronistes, le prétexte de la ruine économique et de la crise financière joueraient à plein. Les dirigeants du NFP n’auraient plus qu’à raconter aux historiens et aux petits enfants que, une fois de plus, ils se sont heurtés au « mur de l’argent ». C’est pourquoi les discussions entre partis de gauche pour trouver un Premier ministre en cachent certainement d’autres.
Le PS, le PCF, les écologistes et quelques autres semblent tentés par une alliance avec les macronistes, à condition d’hériter de Matignon et de suffisamment de postes. Une fraction des macronistes n’y seraient pas opposés. Un arrangement aussi grossier révolterait tous les électeurs populaires qui vomissent Macron et les siens mais assurerait une certaine continuité politique rassurante pour les possédants. De plus, Mélenchon et LFI, dans la posture d’opposants de gauche intraitables, pourraient conserver une part de leur crédit électoral. C’est probablement cette perspective que préparait aussi Mélenchon en parlant de victoire au soir du résultat.
Mercredi 10 juillet, une autre option se faisait jour : un gouvernement dirigé par un homme de droite consensuel, c’est-à-dire prêt à étrangler les travailleurs sans s’allier immédiatement avec le RN, appuyé sur les restes des macronistes, la droite et des députés arrachés à la gauche. Le Front républicain et la prétendue victoire de la gauche pourraient donc conduire à un gouvernement de droite !
Dans tous les cas de figure, la situation économique sera invoquée pour poursuivre une politique anti-ouvrière, telle qu’elle est définie par le Medef et exigée par le grand patronat.
En tout cas, Macron finira par appeler un Premier ministre. Même après avoir semé le désordre parmi les gestionnaires de l’ordre bourgeois, il reste, de par sa fonction, une garantie de continuité de cet ordre. Il devra s’entendre avec les chefs de partis et une équipe émergera. Mais aucune question ne sera réglée. Non seulement les travailleurs ne verront aucune de leurs revendications vitales satisfaites mais, plus ou moins rapidement, de nouvelles attaques interviendront.
Alors, quelle que soit l’issue de la crise politique en cours, les travailleurs ne pourront compter que sur leur propre mobilisation pour faire valoir leurs intérêts.