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Dans le monde
Mozambique : révolte contre la corruption
Au Mozambique, fin décembre, plus de cent trente personnes ont été tuées par les forces de répression. Les manifestants ont été des milliers à contester, à Maputo et dans plusieurs villes, le résultat des élections présidentielles.
Le 23 décembre, la Cour suprême avait validé l’élection de Daniel Chapo, le candidat du Frelimo, le parti au pouvoir depuis cinquante ans. Les jeunes manifestants dénoncent la corruption qui règne au sommet de l’État et accusent le Frelimo d’avoir truqué les élections. Avant de régner sur le Mozambique devenu indépendant en 1975, ce mouvement qui avait dirigé la lutte victorieuse contre le colonisateur portugais se déclarait communiste et était aidé par l’URSS. Mais une fois à la tête du nouvel État indépendant, il abandonna ses références marxistes qui n’étaient qu’une phraséologie et devint le défenseur d’un capitalisme pur et dur. Cela signifiait dans un pays pauvre comme le Mozambique la permission donnée à l’impérialisme de piller les maigres ressources du territoire en échange de quelques miettes.
Comme dans tous les pays africains, ces richesses sont surtout minières, et les trusts se sont jetés dessus en arrosant au passage les sommets de l’État et donc les dirigeants du Frelimo, car pour qu’il y ait corruption encore faut-il qu’il y ait des corrupteurs. Le pays possède ainsi l’un des plus grands gisements mondiaux de rubis, sur lequel la société britannique Gemfields a mis la main. Du côté des hydrocarbures c’est aussi l’euphorie. Dans la province de Capo Delgado, Total a pris en main le développement de ce qui devrait être le plus important gisement gazier d’Afrique. L’armée mozambiquaine tente d’en protéger les installations contre des djihadistes d’Al- Shabab qui veulent leur part du gâteau, mais elle n’est capable que de terroriser la population locale. Le trafic de bois précieux, en particulier vers la Chine, est lui aussi florissant.
À côté de cela, le Mozambique est l’un des pays les plus pauvres du monde. Dans les zones urbaines, le chômage atteint officiellement 36 % des habitants, et en réalité bien plus. Dans les campagnes, où vit misérablement une majorité de petits cultivateurs, les cyclones tropicaux frappent régulièrement. En mars 2023, une épidémie de choléra s’était déclarée après le passage de l’un d’entre eux. L’État est totalement défaillant, les fonctionnaires et même l’armée ne sont plus payés depuis le mois d’août. Cela n’empêche pas, parallèlement, les hommes au pouvoir de rouler carrosse en siphonnant les fonds publics.
C’est ce spectacle odieux qui a jeté la jeunesse dans la rue, parfois aux cris de « le pouvoir au peuple », une colère dont les partis d’opposition et en particulier le candidat Venancio Mondlane, arrivé en seconde position à l’élection présidentielle, entendent bien profiter. Mais son profil suffit à montrer qu’il n’est en rien différent des actuels dirigeants dont il veut prendre la place. Il fut longtemps l’un des leaders du principal parti d’opposition, le Renamo, et ne le quitta en juin dernier pour tenter sa chance de son côté que parce qu’il ne l’avait pas désigné comme candidat. Le Renamo est issu d’une ancienne guérilla opposée au Frelimo et soutenue au temps de l’apartheid par l’Afrique du Sud et par la Rhodésie. Les diatribes de Mondlane contre la corruption, semblables à celles de bien des dirigeants africains voulant prendre une place à la tête de l’État, ne doivent pas faire illusion. Si les travailleurs du Mozambique veulent « le pouvoir au peuple », il leur faudra combattre sous leur propre drapeau et non sous celui de cet arriviste.