- Accueil
- Lutte ouvrière n°2944
- Morts au travail : une hécatombe qui continue
Leur société
Morts au travail : une hécatombe qui continue
Les statistiques officielles sur les accidents de travail ont été publiées le 13 décembre. En 2023, on relevait 1 287 décès, soit 60 de plus qu’en 2022. Sept cent cinquante-neuf travailleurs étaient décédés dans l’entreprise, 21 de plus qu’en 2022, 332 sur le trajet et 196 suite à une maladie professionnelle.
Aussi révoltants que soient ces chiffres, ils sont pourtant en dessous de la réalité. D’abord ils ne concernent que les salariés relevant du régime général de la Sécurité sociale. Cela écarte dix millions de travailleurs dont ceux de la fonction publique (où la fréquence des accidents de travail augmente régulièrement), les travailleurs de l’agriculture (151 morts en 2022), les marins-pêcheurs (25 morts ou disparus en 2023), entre autres. Cela écarte aussi évidemment les autoentrepreneurs qui peuvent bien mourir sur un chantier ou sur un vélo sans que jamais leur donneur d’ordre ne soit inquiété. Entre le capitaliste et l’autoentrepreneur, il n’y a pas au regard de la loi une relation de travail, mais bien une relation commerciale qui n’intéresse ni l’État, ni la Sécurité sociale, ni les services statistiques.
Le chiffre de 196 décès suite à des maladies professionnelles est également volontairement sous-estimé. Les cancers dus à l’amiante, qui ne s’attrapent pas en faisant du surf ou en rédigeant des projets de loi, tuent à eux seuls 1 600 personnes par an, et ce ne sont pas les seules maladies qui détruisent lentement les prolétaires. Non seulement la course au profit fait que des millions de travailleurs sont contraints de prendre des risques chaque jour, mais elle commande aussi au patronat de ne pas reconnaître les maladies professionnelles afin de minimiser ses cotisations sociales.
L’État aide la classe dirigeante dans cette dissimulation et ne prend aucune mesure contraignante sérieuse. Pire encore, l’administration détruit consciencieusement ce que les luttes des travailleurs avaient arraché en la matière, depuis le droit de regard des délégués du personnel sur les conditions de travail jusqu’aux quelques pouvoirs et crédits de l’inspection du travail.
Ainsi, si le nombre d’accidents de travail en 2023 est en baisse, il ne mesure en fait qu’une baisse du nombre de déclarations. Les accidents, en fait toujours plus nombreux, sont déclarés en maladie voire pas déclarés du tout, sous la pression directe de l’employeur ou la pression indirecte de la peur du chômage.
L’exploitation du travail est une guerre quotidienne, elle a ses morts et ses blessés, ses orphelins et ses gueules cassées. Mais elle est menée plus systématiquement du côté des exploiteurs et de leur État que de celui des travailleurs.