Mort de 27 migrants : les entraves à l’enquête viennent d’en haut12/06/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/06/une_2915-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Mort de 27 migrants : les entraves à l’enquête viennent d’en haut

En novembre 2021, le naufrage d’un bateau de migrants qui traversait la Manche avait fait au moins 27 morts.

Les trois juges d’instruction chargés de l’enquête sur les circonstances de ce naufrage dénoncent les pressions exercées sur les gendarmes enquêteurs par la hiérarchie militaire.

Sept militaires du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) au cap Gris-Nez, dans le Pas-de-Calais, et du Flamant, un patrouilleur de la marine nationale, ont été mis en examen en 2023 pour non-assistance à personne en danger. L’enquête a en effet révélé que, pendant des heures, les migrants avaient passé des appels à l’aide aux militaires du Cross, qui n’avaient pas envoyé de secours. Le Flamant, qui était en mer cette nuit-là, ne surveillait pas la fréquence internationale de détresse sur laquelle les Britanniques ont émis quatre messages d’alerte.

Selon une écoute téléphonique, cette enquête aurait rendu « fou furieux » le chef d’état-major de la marine, Pierre Vandier, aujourd’hui numéro deux de l’armée, qui « veut la peau » des gendarmes de la section de recherches chargés de l’enquête. Les effectifs de cette section ont d’ailleurs diminué de 40 % depuis.

S’appuyant sur un avis du ministère des Armées, les avocats des militaires mis en cause demandent l’annulation de la procédure, au motif que seules des juridictions spécialisées en matière militaire seraient aptes à enquêter sur des membres de l’armée.

L’État a du sang sur les mains, et il voudrait le cacher. Ceux qui tentent chaque année de traverser la Manche sont de plus en plus nombreux : alors que seulement 8 466 migrants y étaient parvenus en 2020, ils auraient été 45 774 en 2022, et 29 437 en 2023. Les autorités françaises et britanniques ont tout fait pour empêcher ces traversées. Des drones, des jumelles à vision nocturne et des caméras de surveillance sont utilisés pour repérer les embarcations. Les bateaux des migrants arrêtés sur les plages sont systématiquement crevés. Les moyens de sauvetage, en revanche, n’ont évidemment pas été augmentés en proportion du nombre croissant de personnes à secourir. Douze migrants sont morts dans la Manche en 2023, et quatre sont portés disparus. Au moins quinze sont déjà morts en 2024. C’est bien la politique décidée au sommet de l’État qui est responsable et coupable.

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