Mexique : la nouvelle présidente face aux aspirations populaires05/06/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/06/une_2914-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mexique : la nouvelle présidente face aux aspirations populaires

Claudia Sheinbaum, appartenant au Mouvement pour la rénovation nationale (Morena), le même parti de centre gauche que son prédécesseur Andrés Manuel López Obrador, a été largement élue présidente du Mexique dimanche 2 juin, avec 58 à 60 % des voix.

L’adversaire de droite, Xóchitl Gálvez, était à la tête d’une coalition des partis qui se sont discrédités au pouvoir de 1929 à 2018 (PRI, PAN, PRD) – une alliance-repoussoir – ce qui explique qu’elle n’a obtenu que 26 à 28 % des votes. Un troisième candidat de centre droit approche les 10 %.

C’est la première fois qu’une femme prend la tête du Mexique, un pays où le machisme est ancré et les féminicides nombreux, avec près de 10 femmes tuées chaque jour. Si la candidate de droite est une cheffe d’entreprise jouant de ses origines indiennes, Claudia Sheinbaum est une scientifique qui a appartenu au Giec, devenue ensuite maire pendant cinq ans de la capitale Mexico.

La nouvelle présidente a bénéficié de la popularité de son prédécesseur, dont le bilan social n’est pas négligeable. La mise en place de programmes sociaux pour les plus démunis des 129 millions d’habitants du pays a sorti, selon les sources, 5 à 9 millions de personnes de la grande pauvreté. Le système politique mexicain ne permettant au président élu qu’un seul mandat de six ans, sa popularité s’est donc reportée sur Claudia Sheinbaum qui, avec son slogan « Pour le bien de tous, les pauvres d’abord », a promis d’augmenter à nouveau le salaire minimum et les aides sociales. Elle dit aussi vouloir relever un système de santé défaillant et ajouter à sa présidence une dimension féministe et écologique.

Claudia Sheinbaum a pu mettre en avant son propre bilan de maire de Mexico, une ville qui reconnaît un certain nombre de droits sociaux, et notamment le droit à l’avortement. Elle a contribué à mettre en place un système d’accueil pour les femmes menacées de féminicide. Ce bilan a aussi ses zones d’ombre, comme les violences policières contre des manifestantes féministes.

Reste que, si le bilan social peut apparaître comme positif, c’est aussi que l’économie mexicaine est restée relativement prospère ces dernières années : le pays est riche en hydrocarbures et en minerais divers et il bénéficie de ses échanges avec les États-Unis, et même la Chine.

Cependant, tout cela ne peut faire oublier que, depuis des années, la police mexicaine joue un rôle de supplétif des dirigeants des États-Unis pour barrer la route aux migrants d’Amérique du Sud qui tentent de rejoindre ce qu’ils espèrent être un eldorado, au terme d’un périple souvent dangereux. De même, la relative prospérité est liée au système des zones franches, qui offre une main-d’œuvre bon marché et des sous-traitants complaisants aux multinationales américaines, un système qui ne sera pas remis en cause.

Enfin il y a l’épineuse emprise des réseaux de trafic de drogue, une gangrène dont le précédent président n’a pas réussi à venir à bout. Là encore, la frontière commune avec les États-Unis, le plus grand consommateur de drogues du monde, a joué son rôle, dopant le développement des cartels de la drogue. Ceux-ci sont désormais une grande puissance économique, tout aussi capable qu’une multinationale de corrompre politiciens, élus locaux, magistrats, policiers ou militaires de haut rang. Le choix de s’appuyer sur l’armée pour les combattre n’a pas été probant, les affrontements tournant même souvent à l’avantage des « narcos ». La violence des cartels n’a d’ailleurs pas épargné la campagne électorale, qui renouvelait aussi députés, sénateurs, maires et un quart des gouverneurs : selon les sources, entre 25 et 36 candidats ont été assassinés. Depuis 2006, l’existence des cartels aurait coûté la vie à plus de 400 000 personnes !

Au cours de ses cinq ans de mandat de maire à Mexico, la nouvelle présidente avait réussi à réduire de moitié le taux d’homicides dans la capitale. Obtenir le même résultat pour tout le Mexique est un pari plus facile à perdre qu’à gagner, sans parler de celui qui serait pour Claudia Sheinbaum de réussir à gouverner toutes ces prochaines années en satisfaisant les désirs du patronat, mais sans décevoir les attentes des couches populaires qui l’ont élue…

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