Liévin 1974 : 42 mineurs envoyés à la mort01/01/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/01/une_2944-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1264%2C1640_crop_detail.jpg

Leur société

Liévin 1974 : 42 mineurs envoyés à la mort

Le 27 décembre 1974, sur les 90 mineurs descendus à la Fosse 3 de la mine à Liévin, dans le Pas-de-Calais, 42 trouvèrent la mort. À 710 mètres de profondeur, ils effectuaient les travaux préparatoires à l’exploitation de ce chantier lorsqu’un coup de grisou et un coup de poussier les condamnèrent à mort, par asphyxie ou brûlés vifs.

Mise en cause, la direction des Houillères se défendit en assurant que toutes les mesures de sécurité avaient été prises et elle fut couverte par le gouvernement. Si Chirac, alors Premier ministre, fit le déplacement le 31 décembre pour l’enterrement des mineurs et versa des larmes de crocodile, le gouvernement ne s’écarta pas de la version officielle d’un « coup de grisou inexplicable ». Quant aux nombreux mineurs qui avaient, eux aussi, fait le déplacement pour protester contre la mort de leurs camarades, ils avaient été soigneusement tenus à l’écart de Chirac et des autres officiels, la zone de la cérémonie leur étant interdite. Sur leurs banderoles, on pouvait lire entre autres : « Il n’y a pas de fatalité. Nous voulons la vérité ».

Les mineurs savaient bien que cette catastrophe, si elle était la plus meurtrière d’après-guerre, n’était pas un accident isolé et « inexplicable », mais le résultat de la politique d’économies de la direction des Houillères. Celle-ci vantait pourtant un taux d’accidents mortels en baisse, passé de 111 par an en 1960 à 33 en 1973. Mais le chiffre était une tromperie, car entre ces deux dates des puits avaient fermé et le nombre de mineurs avait considérablement diminué. Si bien que proportionnellement, le nombre de mineurs perdant leur vie à la gagner au fond des tailles était resté pratiquement le même. Et il faudrait bien sûr ajouter, aux morts lors d’accidents comme les explosions de grisou, les victimes de la silicose, qui meurent empoisonnés lentement.

Dans le cas particulier de la catastrophe de Liévin, les mineurs de la Fosse 3 s’étaient plaints des conditions de travail et de l’air irrespirable. Après les quelques jours de congés de Noël, certains avaient même refusé d’y redescendre car les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. Et en effet, le juge Henri Pascal, chargé de déterminer les circonstances dans lesquelles la catastrophe avait pu se produire, inculpa l’ingénieur en chef des Houillères, pour n’avoir pas veillé à l’application des mesures de sécurité. Le juge constata que les ingénieurs ne s’étaient pas déplacés depuis plus de six mois sur le chantier où s’était produit l’accident. Il leur reprochait également de ne s’être jamais servis d’appareils mesurant le niveau de grisou « dans les chantiers en préparation, qui traversent de vieux chantiers grisouteux, comme celui du drame ».

Quelques mois plus tard, en juillet, ce juge, qui avait fait connaître son intention d’inculper d’autres responsables plus haut placés, fut dessaisi de l’affaire. Mais les expertises ne laissant aucun doute, six juges et sept ans plus tard, en 1981, le tribunal correctionnel de Béthune finit par reconnaître la responsabilité civile des Houillères du Bassin du Nord Pas-de-Calais (HBNPC) et par les condamner pour « faute inexcusable ». Si cela permit une augmentation de la pension trimestrielle des veuves, aucun des patrons de la mine, coupables de ces morts, ne termina derrière les barreaux. Même l’ingénieur en chef des Houillères, qui faisait office de bouc émissaire pour avoir appliqué les directives d’économies des patrons de la mine, condamné à une amende, n’alla pas en prison. Il est vrai que le rôle de l’État et des gouvernants est de protéger ces criminels-là.

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