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Inde : Modi réélu mais affaibli
Sorti vainqueur des élections législatives indiennes, Narendra Modi a été désigné comme Premier ministre pour un troisième mandat consécutif. Mais il n’a pas reçu le plébiscite auquel il avait appelé le milliard d’électeurs que compte l’Inde.
Malgré la propagande, les arrestations, les menaces, les sanctions fiscales contre l’opposition et les fraudes, son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), n’a obtenu que 240 députés, soit une perte de 63 sièges. C’est en deça des 272 nécessaires pour disposer de la majorité absolue à la chambre basse du Parlement, et surtout c’est loin des 400 qui étaient l’objectif martelé depuis des mois par les médias et les réseaux sociaux relayant sa propagande. S’il atteignait cette barre, Modi se faisait fort de modifier la Constitution, héritée du mouvement pour l’indépendance en 1947, dans un sens autoritaire et ouvertement discriminatoire envers les musulmans. Durant sa campagne, le BJP n’a eu en effet de cesse de désigner les 200 millions d’Indiens de confession musulmane comme des « infiltrés », prétendument hostiles par nature à la culture hindoue et ainsi assimilés à des ennemis de l’intérieur. Cette ficelle du nationalisme et de l’hindouisme, usée jusqu’à la corde, n’a pas suffi.
Le symbole de ce revers a été la défaite du BJP dans la circonscription d’Ayodhya où, en janvier dernier, Modi avait inauguré avec faste un temple hindou sur l’emplacement d’une mosquée détruite en 1992 par des extrémistes, ce qui avait provoqué alors une vague d’émeutes et des milliers de morts. L’État de l’Utar Pradesh, le plus peuplé de l’Union indienne, où se situe ce temple et qui est dirigé par un moine du BJP réputé pour son fanatisme, a également voté en majorité pour l’opposition à Modi.
Il semble que le BJP ait fortement reculé dans les zones rurales parmi les paysans pauvres, les basses castes et les dalits, ces opprimés désignés par la religion hindoue comme des intouchables ou des parias et employés aux tâches les plus pénibles et les plus mal payées. Le moins que l’on puisse dire est que les discours triomphalistes de Modi dépeignant l’Inde comme une superpuissance économique apportant fierté et prospérité à sa population n’ont pas convaincu.
L’insolente prospérité des grandes dynasties de milliardaires indiens depuis plus d’une décennie, les Mukesh Ambani, Gautam Adani et autres Akshmi Mittal, tranche en effet avec le sort des centaines de millions de personnes réduites à la plus grande pauvreté, au chômage et à une précarité permanente dans les campagnes comme dans les villes.
Le BJP de Modi devra donc, pour gouverner, composer avec l’appui de divers partis régionaux liés à lui dans le cadre d’une coalition, l’Alliance démocratique nationale (NDA). Rien ne dit cependant que cela mettra un coup d’arrêt à sa politique en faveur des nantis ni même à sa démagogie et à ses attaques envers les musulmans sur lesquelles ce parti de 180 millions de membres s’est construit.
L’opposition, largement unie derrière le Parti du Congrès à la faveur de ce scrutin au nom de la lutte contre la « dictature de Modi », bien que minoritaire, sort renforcée et attend son heure. Mais la classe ouvrière, les chômeurs, les petits exploitants agricoles et les centaines de millions de prolétaires opprimés que compte l’Inde n’ont rien à attendre de ce parti et de ses alliés qui ont, tout comme Modi et le BJP, gouverné l’Inde durant des décennies pour le compte de la grande bourgeoisie. Il leur faudra combattre leurs ennemis de classe, la dictature sociale de la bourgeoisie et le carcan de l’impérialisme. C’est en en prenant conscience qu’ils pourront unir leurs forces et changer leur sort.