Grande-Bretagne : sale temps pour les locataires01/01/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/01/P7-2_manifestation_de_locataires_C_London_Renters_Union.jpg.420x236_q85_box-1%2C0%2C799%2C449_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : sale temps pour les locataires

En Grande-Bretagne, pour anticiper l’adoption prochaine d’une loi qui pourrait écorner un peu leur toute-puissance, des propriétaires sont en train d’expulser des locataires à un rythme accéléré.

Illustration - sale temps pour les locataires

En Grande-Bretagne, il n’y a pas de trêve hivernale pour les expulsions. Depuis 1988, la loi permet, sous certaines conditions, de ne donner que deux mois aux locataires pour quitter leur logement. La « section 21 » du texte permet même à un propriétaire d’expulser sans justification, il lui suffit de déclarer qu’il veut récupérer son bien. C’est pourquoi on parle de « no-fault eviction », c’est-à-dire d’évictions sans faute quelconque du locataire. Les témoignages sont légion de travailleurs contraints de déménager dix fois en dix ans, avec toutes les difficultés matérielles et psychologiques que cela entraîne, notamment dans la scolarisation des enfants. Le temps d’attente pour se voir attribuer un logement social dépassant souvent les six mois, bien des familles finissent à la rue.

C’est sous la Première ministre conservatrice Margaret Thatcher que cette loi avait été adoptée, dans une période marquée aussi par la vente au privé de millions de logements municipaux de type HLM. Dans un pays qui est pourtant le sixième plus riche du monde, la crise du logement est devenue permanente pour les classes populaires. Là où il faudrait construire chaque année 300 000 logements neufs, on stagne à la moitié, et leur prix est rarement abordable. La rareté de l’offre pousse depuis des décennies les prix de l’immobilier et les loyers à la hausse, si bien qu’il est presque impossible pour un salarié modeste de devenir propriétaire à Londres et dans sa banlieue, et que les locations elles-mêmes deviennent inaccessibles. Dans le reste du pays aussi, les tarifs ont explosé, avec une augmentation globale de 30 % depuis 2019.

Revenu au pouvoir depuis six mois, le Parti travailliste de Keir Starmer ne cesse d’évoquer les « caisses vides » laissées par son prédécesseur conservateur pour justifier son incapacité à résoudre les problèmes cruciaux de la population. Aujourd’hui, reprenant une idée évoquée sous les conservateurs mais jamais mise en œuvre, la Chambre des communes à majorité Labour s’apprête à adopter une loi mettant un terme aux évictions dites « section 21 ». C’est-à-dire que demain, les propriétaires devront peut-être donner au moins une raison avant d’expulser… La belle affaire !

En attendant, ils procèdent donc à des évictions préventives, sans que Starmer les en empêche. Surtout, même si cette loi sur les droits des locataires finit par voir le jour, les travaillistes écartent d’avance tout encadrement des loyers et toute planification de constructions. Autant dire que se loger correctement va rester un vrai problème pour des millions de travailleurs, et que le nombre de personnes sans domicile, en hausse de 19 % l’an passé, n’est pas près de baisser. Des centaines de locataires londoniens ont manifesté le 14 décembre pour dénoncer les expulsions en cours. En ce début d’hiver, plus que jamais on a envie de crier : « Expropriation des expropriateurs ! »

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