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Grande-Bretagne : l’extrême droite sème la haine
En Grande-Bretagne, la mort de trois fillettes, poignardées par un jeune de 17 ans le 29 juillet à Southport, a servi de prétexte à l’extrême droite pour déclencher des émeutes qui ciblaient notamment les migrants et les étrangers ou supposés tels, et qui ont culminé le week-end des 3 et 4 août.
Dès l’annonce de ce drame, la « fachosphère » britannique a tenté de l’exploiter, faisant circuler la rumeur que son auteur était un migrant islamiste. Pur mensonge : né au Pays de Galles de parents rwandais et chrétiens, celui-ci n’a pas expliqué son geste et il pourrait s’agir de l’acte d’un déséquilibré. Mais peu importe aux apprentis nazis, qui ont immédiatement déclenché une émeute à Southport menaçant une mosquée.
Ces violences se sont rapidement étendues à d’autres villes du nord de l’Angleterre, ainsi qu’à Londres et à Belfast, en Irlande du Nord. Le week-end des 3 et 4 août, on a vu dans 35 localités des manifestants par dizaines, voire par centaines, se regrouper sous le drapeau britannique aux cris de « Trop c’est trop ». Ici ou là, ils ont attaqué la police, brûlé des voitures et vandalisé des magasins. À Rotherham et à Tamworth, les attroupements ont envahi des hôtels censés héberger des migrants pour y mettre le feu.
Premier ministre depuis le 5 juillet, le travailliste Keir Starmer a promis une fermeté maximale contre « les voyous d’extrême droite ». Il a promis de punir aussi ceux qui ont soufflé sur les braises. Cela vise implicitement Tommy Robinson, islamophobe fondateur en 2009 d’une English Defence League longtemps en sommeil, mais hyperactif sur le Web… depuis Chypre où il s’est mis à l’abri de poursuites.
Mais s’il faut sanctionner les responsables des violences récentes, c’est la quasi-totalité de la classe politique, lui compris, que Starmer devrait mettre sous les verrous. En effet, cela fait des années que la droite et la gauche, derrière leurs différences de façade, font des immigrés des boucs émissaires, afin de détourner la colère populaire des vrais responsables de la crise sociale grandissante, à savoir la grande bourgeoisie.
À droite de la droite, le démagogue Nigel Farage, dont le parti, Reform UK, vient de réaliser une percée aux législatives, a certes condamné en paroles les auteurs des agressions… mais pour aussitôt ajouter qu’il partage leurs inquiétudes quant à l’immigration. Les dirigeants conservateurs bon teint n’ont pas été en reste : l’un a déclaré les émeutes « politiquement justifiées » tandis qu’une autre les a dites inspirées par « le désir de protéger la souveraineté nationale » et « le besoin de défendre les valeurs britanniques ».
Cela fait longtemps que les politiciens conservateurs nourrissent le racisme, depuis Johnson et sa campagne xénophobe pour le Brexit, jusqu’à Sunak et son obsession de « stopper les bateaux » de migrants dans la Manche, en passant par May et sa fierté de créer un « environnement hostile » à l’immigration. Ceux qui sont actuellement en lice pour prendre la tête du parti jouent la même ritournelle : selon l’un, l’urgence serait de « sécuriser nos frontières » en rétablissant l’expulsion des sans-papiers vers le Rwanda ; selon une autre, l’immigration « doit vraiment être réduite, car elle alimente les crises dans le logement, l’éducation et la santé. »
Mais le Parti travailliste n’est pas en reste. Dans les années 2000, Gordon Brown avait repris à son compte le slogan du National Front des années 1970, appelant à réserver « les emplois britanniques aux travailleurs britanniques ». Et Starmer a fait campagne pendant des mois en reprochant à Sunak son inefficacité dans la lutte contre l’immigration tant légale qu’illégale.
Pour protester contre les exactions de l’extrême droite, des contre-manifestations ont été organisées par les syndicats et les associations antiracistes et d’aide aux migrants, avec un certain succès à Cardiff et à Manchester, au cours desquelles notables religieux et politiques ont exprimé leur condamnation morale du racisme.
Ces événements ne sont pas sans rappeler la façon dont, en novembre 2023, les charognards de l’extrême droite française avaient essayé de surfer sur la mort d’un adolescent à Crépol pour tenter d’attaquer, mais alors sans succès, un quartier immigré. Le même mois, leurs homologues irlandais avaient instrumentalisé un fait divers tragique pour déverser leur haine des migrants au cœur de Dublin. Visiblement, les apprentis fascistes gagnent en assurance et savent s’inspirer les uns des autres pour spéculer sur les réactions racistes de ceux qui veulent en découdre avec la police, accusée de protéger « les étrangers ». On voit comment la démagogie raciste et xénophobe développée par les politiciens encourage certains groupes à passer à l’acte en trouvant un certain soutien. Le développement de l’extrême droite est ainsi une menace contre tous les travailleurs, à laquelle ceux-ci doivent être prêts à riposter.