- Accueil
- Lutte ouvrière n°2952
- Football : malade du business
Leur société
Football : malade du business
Le diffuseur de télévision britannique DAZN réclame en justice 573 millions d’euros à la Ligue de football professionnel (LFP), pour « tromperie sur la marchandise » et « manquement observé ». Plusieurs clubs de Ligue 1 risquent désormais la faillite.

Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut revenir sur l’évolution des dernières décennies. À partir des années 1990, les budgets des clubs professionnels ont explosé en Angleterre, en Espagne ou en Italie, la France étant alors à la traîne. Les choses ont changé en 2011 quand le fonds souverain du Qatar, QSI, a racheté le Paris Saint-Germain. Le budget du PSG a grimpé en flèche, et le club a commencé à pouvoir se payer des joueurs qui échappaient traditionnellement à la Ligue 1. C’est ainsi que des stars mondiales comme Ibrahimovic, Beckham, Neymar ou Mbappé ont rejoint le club de la capitale.
Les dirigeants du football français ont alors espéré mettre la main sur la poule aux œufs d’or. Les droits de retransmission TV de la Ligue 1 sont ainsi passés d’une centaine de millions d’euros à la fin des années 1990 à 726 millions d’euros en 2016, laissant entrevoir un gâteau d’un milliard. Cette course à l’argent s’est faite en mettant en concurrence les firmes de télévision : en 2018, le diffuseur historique Canal+ perdait l’appel d’offres, au profit de Mediapro. Après la faillite de Mediapro, Amazon puis, à partir de 2024, le britannique DAZN prenaient le relais, pour un fromage désormais partagé avec BeIN sport, propriété de… QSI.
À ce stade, le beau jeu et les buts ne sont plus que des arguments de vente pour dépouiller le chaland. Les téléspectateurs sont en effet considérés comme des vaches à lait par la LFP, convaincue qu’ils suivront l’augmentation des tarifs. Alors que, en 1989, un abonnement Canal+ pour la Ligue 1 et pour du cinéma coûtait 27 euros par mois, le téléspectateur devait débourser 42 euros en 2023, et en 2024-2025, il doit payer 55 euros pour les seuls matchs de Ligue 1, et y ajouter 30 euros s’il a en outre la folie de vouloir regarder les compétitions européennes.
Par ailleurs, en Ligue 1, la course au fric a tué la « glorieuse incertitude du sport » : alors qu’en Angleterre ou en Espagne, cinq ou six équipes se disputent le titre, en France le PSG écrase la concurrence. Son budget est de 800 millions d’euros, quand celui du second (l’Olympique de Marseille) n’est « que » de 260 millions, et celui du petit poucet Angers de 25 millions. De 2012 à 2024, le PSG a ainsi emporté dix des douze titres, et est bien parti pour rafler le treizième cette année. On comprend que, devant un film aussi dépourvu de suspense, les amateurs de football rechignent à payer autant.
Le piratage a logiquement connu un essor. Les droits engrangés par la LFP, présidée par l’affairiste Vincent Labrune, se sont effondrés. Et, alors que DAZN tablait sur le 1,5 million d’abonnés que lui avait promis la LFP, elle en a trois fois moins. C’est comme si une bulle financière éclatait, le système économique du football professionnel pourrit sur pied.