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Fusion Hoechst Rhône-Poulenc : Les pouvoirs publics et la commission européenne du côté des patrons
La fusion en cours entre Hoechst et Rhône-Poulenc qui concerne les activités pharmaceutiques de ces deux groupes industriels et qui va donner naissance au groupe Aventis prévoit d'ores et déjà la suppression de 45 des 91 sites industriels du groupe à travers le monde. Cela entraînera la disparition de 11 000 emplois dont 3 000 en France. Les travailleurs des deux groupes ont déjà manifesté avant l'été contre le désastre social qu'entraîne cette fusion, dénonçant ces opérations, qui vont rapporter des profits supplémentaires aux actionnaires, en menaçant ouvertement des emplois. Les dirigeants de ces trusts se moquent bien des conséquences catastrophiques de leurs choix pour l'avenir des salariés de ces groupes et de celui de leurs familles. Restait à savoir quels sites étaient dans le collimateur des patrons. Nous n'avons pas tardé à être fixés.
Début septembre, Fourtou, le patron de Rhône-Poulenc, a glissé au cours d'une conférence de presse qui ne concernait pas ce sujet que le site HMR (Hoechst Marion Roussel) de Romainville serait vendu, bâtiment et personnel compris, comme si les salariés faisaient partie des meubles ! Outre la désinvolture cynique de cette annonce, c'était une façon pour lui d'indiquer qui est désormais le véritable patron, pour la France, de la fusion en cours.
Les travailleurs étant sous le choc de la nouvelle, les organisations syndicales de Romainville ont appelé à une assemblée générale le 6 septembre pour discuter de la riposte à apporter à cette annonce. L'intersyndicale a proposé une manifestation mardi 14 septembre.
Depuis l'annonce de la fusion, nos camarades élus ont exploré les recours possibles auprès des pouvoirs publics. Les trois conseillers régionaux Lutte Ouvrière en région parisienne, Arlette Laguiller, Daniel Lioubowny et Jean-Louis Gaillard, qui lui-même travaille à HMR à Romainville, sont intervenus dès le mois de février auprès de l'exécutif du Conseil régional de l'Ile-de-France, qui a pris note... sans donner suite !
Depuis, notre camarade Armonie Bordes qui travaille également à HMR, et tout récemment élue députée au Parlement européen, a pris contact avec la Commission européenne qui a autorisé cette fusion le 9 août dernier. En substance, la Commission a répondu que l'emploi n'était pas de sa compétence et qu'elle ne s'occupe que de la concurrence.
Nos deux élus de Romainville viennent d'adresser conjointement une lettre de protestation au secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christian Pierret ainsi qu'au ministre de l'Economie et des Finances, Dominique Strauss-Kahn. Ils y indiquent notamment que " le gouvernement a la possibilité, s'il le décide, d'intervenir sur cette question et de faire en sorte que les emplois soient préservés en donnant aux travailleurs de Hoechst et de Rhône-Poulenc les garanties qu'ils exigent pour leurs emplois. Le gouvernement ne peut se prévaloir d'un léger recul du chômage, s'il autorise dans le même temps de telles vagues de suppressions d'emplois ".
Enfin, lors des récentes auditions des commissaires européens, candidats désignés par les Etats, notre camarade Armonie Bordes a interpellé deux d'entre eux, Mario Monti, qui brigue la Concurrence et Pedro Solbes Mira, les Questions économiques et monétaires. L'un comme l'autre se rangent évidemment aux arguments des patrons qui fusionnent, au nom de la sacro-sainte compétitivité des entreprises européennes. Pour les deux futurs commissaires, la défense des emplois passe après. Car, selon eux, en substance, celle-ci freinerait les ambitions des capitalistes européens. Aussi, ne prennent-ils aucun engagement pour la sauvegarde des emplois. Cela confirme en tout cas que la Commission européenne, malgré les dénégations de ses commissaires, juge de la concurrence ou de l'économie du seul point de vue des intérêts des capitalistes.
Ensuite, nos deux camarades se sont adressés, par tract, aux travailleurs de Romainville, en tirant quelques conclusions de ces différentes démarches :
" Il faut être conscient qu'aussi bien la Commission européenne que les ministres sont dans le camp d'en face. Même lorsqu'ils nous assurent de leurs préoccupations pour l'emploi, il ne s'agit là que de paroles en l'air et non d'actes car ils laissent le grand patronat agir à sa guise. On voit d'ailleurs à quel point ils mentent quant ils prétendent que le chômage a commencé à diminuer alors que tous les jours de nouvelles vaques de suppressions d'emplois sont annoncées.
Nous voyons bien aussi qu'on peut changer la majorité qui nous gouverne sans que la politique du gouvernement change. Car tous ces gens-là ne réagissent que lorsqu'ils craignent des réactions de colère des travailleurs.
Notre véritable atout, c'est notre combativité, pas seulement à l'échelle de l'entreprise, mais à l'échelle des deux groupes, Hoechst et Rhône-Poulenc, et même à une échelle plus large. Car ce qui nous menace frappe également les travailleurs d'autres entreprises : ceux d'Elf, de TotalFina, les travailleurs des banques ou de la grande distribution, qui ont toutes les raisons de redouter, comme nous, d'avoir à payer par des bouleversements dans leur vie et dans leur existence quotidienne pour ces fusions de trusts gigantesques, qui n'apportent rien d'utile à la société.
Pour notre part, nous continuerons à faire entendre les protestations des travailleurs à tous les niveaux où nous pouvons le faire, mais notre conviction, c'est que tous les travailleurs doivent imposer par leur force collective et leur rôle dans l'économie, c'est-à-dire des grèves et des manifestations, un renversement de cette politique entièrement consacrée aux profits des actionnaires et, en particulier, l'interdiction des licenciements dans toutes les entreprises qui font des bénéfices et osent licencier quand même ".