Voir : Est-Ouest, de Régis Wargnier10/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1626.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Voir : Est-Ouest, de Régis Wargnier

En 1946, sur un à deux millions de Russes blancs ayant fui la Révolution d'Octobre, souvent après l'avoir combattue un quart de siècle plus tôt, quatre à cinq mille, décidant de mettre fin à leur émigration, revinrent dans une Russie devenue Union Soviétique.

Ils y avaient été attirés par la promesse de Staline d'annuler les poursuites à leur encontre et sans doute plus encore par l'image que le régime stalinien avait réussi à donner de lui-même. Celui d'une grande puissance qui avait vaincu l'Allemagne nazie, qui avait pris pied en Europe centrale et où les dirigeants staliniens ne menaient plus depuis longtemps une politique pouvant encore évoquer, même de loin, les idéaux d'Octobre.

Déjà dans les années trente, des cercles d'émigrés blancs à l'Ouest avaient fait savoir tout le bien qu'ils pensaient du cours stalinien dans lequel ils voyaient l'antithèse de la politique suivie par les bolcheviks. Durant la guerre, cette impression ne put que se renforcer chez certains d'entre eux : Staline avait multiplié les gages vis-à-vis de la réaction et de l'impérialisme, et pas seulement sur un plan symbolique comme lorsqu'il avait dissout ce qui restait de l'Internationale Communiste.

La bureaucratie stalinienne n'avait pas hésité non plus à ressortir des oubliettes une partie de l'ancienne panoplie étatique tsariste. Staline avait demandé aux popes de bénir les armées partant au front, tandis qu'il en appelait aux préjugés panslavistes comme au temps des tsars. Il avait rétabli les grades et uniformes d'" avant ". Il avait même rebaptisé les écoles militaires du nom des pires généraux de l'époque impériale.

Cela, Est-Ouest, le film de Régis Wargnier, ne le dit pas, n'y fait même aucune allusion. C'eût été pourtant plus que nécessaire pour comprendre pourquoi ces quelques milliers de Russes blancs décidèrent de rallier un pays qui leur semblait redevenu à leur goût. Qu'ils se soient trompés, ou aient été trompés comme préfère insister le metteur en scène, c'est évident. Le pays était resté pauvre, surtout après les dévastations de plusieurs années d'occupation par l'armée allemande, et le régime pas moins impitoyable vis-à-vis d'une population dont il craignait qu'elle lui demande des comptes. Ces émigrés blancs revenus au pays allaient le constater à leurs dépens, la dictature stalinienne ne faisant pas dans le détail.

Cela aurait pu être intéressant à montrer. Mais au lieu de cela, Est-Ouest tricote une bluette façon " veillée des isbas ". Après bien des péripéties et des malheurs, les héros du film s'en tireront, à la différence de ceux qu'ils ont croisés sur place et dont le film donne une image sans consistance, sinon caricaturale.

Partager