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- Lutte ouvrière n°1625
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Timor - Oriental : Un peuple victime d'une dictature sanglante soutenue par les impérialistes
A l'occasion du référendum organisé le 30 août, la population du Timor-Oriental devait choisir entre son maintien au sein de l'Indonésie ou l'indépendance. C'était la première fois qu'elle était consultée depuis l'annexion du territoire par l'Indonésie en décembre 1975. Les résultats ne sont pas encore connus, mais la participation très élevée - plus de 90 % des 450 000 électeurs inscrits se sont déplacés - témoignait d'une mobilisation populaire très importante.
Pourtant, pendant les mois qui ont précédé le scrutin, des milices armées et soutenues par les militaires indonésiens ont pu faire impunément régner un climat de terreur, agressant et assassinant des indépendantistes, incendiant des maisons : rien que pour le mois d'avril on compterait 35 morts. A l'approche du référendum, les milices ont confisqué des cartes d'électeurs, sillonné les rues des villes pour effrayer la population et la dissuader d'aller voter. Au point que des milliers de personnes avaient fui leurs habitations pour chercher refuge dans des églises ou hors des villes, sur les collines. Et lors des opérations électorales, les miliciens terroristes ont assassiné plusieurs observateurs de l'ONU...
Mais toutes ces exactions n'ont pas empêché la grande majorité de la population de se rendre dans les bureaux de vote pour participer au référendum, ceux qui avaient fui regagnant leur zone de résidence où ils avaient été enregistrés. Elle a voulu ainsi affirmer sa volonté de mettre fin à plus de vingt ans d'occupation par une armée dont la répression particulièrement violente et ses conséquences (épidémies, famines) ont fait au total 200 000 victimes, soit un quart de la population !
Parmi les responsables de ce destin dramatique, on trouve d'abord le colonialisme, et son cortège de massacres et de pillages. La petite île de Timor, grande à peu près comme la Belgique, fait partie de l'immense archipel indonésien que les colonialistes portugais et hollandais se sont disputé au 17e siècle. C'est ainsi que la partie orientale de l'île est restée aux Portugais, alors que les Hollandais s'attribuaient la partie occidentale, ainsi que la mainmise sur tout le reste de l'Indonésie. D'où la partition de l'île de Timor.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'Indonésie hollandaise a conquis son indépendance. Mais il a fallu attendre 1974 et la Révolution des Oeillets pour que le Portugal finisse par renoncer à son empire colonial, et pour que la partie orientale du Timor puisse accéder à... une promesse d'indépendance à son tour. En novembre 1975 toutefois, une République démocratique du Timor-Oriental était proclamée par l'un des mouvements indépendantistes. Elle n'eut qu'une existence très éphémère puisqu'une semaine après, l'armée indonésienne envahissait l'ex-colonie portugaise. Et ceci avec l'accord avoué des dirigeants américains (Gerald Ford et Kissinger) de l'époque.
Aujourd'hui, les dirigeants américains disent se réjouir du bon déroulement du référendum. Ils ne manquent pas de cynisme car ils se sont montrés pendant des années les complices des massacres perpétrés au Timor ainsi que de la dictature terrible pesant sur toute l'Indonésie. Le responsable direct des exactions et massacres, le dictateur indonésien Suharto, était une de leurs créatures : c'est avec le soutien actif de la CIA que Suharto a pris le pouvoir en 1965 au moyen d'un coup d'Etat sanglant, afin d'écarter le président d'alors, Soekarno, trop " neutraliste " à leur goût, et pour éliminer dans la foulée un Parti Communiste trop puissant et qui soutenait Soekarno. L'élimination du Parti Communiste s'est soldée par un demi-million de morts !
C'est la même armée spécialisée dans la répression et la terreur qui s'est emparée plus tard du Timor-Oriental. Et pendant toutes les années où elle s'est livrée à un véritable génocide, massacrant, bombardant au napalm, ouvrant des camps de concentration, Suharto a pu compter sur l'appui de l'impérialisme américain et des grandes puissances en général. Celles-ci ont multiplié les affaires, le commerce, les investissements avec l'Indonésie riche en matières premières. Et tant pis pour Timor-Est qui ne représente même pas 1 % de la superficie et de la population indonésiennes.
La " communauté internationale " s'est contentée de quelques gestes de protestation de temps en temps : ainsi l'ONU n'a jamais reconnu l'annexion de 1975, et deux leaders timorais, dont un évêque, ont reçu le prix Nobel de la Paix... Gestes pieux !
Finalement, après trente ans de bons et loyaux services, Suharto, trop déconsidéré, a été lâché par l'impérialisme. Mais c'est toujours l'armée qui détient la réalité du pouvoir et, bien que le nouveau régime indonésien ait dû consentir au référendum - incapable qu'il est de " régler " l'affaire timoraise autrement que par une occupation militaire sans fin -, rien ne dit que l'armée soit décidée à accepter l'indépendance.
L'éventuelle indépendance de Timor-Est, si elle n'est pas sabotée par l'Indonésie et ses milices sanglantes, ne peut sans doute à elle seule donner satisfaction aux aspirations des Timorais à leur émancipation. Mais elle serait déjà pour tous un succès face à ce régime d'occupation, imposé par une dictature, elle-même appuyée par les plus grandes et les plus " civilisées " puissances mondiales. Ce régime a réussi à polariser contre lui tout le mécontentement et à créer une situation de révolte explosive ; c'est sans doute ce que craignent le plus aujourd'hui les puissances impérialistes.