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- Lutte ouvrière n°1626
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Tribune de la minorité
Loi Aubry, licenciements... préparer la riposte
Dopé par les prétendus " bons " chiffres du chômage et du budget, Jospin joue les Paco Rabane et promet de supprimer le chômage dans 10 ans. Mais Jospin oublie de préciser que la petite baisse actuelle du chômage a pour corollaire l'augmentation de la précarité du travail et la marginalisation d'une fraction de plus en plus importante de la classe ouvrière, qui n'apparaît même plus dans les statistiques du chômage. Et si on laisse faire le gouvernement et les patrons, on aura peut-être une embellie à l'américaine, c'est-à-dire un taux officiel de chômage relativement bas mais un écart entre riches et pauvres qui ne cesse de se creuser.
Rien d'étonnant : partout, les grandes entreprises du public comme du privé continuent de réduire leurs effectifs et de surexploiter ceux qu'elles font travailler. En France, plusieurs milliers de licenciements sont prévus à Pechiney et à Alcatel, 3 000 dans le pétrole, autant dans la chimie, 5 000 dans les banques, plus d'un millier à IBM, plusieurs centaines à ELM et à Cerplex dans la région parisienne, à Xerox dans le Nord... Globalement les salariés sous statut sont remplacés par des précaires. Le nombre des smicards a augmenté de 50 % de 1996 à 1998. Et, tandis que l'Etat continue à tailler dans les effectifs de la Poste et des hôpitaux et à s'attaquer aux retraites, le patronat des banques ou des grands magasins remet en cause les conventions collectives.
L'excédent budgétaire, dont se vante Strauss-Kahn, est autant le résultat d'une conjoncture économique favorable que de la surexploitation et de l'austérité imposées aux travailleurs. Et lorsque le gouvernement parle d'amélioration de la situation, il faut comprendre : pour les riches. Car ce n'est pas la crise pour les patrons qui voient leurs carnets de commandes se remplir et leurs profits grimper. Raison de plus pour que les travailleurs exigent leur dû. Comme les paysans ou les éboueurs de Marseille.
Cet été, la politique gouvernementale s'est corsée contre les plus pauvres : baisse des taux du livret A, augmentation des transports, excédents budgétaires redistribués aux plus riches par le biais de diminutions d'impôts les favorisant, et maintenant, deuxième mouture de la loi Aubry qui doit être discutée au début octobre au parlement et s'annonce comme une nouvelle attaque.
Première nouveauté par rapport à la première : il n'est même plus question du prétexte de départ, c'est-à-dire de création d'emploi ! Aucune condition d'embauche n'est fixée au patronat ! C'est au contraire un feu vert à la débauche puisque sous couvert de réduction du temps de travail, il va bénéficier d'une nouvelle déréglementation du droit du travail et de nouveaux moyens financiers pour exploiter le plus possible, moins de travailleurs. Et dégager ainsi le maximum de profits. A Renault, par exemple, la combinaison de la loi Aubry et des départs en préretraite entraînera 10 500 départs contre 6 000 embauches, soit une perte sèche de 4 500 emplois, alors que la direction annonce un bénéfice de 4,7 milliards de francs pour le premier semestre 99. A PSA, environ 20 000 départs contre seulement 5 000 embauches, à Usinor 10 000 départs contre 4 000 embauches, à la SNECMA 1 000 départs contre 500 embauches, etc.
Bien évidemment, les dirigeants des partis de gauche et des confédérations syndicales qui défendent le gouvernement expliquent que ladite loi pourrait et devrait être amendée. Vont-ils vraiment s'opposer aux salaires bloqués ou modérés ? A l'augmentation du quota d'heures supplémentaires mais à leur non-paiement ou presque ? A la banalisation du travail du week-end et des jours fériés ? A la remise en cause du SMIC par la non-revalorisation de son taux horaire ? A l'octroi de super-cadeaux aux patrons, tout particulièrement à ceux qui paient de mauvais salaires ? Bref, vont-ils combattre cette loi ? Les directions syndicales, tout particulièrement, s'y préparent-elles par un " geste fort ", comme on dit ? Par la préparation, par exemple, au plus vite, d'une mobilisation générale de tous les travailleurs, d'une journée interprofessionnelle dont il avait été question au congrès de la CGT ? Car la rogne et même la hargne qui existent contre la loi Aubry, ancienne et nouvelle moutures, se sont exprimées dans un grand nombre de mouvements dispersés ces derniers mois et ne demanderaient probablement qu'à s'exprimer plus largement et à l'échelle du pays. Une première action collective de toute la classe ouvrière serait une étape et un encouragement pour l'instauration, par la lutte, d'un autre rapport de force contre le patronat et le gouvernement.
Mais à ce jour, les responsables syndicaux ont effectué leur rentrée sociale... à l'université d'été du MEDEF ! Maryse Dumas pour la CGT ou Blondel pour FO, aux côtés de dirigeants de la CFDT et de la CFTC, sont allés mendier quelques miettes au ci-devant Seillière. Avec les ricanements inévitables ! Et les responsables de la CGT amusent les travailleurs en leur promettant qu'ils seront " offensifs "... dans les négociations avec les patrons ! Mais ils se gardent bien de dresser des perspectives de lutte pour la classe ouvrière et tous les militants du mouvement ouvrier.
Pourtant, la seule chose qui pourrait influencer les décisions du patronat, c'est la mobilisation des travailleurs. Une grande partie du monde ouvrier, une grande partie de ses militants politiques et syndicaux, et tout particulièrement ceux qui sont dans les entreprises au contact quotidien avec leurs camarades toujours plus exploités, savent bien qu'il va falloir dresser un plan de mobilisation pour un programme de revendications radicales.
C'est la tâche de l'extrême gauche, en tout cas, que de le leur proposer.