La mort d'un immigré clandestin, victime de Chevènement10/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1626.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

La mort d'un immigré clandestin, victime de Chevènement

Bouna Wade, le jeune Sénégalais de 17 ans qui, en janvier dernier, avait " miraculeusement " survécu à un voyage dans le train d'atterrissage d'un Airbus assurant la liaison Dakar-Lyon, est mort en retentant sa chance dans les mêmes conditions. La police a retrouvé son corps dans le train d'un avion qui s'était posé à Abidjan, en Côte-d'Ivoire.

Car si l'aventure de Bouna Wade avait suscité beaucoup de sympathie dans l'opinion publique, les autorités françaises, elles, n'ont pas eu d'état d'âme. Après quelques semaines de soins et de convalescence dans les hôpitaux de Lyon, elles l'ont discrètement renvoyé dans son pays, même si on nous explique aujourd'hui, bien tardivement, que ce serait à sa demande et que ce jeune aurait présenté des troubles psychiatriques. Version commode et opportune. Mais, par delà des aspects anecdotiques, il n'empêche que ce fait est révélateur.

L'annonce de cette mort intervient deux mois après celle de deux Guinéens, retrouvés au début du mois d'août dans le train d'atterrissage d'un avion de la Sabena, à Bruxelles. Ces tentatives d'immigration - véritablement suicidaires compte tenu du froid et de la dépressurisation auxquels s'exposent les immigrants - sont révélatrices de l'extrême misère et du désespoir dans lesquels vivent aujourd'hui des millions d'Africains. Ne voyant guère d'autres solutions pour s'en sortir, ils sont prêts à tout pour rejoindre l'un des riches pays d'Europe. Et ce ne sont pas les dispositions prises contre l'immigration, clandestine ou non, par Chevènement et ses semblables européens, qui peuvent les empêcher de tenter le coup, que ce soit dans la soute d'un avion ou à bord d'une embarcation de fortune lancée dans le détroit de Gilbraltar... et de recommencer autant de fois que possible, si la mort ne les a pas arrêtés avant. Ainsi, à 17 ans, Bouna Wade en était à sa quatrième tentative !

En reprenant et en durcissant les mesures prises avant lui par Pasqua et Debré, Chevènement est pleinement responsable de ces morts. Au-delà, c'est toute la bourgeoisie française qui doit être tenue pour coupable de cet état de fait. Si elle a pu s'enrichir, c'est notamment en pillant les ressources de l'Afrique, par la traite des esclaves d'abord, la colonisation ensuite. Et après avoir laissé derrière elles une Afrique dévastée et sous-développée, les grandes puissances continuent aujourd'hui encore à étrangler ces pays par l'intermédiaire du marché mondial et des échanges inégaux.

Tant que cette situation perdurera, aucune loi, aucune police, aucune barrière ne pourra dissuader les candidats à l'immigration. Mais en multipliant les obstacles à leur entrée et à leur séjour, les gouvernements ne font qu'acculer les plus résolus à aller bien souvent au devant de la mort.

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