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États-Unis : une grande démocratie, où ça ?
Les médias s’extasient sur la « grande démocratie » que seraient les États-Unis, ses 30 000 scrutins et ses 160 millions d’électeurs. Pourtant, ce système électoral est tout sauf démocratique.
À la fin du 18e siècle, ce système a été conçu pour limiter le poids de la population sur ses représentants. Ainsi la capitale fédérale, Washington, a été soigneusement placée à l’écart des centres de population. Les capitales des États ont également été construites à l’écart des grandes villes. La capitale de l’État de New York est ainsi Albany, celle de Pennsylvanie, Harrisburg, et celle de Californie, Sacramento. Et si certaines sont devenues depuis de vraies agglomérations, la capitale du Dakota du Sud compte 14 000 habitants et celle du Vermont 8 000, comme un petit chef-lieu de canton français.
Un autre aspect de cette distance volontairement établie entre électeurs et représentants est que l’élection présidentielle se fait au suffrage indirect. Le président est élu par un collège de 538 grands électeurs. Chaque État dispose d’autant de grands électeurs que de sénateurs et de membres du Congrès. Dans la quasi-totalité des États, le candidat majoritaire, fût-ce avec une marge étroite, y obtient tous les grands électeurs. Une majorité d’États votant traditionnellement démocrate ou républicain, l’enjeu concerne surtout sept États-pivots (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin…) où les candidats investissent toutes leurs forces. À plusieurs reprises par le passé, le président élu a obtenu moins de voix au niveau national que son concurrent. En 2000, George W. Bush a été élu avec 500 000 voix de moins que son rival Al Gore, et en 2016 Donald Trump a été élu avec trois millions de voix de moins que son adversaire Hillary Clinton. Il faut dire que les États ruraux, plutôt républicains, sont mieux représentés que les États urbains, plutôt démocrates : ainsi, le Wyoming compte un grand électeur pour 195 000 habitants, quand la Californie en compte un pour 700 000. Au Sénat, l’inégalité de représentation est encore plus flagrante : chaque État élit deux sénateurs, qu’il compte 650 000 habitants comme le Vermont ou 40 millions comme la Californie.
La composition des listes électorales est sélective. À l’époque de la ségrégation institutionnelle, alors que la Constitution garantissait le droit de vote à tous les citoyens, les Noirs en étaient privés dans les faits. Aujourd’hui encore, cinq à six millions de personnes qui ont été condamnées à des peines de prison, voire à des amendes, sont privées du droit de vote. Ces exclusions concernent essentiellement des hommes des classes populaires, des Noirs et des Hispaniques. Dans certains États du sud, comme l’Alabama ou le Tennessee, plus de 8 % des adultes sont ainsi privés du droit de vote.
Les discriminations s’exercent aussi par le biais du découpage des circonscriptions électorales où les représentants au Congrès sont élus. Dans chaque État, le pouvoir législatif décide de leur découpage. Les États dirigés par le parti républicain dessinent souvent les circonscriptions à l’avantage de celui-ci, et les États à direction démocrates agissent souvent de même.
Et puis, il y a le pouvoir qu’aucune loi ne consacre, mais qui est à la base de toute la société : celui de l’argent. Les deux principaux candidats, Trump et Harris, drainent des centaines de millions de dollars, dépensés en publicité, en meetings, etc. Dans l’État pivot de Pennsylvanie, le milliardaire Elon Musk offre chaque jour un million de dollars à un électeur ayant signé sa pétition en faveur de la « liberté d’expression » et du droit de porter des armes, une façon à peine déguisée d’acheter des voix pour Trump, et qui résume bien les fondements de la « démocratie » aux États-Unis.