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Colombie : le gros bâton à l’œuvre
Dimanche 26 janvier, les relations diplomatiques se sont brusquement tendues entre les États-Unis et la Colombie après que le président de gauche, Gustavo Petro, a refusé le rapatriement forcé par avion militaire de 160 migrants menottés.
En faisant le maximum de publicité à ce genre d’opération, Trump veut conforter l’opinion réactionnaire et raciste qui le soutient. Il a promis dans son discours d’investiture de « renvoyer des millions d’étrangers criminels dans leur pays d’origine » et face à lui, Petro a voulu se faire le porte-parole de ceux « d’en bas », déclarant : « Un migrant n’est pas un délinquant et doit être traité avec toute la dignité auquel un être humain a droit. » Le président colombien a refusé l’expulsion médiatisée, annonçant, en remplacement, rien moins que l’envoi de l’avion présidentiel.
Le bras de fer n’a cependant duré que quelques heures. Sans même interrompre sa partie de golf à Miami, Trump a menacé d’augmenter de 25 % les taxes à l’importation des produits colombiens, de priver de titres de séjour tous les hauts fonctionnaires proches de Petro et leur famille, et d’arrêter totalement la délivrance de visas à l’ambassade de Bogota. De son côté, Petro a semblé résister quelques heures, à coups de tweets : « Tu peux essayer de provoquer un coup d’État avec ta force économique et ton arrogance […] mais je survivrai dans mon peuple, qui a précédé le tien dans les Amériques. » « Je ne serre pas la main des esclavagistes blancs. » Il a menacé en retour de priver d’autorisation de séjour les résidents américains en Colombie… mais finalement a cédé complètement dans la soirée. « Le gouvernement colombien a accepté toutes les conditions du président Trump, y compris l’acceptation sans restriction de tous les étrangers illégaux de Colombie renvoyés des États-Unis, y compris à bord d’avions militaires américains, sans limitation ni délai » a indiqué la Maison Blanche dans un communiqué. Le président colombien a reculé, peut-être sous la pression d’une partie de l’opinion publique qui craint les conséquences de sanctions américaines, mais surtout sous celle des milieux patronaux, les États-Unis absorbant près du tiers des exportations colombiennes.
Au-delà de ces expulsions médiatisées, la politique de Trump ne fait que continuer, en la durcissant encore, celle de ses prédécesseurs. En 2023, Biden avait supprimé quasiment toute possibilité pour un migrant d’obtenir une régularisation. Arrivé au Mexique, il devait en passer par une application sur smartphone, CBP One, qui délivrait de façon totalement aléatoire et souvent au bout de plusieurs mois, des rendez-vous dans un des bureaux répartis le long de la frontière. L’application vient d’être fermée, les rendez-vous déjà prévus ont été annulés.
Depuis des mois, dans le sud du Mexique, à Tapachula, dans le Chiapas, à la frontière du Guatemala, des milliers de migrants s’entassent dans la plus grande précarité. Vénézuéliens, Haïtiens et Colombiens surtout, ils ont fui la misère, la faim et la violence des gangs. Ils ont derrière eux la traversée de toute l’Amérique centrale, et en particulier celle, particulièrement meurtrière, de la jungle du Darien, entre la Colombie et le Panama. Depuis six mois, sous la pression du gouvernement Biden, le Panama a entrepris de fermer à l’aide de barbelés tous les accès aux chemins traversant la forêt. Le rythme des passages a ralenti, alors que leur nombre était de 500 000 en 2023, mais ne s’est pas interrompu. La traversée, qui peut durer jusqu’à six jours, est devenue plus dangereuse encore.
Cependant, pour ceux qui ont affronté tous ces dangers, il n’est pas question de renoncer. Le 26 janvier, au moment même où Trump et Petro s’affrontaient à coups de tweets et malgré la fermeture de CBP One, 1 500 migrants formaient une nouvelle caravane à Tapachula et entamaient une marche de 1 200 km jusqu’à la frontière, déterminés et n’ayant rien à perdre.