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Chine – USA : bras de fer commercial
« Une rencontre incroyable », « 12 sur une échelle de 1 à 10 ». Voilà comment Trump a caractérisé les résultats de son entrevue avec le président chinois Xi Jinping, qui s’est tenue en Corée du Sud jeudi 30 octobre. À l’entendre, les deux rivaux seraient devenus les meilleurs amis du monde.
En fait, Trump a dû reculer sur son projet de faire passer les droits de douane sur les produits chinois à 157 %. Mais ce n’est peut- être que partie remise, une phase dans une guerre commerciale pas près de s’apaiser.
Ce qui a contraint Trump à revenir à des droits de douane de 47 % est surtout la menace brandie par la Chine de verrouiller l’exportation de terres rares, dont elle contrôle près de 90 % du raffinage mondial. Et vu le rôle que jouent ces minerais dans l’économie moderne, on comprend que cela pose problème aux États- Unis.
Les terres rares regroupent des éléments qui ne sont pas du tout des pierres précieuses mais des composants indispensables dans bien des technologies d’aujourd’hui. Dès qu’il y a des petits aimants (dans les vibreurs des téléphones portables par exemple), des cellules photoélectriques, des batteries de toutes tailles… il y a des terres rares. Or la Chine n’a pas toujours été dans une telle position dominante. Dans les années 1980, le groupe français Rhône-Poulenc était l’un des deux groupes mondiaux dans le domaine des terres rares. Son usine de La Rochelle purifiait 50 % du marché mondial. Mais les géants de la chimie et de l’extraction minière ont trouvé que l’exploitation et le raffinage des terres rares n’était pas suffisamment lucratif. Petit à petit, ils ont donc délaissé cette production et la Chine en est devenue le leader incontesté, notamment grâce à son site de Baotou, en Mongolie intérieure, où 75 % de la production mondiale est concentrée. Le traitement y consomme tellement d’eau pure et engendre un tel rejet d’eau contaminée en produits polluants et radioactifs qu’un immense lac artificiel mortifère a été créé sur le site. On comprend que ce site soit devenu, pour l’industrie mondiale, une sorte de paradis où se fournir en terres rares à très bon prix.
En retour, cette situation a donné à la Chine un atout pour résister aux pressions économiques des États-Unis. Cette énorme concentration de la production d’un secteur industriel donné n’est pas unique. Elle fait penser à celle qui existe dans le secteur des puces électroniques de très haute technologie dont Taïwan a récupéré, pour des raisons similaires, le quasi-monopole. Peut-être l’État américain ou des entreprises privées chercheront-ils à remettre en cause le monopole chinois. Mais ce n’est pas si simple car obtenir la même rentabilité nécessiterait des investissements considérables. Alors, pour l’instant, Trump a préféré concéder à Xi Jinping des droits de douane moins astronomiques, tout en lui imposant aussi d’acheter massivement du soja aux fermiers américains.
Les journalistes ont relaté le fait que, en public, Xi Jinping n’a pas eu un seul sourire et a refusé de montrer la moindre complicité. Il s’est contenté de déclarer : « je crois que le développement de la Chine va de pair avec notre vision de rendre une Amérique “great again” (forte à nouveau) ». Mais Xi Jinping est instruit par des décennies de relations entre la Chine et les États-Unis depuis la révolution de 1949, qui ont été parfois de collaboration mais surtout d’hostilité. Et il sait bien que son pays, avec son État puissant capable de tenir tête aux États-Unis, ne sera jamais vu d’un bon œil par le pays impérialiste le plus puissant du monde.
Pour finir, lors de son voyage en Asie, Trump a aussi rencontré le président sud-coréen, pays que les États-Unis considèrent comme un de leurs plus anciens alliés dans la région. Or, en conclusion de cette entrevue, le président coréen a dû, pour obtenir le maintien de droits de douane réciproques au taux de 15 %, promettre de faire 350 milliards de dollars d’investissements aux États-Unis dans les dix prochaines années.
C’est le tribut à payer en tant qu’État vassal. Comme avait dit l’ancien diplomate américain Henry Kissinger, bien placé pour s’exprimer à ce sujet : « être un ennemi des États-Unis est dangereux, être un ami des États-Unis est fatal. »