Atlantique : l’autre cimetière de migrants10/07/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/07/une_2919-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Atlantique : l’autre cimetière de migrants

Le 4 juillet, les garde-côtes mauritaniens ont fait état du naufrage d’une pirogue sénégalaise transportant des migrants clandestins en route pour les îles Canaries. Il y a eu neuf rescapés, 89 corps ont été retrouvés, 72 au moins ont disparu.

Les îles Canaries, territoire espagnol, sont une porte d’entrée possible en Europe pour des populations d’Afrique de l’ouest, alors que la crise économique, sociale et politique ravage leurs pays. Mais il y a, au départ du Sénégal ou de Gambie, 1 500 km de mer, soit au moins cinq jours de navigation sur des embarcations vétustes, surchargées, avec très peu d’eau et de vivres. Pourtant, poussés par la misère et l’espoir d’une vie meilleure, connaissant tous les risques, 40 000 personnes ont réussi la traversée en 2023. L’Office international des migrations (OIM) a recensé, cette même année, 953 péris en mer. Les ONG parlent de cinq fois plus de victimes.

L’OIM ne dénombre en effet que les malheureux décédés à l’arrivée, jetés à la mer en cours de route ou victimes d’un chavirage recensé. Mais, pour éviter les navires des garde-côtes et l’avion de la patrouille Frontex, les migrants gagnent le large en espérant atteindre l’île située au sud-ouest de l’archipel. En cas de panne de carburant ou d’avarie de moteur, le courant des Canaries, celui utilisé par Christophe Colomb pour traverser l’Atlantique, les déporte vers l’ouest, où il n’y a ni terre avant 4 500 km, ni route maritime, ni garde-côtes, ni surveillance aérienne. Ils dérivent alors sans espoir. Des bateaux fantômes, immatriculés au Sénégal et remplis de cadavres, s’échouent ainsi régulièrement de l’autre côté de l’océan, aux Caraïbes.

Cette horreur constitue, après le pillage, la déportation des esclaves, la colonisation puis l’échange inégal, le dernier bienfait que la civilisation du capital offre à l’Afrique de l’ouest.

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