Agroalimentaire : du mirage coopératif à la jungle capitaliste22/10/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/10/une_2986-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Agroalimentaire : du mirage coopératif à la jungle capitaliste

Le 22 septembre, les coopératives Agrial et Terrena ont annoncé un projet de fusion, qui en fera la plus grosse coopérative française, avec 30 000 salariés et un chiffre d’affaires de 12 milliards d’euros.

Agrial et Terrena sont elles-mêmes le produit de fusions de coopératives au début des années 2000. L’une s’est développée à partir de la Normandie, l’autre dans le Sud-Ouest. On trouve dans leur giron les marques Soignon, Florette, Agrilait, Tipiak et Père Dodu.

Les deux directions ont annoncé le projet dans un communiqué de presse. C’est ainsi que les agriculteurs travaillant pour ces groupes l’ont appris. Quant aux salariés d’Agrial, ils ont été informés par visioconférence quinze minutes avant l’annonce à la presse. L’inquiétude chez eux est grande car ils craignent que chacun des groupes en profite pour supprimer des emplois.

Par cette fusion, les patrons des deux coopératives espèrent mieux peser dans les négociations face à la grande distribution, qui est concentrée dans quelques grandes centrales d’achat. Au niveau européen, les fusions de coopératives agricoles se sont multipliées ces dernières années pour les mêmes raisons.

Certains agriculteurs voient la fusion d’un bon œil : ils se rassurent en se disant qu’elle permettra de mieux rentabiliser certaines usines… ce qui revient à adopter le point de vue patronal, visant à exploiter davantage les salariés qui y travaillent. C’est d’ailleurs au nom de cette logique patronale que les directions chercheront à obtenir la validation du projet par les adhérents.

En réalité, cela fait longtemps que la plupart des agriculteurs qui regardent tout cela de loin considèrent les coopératives comme des entreprises comme les autres, et cela à juste titre. Les coopératives appartiennent sur le papier aux agriculteurs, chacun détenant des parts dans le capital social. Mais si cela leur donne un droit de vote aux assemblées, quel poids représentent-ils réellement face à des projets bouclés à l’avance par les dirigeants ? En réalité, ils sont pieds et poings liés et, pour les plus petits, victimes de la loi du marché et de la concurrence.

La réglementation permet aux coopératives d’échapper à une partie de l’impôt sur les sociétés et de sous-déclarer leurs profits. Les agriculteurs, pas plus que les salariés, ne connaissent la rémunération réelle de leurs dirigeants. Toutes les grandes coopératives ont de multiples filiales et certaines sont rattachées à des holdings financières, ce qui permet une totale opacité dans leur comptabilité.

Créées initialement pour résister collectivement aux marchands en gros et autres maquignons auxquels les paysans étaient confrontés, les coopératives se sont transformées au fil des années en géants de l’industrie agroalimentaire dont aujourd’hui trois agriculteurs sur quatre dépendent en France.

Eh bien, pour organiser la production alimentaire en fonction des besoins tout en respectant les ressources, il faudra mettre ces centres de pouvoir sous le contrôle des salariés, des petits agriculteurs et de la population.

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