Agro-industrie : la tomate n’a pas d’odeur26/02/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/02/une_2952-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Agro-industrie : la tomate n’a pas d’odeur

Le Maroc est l’invité d’honneur du Salon de l’agriculture. Il y met en valeur son produit phare d’exportation, la tomate, s’attirant d’amers reproches des producteurs français ou, à tout le moins, de leurs représentants.

Les commentateurs les plus intéressés servent évidemment l’histoire de la bonne tomate française, cultivée en saison, à l’ancienne, avec des travailleurs honnêtement rétribués et correctement traités, contre l’insipide solanacée marocaine, cultivée sur du coton toute l’année, nourrie à l’engrais, sulfatée tous les matins et récoltée par des ouvriers sous-payés.

Tout cela est sûrement vrai pour ce qui est des travailleurs marocains et probable pour ce qui concerne le mode de culture dans les exploitations industrielles de ce pays. Mais les chiffres du ministère français de l’Agriculture donnent une idée un peu différente de l’ensemble du problème. Les 650 000 tonnes de tomates produites en France le sont certes entre avril et novembre, mais sous serre le plus souvent, avec les méthodes industrielles nécessaires à une telle production, y compris évidemment engrais et pesticides. Les salaires des ouvriers agricoles, dont une bonne partie de saisonniers, et leurs conditions de travail et d’hébergement sont tels que les agriculteurs se plaignent de ne pas trouver de main-d’œuvre locale. Et, bien que cela ne figure pas dans les statistiques officielles, la différence entre une tomate de jardin, cultivée par un artisan maraîcher ou par un retraité de la SNCF, et une tomate vendue en grande surface, même pourvue d’un tombereau de qualificatifs bio et d’origine France certifiée, est flagrante.

De plus, sur les 400 000 tonnes de tomates importées du Maroc, 300 000 sont réexportées et n’entrent pas en concurrence avec la production française, en tout cas pas sur le marché intérieur. Les opérateurs de ce commerce sont des sociétés françaises, en particulier celles de la plateforme logistique de Perpignan, par où transite plus d’un million et demi de tonnes de fruits et légumes chaque année.

Enfin, Azura, le plus gros producteur de tomates au Maroc avec 18 000 salariés, est une société à capitaux français et marocains. Les tomates cerises Azura qu’on trouve toute l’année dans les supermarchés sont certes cultivées au Maroc plus souvent qu’à Plougastel, mais les profits restent en grande partie à Paris.

Lors de son voyage au Maroc, en octobre 2024, Macron avait parlé politique et agriculture. La reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara est aussi la reconnaissance des entreprises qui y sont installées et exploitent des dizaines de milliers d’ouvriers agricoles comme, précisément, Azura. L’exportation de fruits et légumes cultivés au Maroc, avec ou sans capitaux français, est contrebalancée par l’achat de blé tendre français dont le Maroc est le premier importateur, commerce que Macron a sécurisé en octobre.

On voit que le stand d’honneur du Maroc au Salon de l’agriculture célèbre surtout le capitalisme agricole français et que les petits ou moyens producteurs, de bonne foi ou pas, sont les dindons de la farce.

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