Affaire Bétharram : silences complices19/02/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/02/une_2951-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire Bétharram : silences complices

Le Premier ministre Bayrou est mis en cause pour son attitude face aux violences physiques et sexuelles subies par les élèves au collège- lycée Notre-Dame de Bétharram.

Une enquête de Mediapart reproche à Bayrou d’avoir couvert ces abus lorsqu’il était ministre de l’Éducation de 1993 à 1997 et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques jusqu’en 2001.

Réputé pour sa discipline stricte et son internat, le collège-lycée privé catholique de Bétharram, près de Pau, scolarise des fils de notables ainsi que des enfants dans des situations sociales plus précaires. Mais, depuis 2024, rompant des décennies de silence, 114 victimes ont saisi la justice. Leurs témoignages révèlent un climat de terreur basé sur des violences physiques et psychologiques permanentes à l’égard des élèves, ainsi que des violences sexuelles et des viols qui ont duré des années 1950 jusqu’en 2010 au moins. Ce système était organisé par des religieux et des laïcs qui avaient accès aux dossiers des enfants et s’attaquaient aux plus faibles, orphelins ou enfants en difficulté.

Pourtant, dès 1996, un surveillant général fut condamné à une amende de 5 000 francs pour une gifle ayant entraîné la perte de 40 % de l’audition d’un élève, mais il ne fut jamais sanctionné par l’institution. À la même époque, la presse publiait des descriptions des châtiments corporels infligés : coups, punitions en sous-vêtements par 0 °C, humiliations publiques.

Bayrou, alors ministre de l’Éducation, avait un lien personnel avec l’établissement : sa femme y enseignait le catéchisme et un de ses fils y était scolarisé, dans la classe même de l’élève giflé. Alors que le journal La Croix titrait en avril 1996 « Un collège mis en cause pour mauvais traitement », Bayrou se rendait en visite officielle à Bétharram un mois plus tard et évoquait un « sentiment d’injustice » face aux attaques contre l’établissement.

D’ailleurs, selon Mediapart, Bayrou et l’avocat de l’établissement se connaissaient bien : ce dernier avait été candidat pour le parti de Bayrou aux élections cantonales une dizaine d’années auparavant. En fait, tout un milieu de notables locaux, pour beaucoup catholiques et conservateurs, s’était organisé alors pour défendre le collège via des comités de soutien, du Sud- Ouest jusqu’à Paris. Cela avait permis d’étouffer l’affaire malgré d’autres signalements.

En 1998, le directeur-prêtre était mis en examen pour viol et agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans. Remis en liberté après deux semaines de détention provisoire et autorisé à quitter la France, à la surprise du juge d’instruction, il rejoignit le Vatican. Un an et demi plus tard, mis en cause par deux autres élèves, il se suicidait, entraînant la clôture de l’enquête. Bayrou nie aujourd’hui avoir même été au courant. Pourtant, le juge d’instruction de l’époque affirme qu’il est venu lui parler, et le gendarme chargé de l’enquête qu’il est intervenu auprès du procureur. Tous deux s’étonnent encore que l’accusé ait été libéré, contrairement à ce qui se passe dans les affaires semblables.

À Bétharram comme ailleurs, les institutions religieuses, les notables locaux, la « bonne société » catholique, les politiciens conservateurs, tous ces prétendus défenseurs de la famille qui disent se soucier des enfants se révèlent avant tout des défenseurs de leur milieu et permettent ainsi à la violence contre les enfants de perdurer.

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